« Coeur et assistance » pour les enfants de Côte d’Ivoire


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L’association ivoirienne Assistance internationale à l’enfance Cœur et action s’attache depuis 1999 à sortir les enfants en difficulté de la rue. Elle tente de les réinsérer dans le circuit scolaire, lorsque leur âge le permet, ou de leur dénicher un travail en apprentissage. La préoccupation du moment : récupérer des enfants poussés vers des écoles coraniques non diplômantes, dans le Nord, en l’absence de structures étatiques, explique son président, Kouadio Yao Alphonse.

Kouadio Yao Alphonse est conseillé d’éducation depuis quinze ans et attend avec impatience sa retraite, dans deux ans, afin de se consacrer à son association : Assistance internationale à l’enfance, « Cœur et action » (AIECA). Depuis 1999, date à laquelle il a été mis face à la réalité des enfants en prison, il se bat pour réinsérer ces êtres si tôt éjectés de la société. En apportant un soin tout particulier aux jeunes filles, car naturellement défavorisées, selon lui. Rencontré en février dernier à Tripoli, en Libye, dans le cadre du « Sommet de la jeunesse africaine », il revient avec Afrik sur le parcours de son association et sur ses actions sur le terrain. L’une des dernières vise à « récupérer » des enfants, dans le nord du pays, qui en l’absence de structures, depuis la crise de septembre 2002, ont pris le chemin d’écoles coraniques offrant, selon lui, peu d’avenir.

Afrik : Pourquoi avoir fondé cette association ?

Kouadio Yao Alphonse :
Cela s’est passé après une visite que j’ai rendue à un ami dans une maison carcérale d’Abidjan. J’ai alors découvert pour la première fois la situation des enfants en prison et cela m’a profondément choqué. Je n’ai pu rester sans rien faire et j’ai créé l’association AIECA le 21 août 1999.

Afrik : Comment travaillez-vous ?

Kouadio Yao Alphonse :
Nous soumettons des projets pour la réinsertion des jeunes aux bailleurs et aux ONG internationales. Nous recherchons ainsi des entreprises qui accepteraient de prendre avec elles des enfants en formation. Je travaille moi-même à l’éducation nationale, en tant que conseillé d’éducation, ce qui me permet de les faire entrer à l’école plus facilement. Nous avons récemment obtenu 13,631 millions de FCFA (20 700 euros, ndlr) d’une ONG pour financer un projet de six mois consistant dans la prise en charge de quarante enfants orphelins et vulnérables avec lesquels nous travaillons déjà. Lorsque nous prenons un enfant en apprentissage, nous nous engageons pour trois ans minimum, comme le veut la loi. Nous devons également payer le matériel sur lequel il sera amené à travailler (rabot, machine à coudre…) et les enfants sont rémunérés de 5 à, plus rarement, 8 000 FCFA par mois (7,6 à 12 euros). Le BIT (Bureau international du travail) nous a soutenu pour sortir d’un réseau trente enfants (vingt filles et dix garçons), victimes de divers trafics. Les trafiquants vont les chercher dans la campagne, leurs promettent monts et merveilles à Abidjan et les y placent finalement dans des familles comme esclaves.

Afrik : A combien d’enfants venez-vous en aide actuellement ?

Kouadio Yao Alphonse :
Nous avons 385 enfants à l’école et quinze en apprentissage. Nous travaillons avec un éducateur spécialisé qui écoute chaque enfant et l’aide à faire un choix parmi différents métiers, tels la menuiserie, la couture, la mécanique… Je dois préciser que nous privilégions toujours les filles, car elles sont défavorisées. Dans une famille, les parents se préoccuperont toujours plus des garçons que des filles… nous faisons le contraire. Ainsi, sur les quinze enfants actuellement en apprentissage, dix sont des filles.

Afrik : Avez-vous eu des retours de la part d’enfants que vous avez assistés, depuis 1999 ?

Kouadio Yao Alphonse :
Quatorze enfants ont mené à bien une formation avec nous, depuis 1999, et ils sont maintenant installés à leur propre compte, à Abidjan et ailleurs, ce dont nous sommes fiers. Certains sont revenus nous voir.

Afrik : L’Etat ivoirien vous vient-il en aide, notamment sur le plan financier ?

Kouadio Yao Alphonse :
L’année dernière, nous avons obtenu 700 000 FCFA (1 000 euros) du ministère délégué chargé de la Lutte contre le Sida, mais rien de notre ministère de tutelle.

Afrik : La situation a-t-elle empirée avec la crise en Côte d’Ivoire ?

Kouadio Yao Alphonse :
Elle ne favorise pas le financement de projets, car les bailleurs craignent de s’aventurer dans le pays. Il n’y a pourtant pas de quoi nourrir de telles craintes. Ce sont les hommes politiques qui ont créé leurs problèmes et ne peuvent plus aller d’un point à l’autre du pays. Moi-même, si j’ai un projet à Khorogo, Bouna ou Bouaké, en zone rebelle, je peux m’y rendre sans difficulté. Je me suis récemment rendu à Bouna à cause du phénomène qui s’est développé depuis le début de la crise, et qui fait que de nombreux enfants sont poussés vers les écoles coraniques par manque de structures étatiques. Notre but est de récupérer ceux qui peuvent encore l’être, c’est-à-dire jusqu’à neuf ans, avant leur entrée en sixième, car ces écoles ne permettent pas à celui qui en sort d’être armé pour la vie active. Mais même après cet âge, nous essayons parfois de les aider à rattraper le niveau pour accéder à cette classe.

Afrik : A quoi doit-on votre participation à ce sommet de la jeunesse africaine ?

Kouadio Yao Alphonse :
Si nous appartenons à un réseau, c’est parce que seuls, nous ne sommes pas assez forts pour faire certaines choses. Etre dans un groupement, panafricain par exemple, est important. Nous recherchons des partenaires extérieurs car sans moyens, nous ne pouvons travailler.

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