COP15 : L’Incinération de l’Afrique


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La 15e Conférence des Parties (COP15) de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) s’est achevée à Copenhague en queue de poisson par l’adoption d’un accord appelé L9 arraché, nous dit-on, par Obama à la dernière minute aux dirigeants suivants : Wen Jiabao (Chine), Manmohan Singh (Inde) et Jacoba Zuma (Afrique du sud). Et voilà l’humanité réduite à la portion congrue…

C’est un accord qui n’est pas contraignant et les grands pollueurs ont libre champ de se donner des marges arbitraires fictives de limite des émissions de gaz à effet de serre qui leur plaisent. Voici donc le monde se comporter comme un procrastinateur qui temporise, diffère et renvoie au lendemain des décisions urgentes à prendre sur le champ : on se donne rendez-vous en décembre 2010 à Mexico City pour la COP16…

Cet accord est loin des expectatives des milliards des habitants de la planète – dont ceux des pays en voie de développement qui constituent le G-77 de l’ONU ; et surtout ceux des Etats insulaires qui verront leurs pays disparaître à la fin de ce siècle, avec le plafonnement hypothétique du réchauffement climatique à 2°C annoncé par Obama.
La présidence annuelle du G-77 se faisant par rotation, c’est le Soudan qui assume cette année la présidence de ce groupe – par la voix outragée, à la COP15, du Soudanais Lumumba Stanislaus Di-Aping.
La réaction de l’ambassadeur Lumumba Stanislaus Di-Aping à l’accord d’Obama fut acrimonieuse, frisant l’insulte et l’outrage non seulement à chef d’Etat, mais aussi à ceux qui soutiennent que la Shoah est incomparable dans l’histoire de l’humanité.

Voici le florilège des réactions de Lumumba Stanislaus Di-Aping au L9 d’Obama : « On nous demande de signer l’incinération de l’Afrique ». « Cet accord résultera sans aucun doute en une dévastation massive en Afrique et dans les petits Etats insulaires. Il a le plus bas niveau d’ambition qu’on puisse imaginer. Il n’est rien moins que le climato-scepticisme en action. Il condamne des pays dans un cycle perpétuel de pauvreté. Obama a éliminé toute différence entre lui et Bush ».
Et, plus ostensiblement, Lumumba Stanislaus Di-Aping a aussi comparé L9 à la Shoah, affirmant que l’accord « est une solution basée sur les valeurs même, à notre avis, qui ont conduit six millions de personnes dans des fours crématoires en Europe ».

Comme l’on peut s’y attendre, cette dernière affirmation de Lumumba Stanislaus Di-Aping a outragé beaucoup de gens. Mais avant de s’outrager, que l’on considère un moment le fait que le stress climatique qui se fait déjà sentir à plusieurs points du globe — dont l’Afrique — a été causé par un réchauffement de la planète de seulement 0,6° C au cours des cent dernières années. Le plafonnement incertain du réchauffement climatique à 2° C proposé par Obama se traduira en fait par la disparition des pays insulaires, l’avancée désertique en Afrique, la rareté de l’eau, la disparition d’une cinquantaine d’espèces animales, des guerres climatiques et hydrauliques et des millions de morts.

Mais revenons à la COP15 et au L9 d’Obama. Les Etats-Unis ne font pas partie du Protocole de Kyoto dont la COP est un mécanisme de mise en œuvre. On s’étonne donc que toutes les nations puissent dépendre d’une feuille de route climatique imposée par ce pays, l’un des deux grands pollueurs de la planète avec la Chine. De plus, où est la transparence et la démocratie dont Obama se fait le chantre lorsqu’on voit cet accord sortir d’un conciliabule entre la Chine et l’Amérique – l’entité « Chimerica » (Chine et Amérique) du Professeur Naill Ferguson ou le « G-2 » de Jacques Attali . Ah, j’oubliais, il y avait aussi l’Inde et l’Afrique du Sud dont les intérêts ne coïncident pas nécessairement avec ceux des autres pays en développement, soit dit en passant, qui servent de couverture à ce diktat du G-2 sur le monde.

Régis Debray dit que les Grecs appellent le Président des Etats-Unis le  » Planétarque », c’est-à-dire le monarque planétaire absolu. Cette description a été confirmée le vendredi 18 décembre au Bella Center où les présidents et les chefs du gouvernement du monde, tous assis comme des enfants sages et tétanisés, y compris Dmitri Medvedev, regardaient pérorer Obama qui n’a même pas daigné se mêler à eux.
Et le Planétarque est réapparu plus tard lors d’une conférence de presse pour dicter cet accord L9 au monde. Dans son monologue, il a d’abord affirmé ce que l’accord contenait de positif pour son pays : le gouvernement étatsunien est en train de transformer son économie et de sauvegarder des emplois par l’investissement dans l’« économie verte » qui libérera l’Amérique de sa dépendance du « pétrole étranger » ; cet effort illustre le leadership des Etats-Unis de par le monde ; que Copenhague n’est que le commencement d’une nouvelle approche aux problèmes inhérents au changement climatique…

Comme tout Planétarque, Obama vise d’abord les intérêts des multinationales de son pays à qui il donne carte blanche pour leurs activités polluantes et sacrifie des millions d’êtres humains sur l’autel de la religion de l’ultra-néolibéralisme.

Le jeudi 17 décembre à Copenhague, devant une foule de représentants des ONG et de jeunes protestataires venus de tous les points du globe, l’Archevêque Desmond Tutu s’est écrié en ces termes : « Nous savons que plus de 300 000 personnes autour du monde meurent chaque jour de pauvreté causée par des émissions [des gaz à effet de serre] provenant des pays riches. Hello, les riches ! Hello là-bas, hello l’Amérique ! »

L’Ambassadeur Lumumba Stanislaus Di-Aping fait courageusement écho à ce cri d’alarme lancé en plein désert par Desmond Tutu en réservant formellement une fin de non-recevoir à ce plan du Planétarque. Il montre au monde que si l’Afrique n’a pas les moyens d’arrêter l’inexorable, elle a tout au moins la capacité de signaler à l’humanité — à haute voix — qu’on est à bord d’un train emballé dont les freins ont été sabotés par son propre conducteur.

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