Crémation des morts en Afrique australe : la fin d’un tabou ?


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Dans la plupart des cultures en Afrique la crémation est largement considérée comme un tabou. Mais avec la pénurie de place dans les cimetières due à l’augmentation du prix des terres, elle est maintenant présenté comme une alternative à l’enterrement dans sud du continent.

De notre correspondante au Zimbabwe

Une quantité importante de terres qui aurait pu être utilisées pour installer des entreprises ou créer des résidences, a été reprise par les cimetières ces dernières année. L’augmentation du nombre de décès liés au Sida en Afrique australe ces dernières années entraînant un besoin supplémentaire de place pour les tombes. Pour autant, devant la pénurie d’espace disponible, la crémation apparaît de plus en plus comme l’unique façon de résoudre le problème. Mais si plusieurs municipalités au Botswana donnent à la crémation une place importante, la combustion des corps morts n’a pas toujours été traditionnellement et culturellement acceptable pour la plupart des Africains.

Le maire de Francistown, deuxième plus grande ville du Botswana, M. Shadreck Nyeku, explique que le seul cimetière de la ville à Gerald Estate est à 90% plein et qu’un nouveau est en train d’être développé. « Certains Botswanais ont recours à l’incinération comme une option … Le problème est qu’il s’agit d’une question délicate qui nécessite une approche prudente. Il faut envisager la culture et les croyances religieuses des gens. » « La crémation est difficile à envisager pour de nombreuse personnes parce que c’est quelque chose de nouveau pour nous. Nos ancêtres ne l’a jamais pratiqué », précise Nyeku.

Bulawayo, seconde ville du Zimbabwe avec plus de 1,5 millions d’habitants, encourage également ses résidents à accepter les crémations pour préserver la terre. M. Moyo Thaba, maire de la ville, a déclaré que les cimetières ont été rapidement remplis et que le conseil est en négociation avec certains propriétaires fonciers pour acquérir des terre sur laquelle établir de nouveaux cimetières ou agrandir ceux déjà existants. Il ajoute cependant, «Nous voulons éduquer notre peuple car la crémation a certains avantages par rapport à l’enfouissement. Elle revient moins cher car vous n’avez même pas besoin d’un cercueil. De plus, vous n’avez pas besoin d’acheter une tombe. D’autre part, cela permet permet d’économiser des terres qui nous seront utiles à d’autres fins, comme la construction de maisons et d’usines.  »

Les Blancs et les Asiatiques plus favorables à la crémation

Le Zimbabwe a un des taux de prévalence les plus important du monde, la pandémies du VIH Sida tuant environ 124.000 personnes par an, selon SMARTWork.

Selon M. Moyo, les personnes d’ascendance asiatique, ainsi que la communauté blanche, sont assez favorables à la crémation des morts mais c’est beaucoup moins le cas pour la population noire. En février, seulement 13 crémations ont été effectuées, un chiffre faible qui a amené la municipalité à élaborer une stratégie.

Cette stratégie de sépulture se base sur plusieurs approches. Creuser des tombes en profondeur pour permettre deux ou trois sépultures sur la même surface, arrêter la réserve de tombes et demander aux propriétaires de tombes non utilisés de les revendre au conseil, et enfin réduire les tarifs de la crémation pour les amener à moins de la moitié du prix d’un enterrement traditionnel.

À l’heure actuelle, un enterrement de base dans un cimetière, les frais de gravure, le cercueil en bois modeste et le transport, coûte environ 380 $ alors que la crémation revient en moyenne à 200 $.

Néanmoins, l’opposition à la crémation est forte de la part des Zimbabwéens noirs qui disent la culture africaine l’interdit. La pratique de la crémation est en sujette aux coupures d’électricité et à l’augmentation du prix du fuel.

M. Gilbert Mbasa, un conférencier de l’Université du Zimbabwe, explique que chaque culture a une façon de traiter ses morts et pour les Africains noirs, l’incinération n’est pas l’une d’eux. «Dans notre culture, la mort n’est pas simplement arrêter de vivre, c’est une transition d’un état d’être à l’autre. Ceux qui brûlent leurs morts ont leur compréhension de la mort, qui n’est pas la nôtre», précise-t-il.

Les zimbabwéens croient en la vie après la mort, et si ils incinèrent leurs proches décédés, ils estiment que l’esprit ne vivra pas dans l’au-delà, ajoute M. Mbasa.

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