De Tlemcen à Marseille : la maturité en notes métissée de Nadir Ben


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Nadir Ben Photo © Fay Lafaille (Agence F-EYE)
Nadir Ben Photo © Fay Lafaille (Agence F-EYE)

Avec Maturity, son nouvel album, Nadir Ben s’affranchit du besoin de plaire à tout prix et affirme sans détour son identité musicale. Assumant pleinement ses influences arabo-andalouses et folk-pop, il explore les thèmes de l’exil et de l’appartenance, intimement liés à sa double culture. Des collaborations marquantes avec le violoniste Fouad Didi et le producteur électro Eljoee confèrent enfin à l’album une profondeur émotionnelle et une coloration urbaine contemporaine.

Votre album s’intitule Maturity : à quel moment avez-vous senti que vous aviez atteint cette « maturité » artistique ?

Nadir Ben : Je ne pense pas qu’on atteigne un jour une maturité définitive, mais Maturity marque pour moi un moment de clarté. Une étape où je ne ressens plus le besoin de me justifier musicalement. J’assume mes influences, mes choix, même mes silences. C’est peut-être ça, la maturité : ne plus chercher à plaire à tout prix, mais rester fidèle à ce que l’on est profondément, et assumer ce que l’on pense.

Vous mélangez héritage arabo-andalou et folk-pop moderne ; comment trouvez-vous l’équilibre sans trahir ni l’un ni l’autre ?

Nadir Ben : C’est une ligne de crête, forcément fragile. Mais j’ai grandi avec ces deux univers : les mélodies andalouses au violon, au mandole ou au oud dans le salon familial, les vieilles cassettes de mon père pendant les longs trajets, les répétitions des associations andalouses à Tlemcen et Oran durant mon enfance… et, en parallèle, les guitares folk dans mon casque. Je n’essaie pas de faire un collage, mais de laisser ces mondes dialoguer naturellement. Parfois, c’est une inflexion dans la voix, un mélisme subtil, ou un accord qui bascule. L’essentiel, c’est le respect des codes, et de trouver la bonne harmonie.

Les thèmes de l’exil et de l’appartenance traversent vos textes ; de quelle manière votre double culture influence-t-elle votre écriture ?

Nadir Ben : Elle est présente partout, même quand je ne la convoque pas consciemment. Cette sensation d’être entre deux rives, c’est à la fois une richesse et un travail de funambule. L’écriture, pour moi, est une manière d’harmoniser la mosaïque que constitue mon identité.

Parmi vos nombreuses collaborations (Eljoee, Juan Carmona, Radio Babel…), y en a-t-il une qui a particulièrement marqué la couleur de Maturity, et pourquoi ?

Nadir Ben : Chaque collaboration a laissé une empreinte, mais celle avec Fouad Didi – mon maître de musique arabo-andalouse à Marseille – a été particulièrement décisive. Sa virtuosité, son écoute, et son rapport viscéral à la tradition andalouse ont apporté une profondeur émotionnelle nouvelle à certains titres. Il comprend ce que veut dire « transmettre sans figer », et c’est exactement ce que je cherche à faire.

Ensuite, il y a eu la rencontre avec Bilel Mehsen, alias Eljoee, jeune prodige de la pop arabe, auteur, compositeur, producteur et beatmaker. Il a énormément contribué à la naissance de ce projet, en participant aux arrangements, au mix et au mastering. Il a participé à la couleur folk-pop urbaine. Il a une vision très moderne, tout en maîtrisant la musique algérienne et nord-africaine dans toute sa richesse et sa pluralité.

Votre tournée va passer par l’Algérie, c’est pour vous une joie particulière ?

Nadir Ben : Oui, c’est une émotion très forte. Revenir en Algérie avec mes chansons, c’était essentiel pour moi. Chanter chez moi, là où j’ai grandi, a une importance particulière. Le public algérien est un public extraordinaire, vivant et sincère et est sans doute celui qui s’identifie le plus à mes textes, et qui, je pense, me comprend le mieux — même si j’essaie de transmettre un message universel à travers les mélodies et les good vibes.

Ce pays m’habite, même à distance. Chanter là-bas, c’est renouer un lien, regarder les gens dans les yeux et leur dire : « voilà ce que j’ai construit avec ce que vous m’avez transmis ». C’est une manière de remercier.

Zainab Musa
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Zainab Musa est une journaliste collaborant avec afrik.com, spécialisée dans l'actualité politique, économique et sociale du Maghreb et de l'Afrique de l'Ouest. À travers ses enquêtes approfondies et ses analyses percutantes, elle met en lumière des sujets sensibles tels que la corruption, les tensions géopolitiques, les enjeux environnementaux et les défis de la transition énergétique. Ses articles traitent également des évolutions sociétales et culturelles, notamment à travers des reportages sur les figures influentes du Maroc et de l’Algérie. Son approche rigoureuse et son regard critique font d’elle une voix incontournable du journalisme africain francophone.
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