Comores : Soilha Said Mdahoma, la bâtisseuse


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Soilha Said Mdahoma
Soilha Said Mdahoma

Comment devient on la femme numéro 1 du BTP dans ce petit coin de paradis qu’est l’archipel des Comores, quand on a fui le pays à l’âge de 17 ans, pour y retourner en tant qu’enfant prodigue, quelques années et épreuves après ? Soilha Said Mdahoma, chef d’entreprise et présidente d’ONG, a remporté, le mois dernier, le Trophée de la réussite au féminin. Une récompense remise à Paris, au Sénat, par l’ancien ministre des DOM TOM et du tourisme Olivier Stirn.

L’histoire de Soilha, est si intense et parsemée d’évènements aussi heureux qu’incongrus, qu’elle mérite d’être contée aux plus jeunes. Ceux pour qui, en particulier, courage, volonté et travail semblent signifier peu. A l’heure où tout semble facilement accessible et faussement biaisé par des succès éphémères, la réussite de cette femme s’impose dans ce paysage idyllique de l’océan Indien, plus macho qu’on ne le croit.

Nous sommes en 1975, la révolution éclate aux Comores[[Anciennement rattaché à Madagascar, l’archipel des Comores est constitué de 4 îles, Grande Comore, Anjouan, Mohéli et Mayotte]], après le referendum de 1973 instaurant l’indépendance concertée. Les mapinduzi (militaires militants), encadrés par des mercenaires, sèment la terreur et cherchent à enlever des enfants à leurs parents, surtout si ce sont de jeunes et jolies filles. Soilha a la malchance – ou la chance – d’être trop jolie et rebelle. En tous cas, suffisamment pour appâter les révolutionnaires. Ses parents décident alors de la marier à un homme plus âgé qu’elle qui la transformera en « femme ». Mais les épreuves de la vie, loin de sa famille, à Paris, vont la mener vers une féminité affirmée, un caractère trempé, fonceur, enrobé d’un naturel charmeur.

Alors qu’elle s’apprête à quitter les Comores pour la France, c’est son futur mari qui, à l’aéroport, se fait kidnapper par les rebelles. Il prend la place de la belle pour la sauver. Respectable attitude du héros qui se sacrifie pour sa promise. On ne pensait voir cela que dans les romans. Mais la vie de Soilha est un roman ! La jeune femme, qui est recueillie d’abord par des amis français puis par des sœurs protestantes, décroche un diplôme de puéricultrice et va exercer à la mairie de Paris durant plusieurs années.

Le désir de refaçonner le réel

Elle aurait pu garder les enfants des autres toute sa vie, mais elle aurait dû pour cela lutter contre sa nature de battante. Curieuse, assoiffée de rencontres et de nouveautés, elle court après les opportunités de business pour gagner toujours plus et pouvoir redistribuer une partie de ses gains par l’humanitaire. C’est sans doute ce naturel enthousiaste et entier qui lui a permis de désarmer plus d’un dirigeant comorien, et de devenir la conseillère du Président (chargée des investissements), lui-même.

Soilha, depuis, porte plusieurs casquettes sur sa jolie tête métissée, dont celle de chef d’entreprise (elle gère plusieurs entreprises de BTP, textile, Ferry Inter-iles aux Comores), celle de vice présidente du MEDEF Comorien, et présidente de plusieurs associations humanitaires. Qu’est ce qui pourrait stopper cette femme ouragan qui semble tout bousculer sur son passage pour refaçonner le réel à sa manière ? A quoi servirait donc le business, et à qui servirait le lobbying, s’il ne profitait pas à l’intérêt collectif ? Soilha est présidente de l’ASOI,(l’Association pour la Solidarité dans l’Océan Indien) et de l‘Union des Français à l’Etranger (section Comores), vice présidente de Tremplin pour Entreprendre, Membre fondateur de l’ ICC (Initiative Citoyenne) et de l’UFDC (Union des Femmes pour la Démocratie).

Déjà faite chevalier de l’ordre national du mérite, Soilha répond avec une rare modestie, lorsqu’on lui demande si sa mère est fière d’elle : « Je ne sais pas, je l’espère ». Pour sûr que la maman de 8 enfants doit s’enorgueillir d’avoir l’une des ses cadettes qui non seulement a réussi sa vie mais, en plus, facilite celle de ses frères et sœurs de sang et de nation.

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