Covid-19 : le Gabon, un fournisseur d’échantillons humains « cobayes » ?


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Ali Bongo Ondimba
Le chef de l'Etat du Gabon, Ali Bongo Ondimba

Dans cette Tribune, Laurence Ndong, présidente du mouvement « Debout Peuple Libre », livre son regard et ses inquiétudes sur la campagne de vaccination contre le Coronavirus menée par les autorités gabonaises. Elle dénonce un programme vaccinal imposé aux Gabonais, considérés comme des « cobayes », qui n’ont pas leur mot à dire.

Laurence Ndong
Laurence Ndong

Il y a quelques jours, les autorités sanitaires gabonaises ont présenté le Plan national de vaccination contre la Covid-19. Ce plan qui parait, à plusieurs égards, irréaliste, comporte de nombreuses zones d’ombres qui entretiennent le doute et inquiètent les Gabonais. En effet, notre pays a reçu, il y a deux semaines, 100 000 doses de vaccin offertes par le Gouvernement chinois, mais à ce jour, les Gabonais n’ont aucune information précise sur la procédure de validation de ce vaccin par les autorités sanitaires internationales.

Le millefeuille vaccinal et sa part d’ombre

La Chine, qui est le principal donateur du Gabon dans le cadre de son Plan national de vaccination, produit actuellement trois vaccins : CoronoVac du laboratoire Sinovac et les deux Sinopharm du laboratoire du même nom, notamment, le Pékin produit par le Beijing Institute of Biological Products (BIBP) et le Wuhan mis au point par le Wuhan Institute of Biological Products (WIBP). Aucun de ces trois vaccins n’a achevé la phase 3  des tests de validation. Or, il s’avère que leur mise sur le marché a déjà été autorisée. Cela pose un véritable problème, compte tenu des risques potentiels de santé publique.

Dans ce contexte, les autorités gabonaises, qui sont généralement très peu soucieuses du bien-être des populations, doivent veiller à ce que les Gabonais ne soient pas transformés en cobayes pour la finalisation de la phase 3 des vaccins chinois.

Au regard des études réalisées sur les vaccins produits en Chine, on peut constater que le CoronoVac, produit par le laboratoire Sinovac, est l’un des vaccins chinois les plus avancés à ce stade. Selon une étude publiée mardi 17 novembre 2020 dans la prestigieuse revue The Lancet, ce vaccin « est sûr et déclenche bien une réponse immunitaire chez les patients en bonne santé ». Ces résultats portent sur les essais cliniques des phases 1 et 2, réalisés en Chine sur environ 700 personnes âgés de 18 à 59 ans, en bonne santé.

Selon le protocole de ces tests, deux doses ont été injectées aux participants, à 14 jours d’intervalle, et les chercheurs ont remarqué une réponse immunitaire « robuste » au bout de 28 jours. D’après le laboratoire Sinovac, les tests à grande échelle au Brésil ont montré un taux d’efficacité globale du vaccin d’environ 50% pour empêcher l’infection, et de 80% pour éviter les cas nécessitant une intervention médicale. « Les résultats montrent que le vaccin est sûr et présente un effet immunogène sur les personnes de toutes les tranches d’âge », a assuré le laboratoire.

Plusieurs questions restent néanmoins en suspens : la réponse immunitaire du vaccin du laboratoire Sinovac est-elle suffisante pour protéger contre le Sars-CoV-2 ? A ce stade des essais cliniques, nul ne peut l’affirmer. Dans tous les cas, aux dires des autorités gabonaises, les dons reçus par notre pays sont constitués des vaccins du laboratoire Sinopharm, dont les études cliniques, de l’un des deux vaccins produits par ce dernier, sont les moins avancés.

Le laboratoire Sinopharm ayant mis au point deux vaccins, les Gabonais sont en droit de savoir lequel des deux est administré dans le cadre de l’actuelle campagne de vaccination. D’autant qu’en décembre 2020, les États-Unis ont accordé l’autorisation d’essai clinique au vaccin produit à Pékin, mais celle-ci a été refusée à celui de Wuhan. Tout cela est très confus et il y a de quoi être perplexe.

Dans l’hypothèse où le Gabon aurait reçu le vaccin Sinopharm de Pékin, on peut noter que dans un communiqué datant du 2 janvier 2021, le laboratoire Sinopharm avait assuré que son taux d’efficacité était de 79,43%. Cette information a été rendue publique après sa mise sur le marché, « sous conditions », le 31 décembre 2020, alors même que les essais cliniques n’étaient pas terminés, ce qui est encore le cas, à ce jour. Sous réserve des résultats des essais cliniques de la phase 3, il n’y a aucune publication scientifique internationale qui valide l’efficacité des deux vaccins Sinopharm. En conséquence,  il n’y a donc pas de données définitives sur ces vaccins.

