Côte d’Ivoire : des églises en croisade contre les tenues sexy


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Des femmes en mini-jupe manifestant.

Quelques églises d’Abidjan refoulent des fidèles arborant des tenues jugées indécentes. Objectif : ne pas détourner les croyants du message de Dieu. Et préserver ses serviteurs de pensées coupables. Car ils restent des êtres de chair qui ne peuvent pas toujours résister aux femmes sexy pendant leur messe.

Certaines églises abidjanaises ont inventé un onzième commandement : « De tenues sexy, tu ne porteras point ». Depuis longtemps, elles demandaient à leurs ouailles de venir louer le Seigneur dans une tenue sobre. Elles faisaient même de la sensibilisation. A l’image de l’Eglise catholique Notre Dame de l’incarnation, une toute jeune paroisse. « Nous expliquons, surtout aux jeunes, qu’il y a des tenues pour aller en boîte et d’autres pour se rendre à l’église. Nous disons à leurs parents de jeter un œil sur leurs enfants avant qu’ils ne viennent. Cela fonctionne plutôt bien. Les gens arrivent à faire la part des choses, même s’il reste des brebis galeuses », confie une bénévole de l’église qui a requis l’anonymat.

Chasse aux décollés et pantalons taille basse

Mais, notamment à cause de la récidive, plusieurs lieux de culte ont serré la vis. Selon Le Matin d’Abidjan, des « comités d’accueil » jouent le rôle d’« agents de contrôle » à l’entrée de la paroisse Notre Dame de l’Assomption de Koumassi Prodomo et aux églises St Jean-Marie Vianney D’Agboville, St André de Yopougon ou Ste Rita de Niango Nord. « Il n’y a certaines normes, mais pas de règlement écrit. Quand les habits ne sont pas conformes, ce qui est rare, les comités d’accueil, composés de fidèles de la paroisse, renvoient les gens chez eux en leur disant de changer d’habits », indique une source de l’Eglise Saint Louis.

« C’est un problème récurrent, ajoute un prêtre du diocèse d’Abidjan. Certains confondent la plage et le temple ou la boîte et le temple. Nous insistons systématiquement sur le fait qu’il faut s’habiller sobrement, pour favoriser une bonne ambiance de recueillement et que tout le monde soit à l’aise. Mais, presque tous les dimanches, nous devons renvoyer des personnes chez elles pour qu’elles se changent, bien qu’il y ait une accalmie avec les vacances. Nous n’interdisons pas l’accès, mais certaines paroisses imposent des tenues : pas de pantalons moulants, de bras dénudés, de jupes au-dessus des genoux… Au moins, c’est clair. Nous venons de faire une réunion de mise à jour et si malgré nos interpellations rien ne change, nous allons aussi devoir imposer une tenue. »

L’objectif est clair : refouler les décolletés pigeonnants. Les pantalons taille basse dévoilant la naissance du postérieur et autres petits hauts laissant le nombril prendre l’air sont également proscrits. Les mesures touchent donc principalement les femmes. Toutefois, « pour les hommes, il est interdit de porter des culottes (bermuda, ndlr), des t-shirts de publicité… », rapporte le journal ivoirien. Des interdictions qui figurent parfois dans le règlement intérieur de certaines maisons de Dieu et qui auraient même poussé certains fidèles à quitter leur paroisse pour une autre, plus « tolérante ».

Des hommes de Dieu troublés

Ces mesures visent à conserver l’attention des fidèles lors des messes. « Une femme qui porte une petit haut où on voit son nombril et un pantalon où le slip se fait voir quand elle est assise peut provoquer une distraction, explique timidement la bénévole de Notre Dame de l’incarnation. Les gens vont les regarder et oublier qu’ils sont à la messe, alors que les fidèles doivent aider à faire ce qu’il faut et non entraîner les autres sur la mauvaise pente. » Du côté protestant, on partage le même sentiment. « Quand une demoiselle s’habille et que sa poitrine est pratiquement dehors, vous imaginez l’émotion que peut ressentir celui qui prêche ou celui qui écoute le prêche », souligne Angelot Agré, secrétaire des relations extérieures de l’Association chrétiennes des élèves et étudiants protestants de Côte d’Ivoire (ACEEPCI).

Et de raconter une anecdote, pour le moins explicite. « Un jeune pasteur nous a dit qu’un collègue qui était à l’église est monté sur la chair pour faire la prédication. Une jeune fille s’était mise juste devant, au premier rang, et a fait tomber son mouchoir. Lorsqu’elle s’est baissée, sa poitrine s’est complètement révélée. Quand il a vu ça, il a commencé à crier qu’il était attaqué par le diable parce que cette vue avait provoqué une érection. Les gens n’ont rien compris », raconte le jeune homme, précisant que l’ACEEPCI ne « chasse pas les gens sexy, mais qu’elle préfère que les filles s’habillent sobrement. C’est plus intéressant comme ça ».

Le jeune étudiant enchaîne sur une autre histoire : « Un responsable était invité à une veillée de prière. Vous savez, les femmes ont une façon conventionnelle de s’asseoir. Et bien là, en regardant l’assemblée, le responsable était en face d’une femme qui avait les jambes ouvertes. Il était tellement secoué qu’il est parti au fond de la salle, demandant à quelqu’un de prendre le micro à sa place ».

De là à interdire les fidèles sexy de prière ? La solution que semblent privilégier les églises reste la médiation. « Je n’ai véritablement pas eu d’échos de femmes qu’on avait rejetées. Il n’y a rien de direct. On explique que, dans les enseignements, il est dit que les femmes doivent s’habiller de façon décente. Par ailleurs, si une femme s’habille sexy, ceux de l’assemblée peuvent la regarder d’une telle façon que la prochaine fois elle s’habillera autrement. Pour ma part, de façon fraternelle et amicale, je dis aux sœurs quand elles sont très bien habillées et coiffées. Sinon, je leur dis que ça ne me convient pas. Que, lorsqu’elles portent un pantalon taille basse, tous ceux qui sont derrière voient le slip qu’elles ont porté », indique Angelot Agré. Un fidèle averti en vaut deux.

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