Corruption et fragilité des États africains : le cycle infernal


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L’Afrique est confrontée à plusieurs problèmes, notamment celui de la corruption et de la fragilité de ses États. Quelle relation entre ces deux derniers problèmes sur le continent ?

Nous vivons dans un monde corrompu. La moyenne de la note de 188 pays de la planète donne un chiffre négatif pour l’indice du contrôle de la corruption de la Banque mondiale, qui varie entre -2.5 et 2.5 (corruption minimale). Mais, en comparant la moyenne africaine à celle des autres pays du monde, il en ressort une différence statistiquement significative. On ne peut donc pas rejeter l’hypothèse selon laquelle le niveau de la corruption africaine serait plus élevé que celui des autres pays du monde.
Par ailleurs, le quartile le plus élevé est constitué de 46 pays dont les notes varient entre -1,72 et -0,77. Dans ce groupe de plus mal classés, l’Afrique se distingue fortement par rapport à tout le reste des continents.

Poids de chaque région dans le club des plus corrompus

L’argument développé dans l’étude de Oasis Kodila Tedika et Remy Bolito Losembe (2013) est simple et va plus loin : chacune de ces raisons considèrent une dimension du problème. Or, l’Afrique combine plusieurs problèmes du fait même de la nature de ces États, à savoir pour plupart des États fragiles. En effet, l’Afrique sub-saharienne est l’une des régions du monde où une bonne partie des États sont fragiles : vingt-deux États sur un total de quarante-huit en Afrique Sub-saharienne sont classifiés par la Banque mondiale comme étant fragiles (European Report on Development, 2009; Marshall et Cole, 2009). Cet argument demeure pertinent comme l’ont démontré récemment Oasis Kodila Tedika et Remy Bolito Losembe (2013), dans le cas d’extrême fragilité. Ils confirment, avec des techniques économétriques, que la situation d’extrême fragilité de plusieurs pays africains conduit à plus de corruption, en facilitant les activités de recherche de rente, de survie, etc.

La fragilité apparaît en fait de plus en plus comme un état « persistant » : par exemple, la probabilité qu’un État classé fragile en 2001 le demeure en 2009 est de 0.95. De manière générale, les 35 pays qui étaient définis par la Banque mondiale comme fragiles en 1979 étaient toujours réputés fragiles en 2009 (European Report on Development, 2009).

La corruption fragilise davantage les États africains

Non seulement les États fragiles en Afrique ont une croissance économique plus faible que les États non fragiles, mais ils semblent être pris dans un « trappe à fragilité », comme le démontrent Andrimihaja, Cinyabuguma et Devarajan (2011). Les résultats de ces derniers suggèrent que les États fragiles sont qualitativement différents des États non fragiles. Le point de différence est la possibilité de descente dans une « trappe d’équilibre inférieur » : un pays avec de telles caractéristiques (celles d’un État fragile) est susceptible de tomber dans un cercle vicieux de faible investissement, faible croissance et de pauvreté. Ce qui, à son tour, l’affaiblit encore davantage. Au-delà de ces raisons qui renforcent la fragilité, Oasis Kodila-Tedika et Simplice A. Asongo (2013) confirment empiriquement que la corruption a un rôle majeur dans cette descente aux enfers. On serait en présence d’un cercle vicieux : la corruption fragilise davantage les États africains. Une fois fragile, la corruption s’accroît davantage, etc.

En somme, il n’est donc pas facile de lutter contre la corruption en Afrique. Une lecture d’ensemble s’impose, avec un regard fort sur le problème institutionnel de ces pays pour véritablement faire changer la donne. Sinon, ces États fragiles tireront encore l’Afrique vers le bas. Les solutions créant plus de transparence et réajustant les intérêts individuels au profit collectif, en façonnant notamment les règles politiques, doivent être privilégiées.

LibreAfrique.org.

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