Le jeu de dupe au détriment de la santé et des vies des Gabonais

Il est de la responsabilité de l’Etat de protéger chaque citoyen et au regard de la situation des vaccins Sinopharm, le principe de précaution commande de suspendre la campagne nationale de vaccination, en attendant des éléments scientifiques rassurants. Or, les autorités gabonaises incitent plutôt les populations à se faire vacciner, non sans exercer un chantage indécent : « vous voulez revivre et sortir du couvre-feu, acceptez d’être des cobayes ».

Du reste, de l’avis des experts sanitaires, la population africaine est singulièrement résistante au Sars-CoV-2 et cela a permis d’éviter l’hécatombe prédite à l’Afrique face au Covid-19. Au demeurant, si on injecte aux populations des agents faibles du Covid-19 sous forme de vaccins, mais sans réelle efficacité, on peut augmenter le risque de créer des variants du virus plus dangereux pour les Africains et donc pour le reste du monde. L’empressement et l’entêtement des autorités gabonaises sur ce sujet inquiètent plus qu’ils ne rassurent.

La campagne de vaccination déployée au Gabon, qui est en réalité un essai clinique avec un échantillonnage grandeur nature, présente donc des risques pour les populations et pour le reste de la planète. En l’occurrence, ce qui se passe actuellement à Manaus au Brésil est très édifiant. D’ailleurs, à ce titre, de nombreux pays s’opposent catégoriquement à des expérimentations de vaccins sur leurs populations.

Au sujet de la situation de la capitale de l’Amazonie, Manaus, dans le Nord du Brésil, où un variant est désormais dominant, le Président français Emmanuel Macron a déclaré, en parlant du vaccin Sinopharm, « qu’à moyen et long terme, il est presque sûr que si ce vaccin n’est pas approprié, il facilitera l’émergence de nouveaux variants ; il ne va absolument pas arranger la situation des pays l’ayant adopté ». Au-delà de toutes considérations géopolitiques, cette déclaration a de quoi faire réfléchir et inciter à la précaution.

Le Gabon compte environ deux millions d’habitants. Comment expliquer que pour une campagne de vaccination dans un contexte de pandémie, prétendument grave à l’échelle nationale et ayant motivé un état d’urgence avec des mesures de restrictions des libertés depuis un an, seules 100 000 doses de vaccins ont été reçues et sous forme de don ? Sachant que le protocole d’administration du vaccin reçu par le Gabon, prévoit l’injection de deux doses avec un intervalle de plusieurs jours, il s’agit donc de vacciner 50 000 personnes.

Vraisemblablement, la campagne de vaccination au Gabon est comme dans le Nord du Brésil, une étude clinique de la phase 3 du vaccin Sinopharm. On peut observer qu’aucune information n’est donnée sur les objectifs quantitatifs en dehors des 50 000 personnes ciblées pour recevoir les 100 000 doses du vaccin Sinopharm. Le plan national de vaccination annoncé semble se limiter à l’utilisation des doses de vaccins déjà reçues pour les besoins des essais cliniques.

En outre, on peut supposer que comme pour tout essai clinique, une partie des doses administrées sont des placebos. Pour faire simple, le procédé consiste à injecter le placebo, qui est une solution sans effet sur l’organisme, à une partie des personnes et la solution vaccinale à l’autre groupe de personnes. Puis on attend quelques jours, selon les personnes infectées et les personnes non infectées dans chaque groupe, on évalue le taux d’efficacité d’un vaccin.

Concernant le vaccin Sinopharm, pour assurer la mise en œuvre de ce processus au Gabon, les personnels des forces de défense et de sécurité, pour leur devoir de discipline, et les personnes fragiles avec des comorbidités qui nécessitent un suivi médical régulier, semblent être des cibles préférentielles soigneusement choisies. En l’occurrence, il est normal que les militaires soient vaccinés, mais ils ne doivent en aucun cas, ni servir de cobayes, ni être prioritaires.

Au final, l’accord qui lie les autorités gabonaises et chinoises autour du vaccin est davantage une démarche commerciale dont le laboratoire Sinopharm est le principal client. Dans cette transaction, le Gabon, comme le Brésil et bien d’autres pays, est l’un des fournisseurs d’échantillons humains « cobayes » nécessaires à la validation de la phase 3 des études cliniques du vaccin Sinopharm. Bien malin qui devinera les contreparties financières et matérielles reçues par les autorités gabonaises, à la faveur de leurs concessions et de leur consentement au détriment de la santé et des vies des Gabonais.

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