« Death for Sale » : un concentré de sexe, délit et religion


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Malik, Allal et Soufiane, trois copains, vivent de vols à la tire dans une ville coincée entre une colline et une imposante montagne : Tétouan. Un jour, ils décident de changer leur destin en cambriolant la grande bijouterie de la ville. Mais bientôt les raisons du vol vont diverger et les opposer.

« Death for Sale » (Mort à vendre) est avant tout l’histoire d’une jeunesse enclavée dans le monde de la nuit, l’alcool, le vol, la prostitution et le radicalisme. Toutefois, le réalisateur du film, Faouzi Bensaïdi, prévient : « le film ne dresse pas le portrait d’une jeunesse marocaine mais raconte l’histoire de Malik, Allal, Soufiane et Dounia ». Quatre univers donc, quatre ambiances. Malik a 26 ans. Il est fou amoureux de Dounia, une prostituée dans la boîte de nuit : « la Passarella ». S’il accepte de participer au braquage orchestré par Allal, le gros bras du groupe, c’est uniquement pour sortir de la galère sa bien-aimée. Un amour que ne comprend justement pas Allal. Ce dur de 30 ans est sans foi ni loi. L’amour qu’a Malik pour Dounia n’est selon lui qu’une entrave à son avenir. Un avenir souillé par le vice et le vol. Reste Soufiane, 18 ans, la touche rire de cette bande de copains. Son défaut : trop influençable. Son but ultime : tuer le propriétaire de la grande bijouterie de la ville à braquer.

Faouzi Bensaïdi aborde des thèmes sensibles dans un pays qui se veut conservateur et qui cherche sans cesse à maquiller ce qu’il n’assume pas. Le réalisateur sort alors d’une autocensure et prend à bras le corps des sujets sociétaux que les médias au Maroc ne veulent pas ou n’osent pas aborder.

Fiction mais réalité

La particularité de ce film est son rapport avec la réalité. « Death For Sale » a beau être une fiction, les rôles joués reflètent parfaitement une matérialité. Celle d’une jeunesse en perdition, qui court à sa perte. Le résultat est surprenant. Une poésie d’images superposées à un regard violent sur cette réalité. Ce long-métrage est une continuité logique de « WWW : What a Wonderful World », réalisé en 2006 par Faouzi Bensaïd. Un genre ludique, moins engagé politiquement et dont l’exploration progresse vers une linéarité du récit pur pleinement assumé. Le lieu du tournage, Tétouan – une ville du nord du Maroc abandonnée où la violence coexiste avec la montée de l’extrémisme -, était le cadre idéal pour tourner ce film noir caractérisé par la violence et un humour burlesque.

Double jackpot pour Bensaïdi qui en plus de s’être aventurer avec succès sur un terrain glissant, a réussi à distribuer le film dans son pays malgré des scènes nues couplées à des rapports sexuels. Pas de pudibonderie, le réalisateur filme sans complexe la liberté du corps.

Malgré la fragilité du cinéma marocain, il a en plus obtenu une aide pour la réalisation de son film. Et même si un système d’aide aux réalisateurs se développe doucement mais sûrement au royaume, avec des financements allant jusqu’à 50%, le bonus accordé à Faouzi Bensaïdi est fréquemment refusé aux réalisateurs. Il paraît évident que la notoriété ouvre plus facilement des portes. Ces refus, certains les voient comme une chance de pouvoir tourner un film indépendant et ouvert à la liberté d’expression.

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Le jury du Brussels Film Festival a décerné en 2012 l’Iris d’or à « Death for Sale » qui a également été récompensé par Cineuropa « pour sa façon d’honorer et de bousculer les codes du polar, pour sa capacité à insuffler de la poésie dans une atmosphère saturée par la tension sociale et la montée de l’extrémisme, pour sa plongée libre et aérienne au coeur de Tétouan, au Maroc. » Le film était aussi en 2012 lauréat de l’Art Cinema Award au Festival de Berlin.« Death for Sale » était au programme du 8e Panorama des Cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient qui s’est déroulé à Paris et Saint-Denis du 4 au 21 avril 2013. Le film devrait sortir en France en automne 2013.

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