Congo : « Il faut agir maintenant contre le choléra »


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La Campagne intensive de lutte contre le choléra a été lancée à Pointe-Noire jeudi 1er mars, après l’avoir été à Brazzaville la veille. Présent dans la capitale économique, le Dr Koen Vanormelingen, représentant de l’Unicef au Congo, fait le point sur l’épidémie qui a débuté en novembre 2006 et fait 78 morts dans le pays. Interview.

Le Dr Koen Vanormelingen, représentant de l’Unicef au Congo, aborde avec Afrik l’action du gouvernement et celle de son organisation face à l’épidémie de choléra. S’il ne cache pas son inquiétude, il estime que des mesures d’urgence pourraient régler le problème.

Afrik : Les autorités congolaises ont tardé à réagir, n’annonçant officiellement l’épidémie de choléra que le 26 janvier, alors que les premiers cas suspects ont été répertoriés à Pointe-Noire début novembre. Qu’en est-il de leur implication aujourd’hui ?

Dr Koen Vanormelingen :
Le choléra est une maladie à déclaration obligatoire mais les pays tergiversent toujours… Le Congo n’est pas un cas unique. On observe toujours un délai de deux à trois semaines entre la détection des premiers cas et la déclaration officielle. L’important, c’est que les autorités ont aujourd’hui pris la mesure de la situation. Nous avions prévu une campagne de 12 jours à la mesure de nos moyens, avec un passage par ménage pour désinfecter les puits et les latrines. Mais le Premier ministre, qui s’est impliqué personnellement depuis trois semaines, souhaite la prolonger pendant au moins un mois supplémentaire. Il souhaite une « opération coup de poing » ! Il a promis des financements pour deux passages par ménages et pour mettre en place un système de maintenance afin de laisser des stocks d’eau de javel dans les quartiers. Je crois qu’il est convaincu et sincère.

Afrik : Quel a été le rôle de l’Unicef jusqu’à présent ?

Dr Koen Vanormelingen :
Nous avons appuyé le gouvernement congolais avec quelque 120 000 dollars. Cet argent a principalement servi à acheter les sels de réhydratation pour les malades, à faire de la mobilisation sociale et à former des relais communautaires, incontournables dans la lutte contre l’épidémie. Nous avons formé 400 relais et 70 superviseurs pour les quatre arrondissements de Pointe-Noire. L’Unicef finance les formations et achète l’eau de javel pour désinfecter l’eau. Au point de vue du traitement et de la prise en charge des malades, nous sommes très satisfaits car le nombre de décès est aujourd’hui quasi-nul.

Afrik : De quel budget avez-vous besoin pour poursuivre votre action ?

Dr Koen Vanormelingen :
Tant que l’épidémie continue, il nous faut au minimum 100 000 dollars par mois pour la gérer. Si elle s’étend, il faudra beaucoup plus… Le rôle de l’Unicef est de faire levier pour trouver des financements. Car il faudrait des millions de dollars pour mettre en oeuvre le développement des structures sanitaires de base, comme l’eau potable et l’assainissement public. A peine 35% des ménages de Pointe-Noire ont accès à l’eau courante. Et encore, ceux qui ont un robinet ne voient couler l’eau qu’une ou deux fois par semaine… Les villes comme Pointe-Noire ou Brazzaville ont besoin de grosses infrastructures de canalisation. L’objectif serait d’avoir une stratégie nationale d’assainissement. L’Unicef table aujourd’hui sur des zones pilotes de démonstration et de mise en oeuvre. En milieu rural, nous assainissons l’hydraulique rurale (puits et pompes), en combinaison avec un programme concernant les latrines. Nous assainissons aussi l’eau des écoles et des centres de santé. En milieu urbain, l’approche est différente, nous partons sur une base plus communautaire avec la mobilisation sociale et l’éducation des enfants. Sur les deux ans à venir, pour faire tout cela, nous aurons besoin d’1,5 millions de dollars.

Afrik : Le choléra touche-t-il particulièrement les enfants ?

Dr Koen Vanormelingen :
Pas vraiment. Les moins de 15 ans représentent 20 à 25% des cas. Le choléra affecte surtout les jeunes et la population active, de 15 à 40 ans. Mais, comme les enfants sont plus fragiles, la proportion de décès est plus élevée chez eux, atteignant 45%. Leur prise en charge est la même que celle des adultes mais ils se déshydratent plus vite.

Afrik : A chaque pluie, le nombre de cas augmente. Or, après une petite saison sèche (janvier-février) où il a quand même plu beaucoup, la saison des pluies devrait reprendre de plus belle en mars. Êtes-vous inquiet ?

Dr Koen Vanormelingen :
C’est vrai, la contamination augmente avec les pluies. Notamment à cause des puits. Il y a plus de 12 000 dans la ville et la nappe phréatique est très haute. Or, ces puits se trouvent à quelques mètres des latrines infectées, il n’y a pas les 30 mètres réglementaires qui permettent un filtrage naturel. Du coup, l’eau des puits est souillée et le vibrion du choléra s’y développe. Nous avons une fenêtre d’opportunité maintenant pour agir ! Il faut arriver à stériliser les latrines et désinfecter les puits dans le mois qui vient pour éliminer tous les vibrions du milieu de façon massive.

Afrik : L’épidémie risque-t-elle de s’étendre à d’autres régions ?

Dr Koen Vanormelingen :
Le risque existe toujours que Pointe-Noire serve de porte d’entrée au reste du pays. C’est le centre économique du Congo et il y a un risque de dissémination. Le département voisin du Kouilou a déjà été touché. Deux malades, dont l’un, qui venait de Pointe-Noire, a décédé, ont été répertoriés à Bitissi et un cas suspect de diarrhée à été annoncé à Likuala, dans le Nord. C’est pourquoi nous insistons, avec l’Organisation mondiale de la Santé, sur l’amélioration de la surveillance épidémiologique quotidienne. Il y a un vrai risque que la maladie passe du stade de l’épidémie à celui d’endémie, comme c’est le cas en Angola, où l’on enregistre de façon constante 100 à 150 nouveaux cas de choléra par jour. A Pointe-Noire, il y a eu des pics de 270 nouveaux cas. Nous sommes retombés entre 50 et 120 cas par jour, et entre 3 et 5 à Brazzaville, où l’on peut dire que l’épidémie est pratiquement jugulée. A 50 cas par jour, on peut réaliser une enquête précise et s’assurer que la source d’infection est coupée en faisant un suivi individuel. C’est ce que nous allons faire à Pointe-Noire, avec l’OMS. Et n’oublions pas non plus que l’épidémie peut se transmettre aux pays voisins…

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