Centrafrique : qui pour présider l’Assemblée nationale ?


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Dans quelques jours, les députés centrafricains, fraîchement élus à l’issue d’un interminable processus électoral, et auxquels s’ajouteront une dizaine d’autres suite aux élections législatives partielles organisées le 13 mai prochain, seront convoqués en session extraordinaire de l’Assemblée nationale afin de mettre en place leur bureau et surtout élire leur président, la deuxième personnalité la plus importante de l’Etat dans l’ordre protocolaire. A cette occasion, pléthore de candidats sont en lice, dont certains présentent un profil pour le moins douteux…

De sources sûres, Martin Ziguélé, arrivé quatrième lors de la dernière élection présidentielle et élu député de Bocaranga 3 dans l’Ouham-Pendé dès le premier tour des élections législatives, devrait se porter candidat au perchoir. L’homme, qui jouit d’une crédibilité importante tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, est, semble-t-il, le mieux placé pour pouvoir emporter le poste. « Une majorité de députés est prête à lui faire confiance », nous confie l’un de ses pairs, élu indépendant de la préfecture de Basse-Kotto, l’une des seize que compte le pays. « Touadéra et Ziguélé, c’est le meilleur ticket pour garantir l’avenir de la Centrafrique », ajoute-t-il. De fait, si l’on considère les critères de compétence, d’expérience, de probité et de représentativité, Ziguélé semble en effet être le mieux placé pour accéder à ce poste si convoité.

Son ex-rival, Anicet Georges Dologuélé, président de l’URCA et candidat malheureux du second tour de l’élection présidentielle, qui a peiné pour se faire élire député de Bocaranga 1 lors d’un second tour de scrutin particulièrement disputé, a semble-t-il fait son deuil de ses ambitions d’être élu président de l’Assemblée nationale. Faute de majorité suffisante. Il entend désormais se positionner comme leader de l’opposition. Selon l’un de ses proches, il briguerait en parallèle la tête d’une institution économique et financière sous-régionale.

Autre potentiel candidat dont les chances sont minces : Timoléon Mbaikoua, l’ancien ministre de François Bozizé, qui s’était également porté candidat lors de la dernière élection présidentielle avant de rallier Dologuélé au second tour. « Ses chances sont minimes, pour ne pas dire inexistantes », tranche un observateur attentif de la vie politique banguissoise, rappelant, au passage, que Mbaikouaa été élu député « dans des conditions très controversées à Paoua 2 ».

Autre candidat malheureux à la Présidentielle à vouloir briguer lui aussi le perchoir, Karim Meckassoua, l’ancien ministre de François Bozizé, élu député de la 1ère circonscription du troisième arrondissement de Bangui. Selon des informations recueillies auprès de ses proches, ce dernier, stipendié par un pays voisin, aurait aidé financièrement un grand nombre de candidats indépendants aux Législatives, notamment ceux de l’UNDP de Michel Amine, afin de se constituer un vivier d’obligés à l’occasion de l’élection au perchoir de l’Assemblée nationale. Un pari hasardeux puisque que Michel Amine a, lui, demandé à ce que tous les députés de l’UNDP votent en faveur de Martin Ziguélé.

L’ancienne ministre et députée de Markounda, Emilie Béatrice Epaye, a, elle aussi, l’intention de se porter candidate – sous étiquette indépendante – au perchoir. Une décision qu’elle justifie par « la nécessité de voir une femme diriger une des institutions les plus importantes du pays ». Place aux femmes donc, mais pas sûr toutefois que ce slogan rencontre un large écho auprès de ses pairs après la gestion, jugée calamiteuse, de la Transition par Catherine Samba-Panza, une femme elle aussi issue à l’origine de la société civile. En réalité, les chances d’Emilie Béatrice Epaye d’être portée à la tête de l’Assemblée nationale sont très minces.

On prête également à Augustin Agou, un homme d’affaires, élu député indépendant du 1er arrondissement de Bangui, l’intention de briguer le perchoir de l’unique chambre centrafricaine des représentants. Mais c’est surtout le cas du repris de justice Guy Symphorien Mapenzi qui est préoccupant. Cet instituteur de formation, affilié au KNK, qui a longtemps secondé François Bozizé comme « pasteur » à la tête de la secte du « Christianisme céleste », a été jeté en prison pour le détournement de 1 500 000 FCFA au détriment de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS). Elu député de Bimbo, il raconte à qui veut l’entendre, qu’il est lui aussi candidat au perchoir avec l’aval et le soutien financier du Président Touadéra qui, pour l’occasion, aurait mis à sa disposition une forte somme d’argent afin qu’il puisse « acheter » le vote d’un nombre suffisant de députés. « Peu crédible », rétorque notre analyste politique. « On a beaucoup de mal à croire que le tout nouveau Président Faustin Archange Touadéra puisse accorder la moindre once de confiance à Guy Symphorien Mapenzi au point de lui donner autant d’argent, comme le prétend l’intéressé, pour se faire élire à la présidence de l’Assemblée ». Quoi qu’il en soit, l’hypothétique élection au perchoir de Guy Symphorien Mapenzi sonnerait sans doute le glas du renouveau centrafricain, tel que prôné par le Président Touadéra lui-même, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.

Autre personnage sulfureux à guigner la présidence de l’Assemblée nationale, Jean Michel Mandaba. Cet ancien ministre de la Santé de François Bozizé, fraichement élu député de Bamingui, « n’est ni plus ni qu’un repris de justice, à l’instar de Mapenzi, impliqué dans une affaire de vol de voitures à l’étranger et revendues à Bangui. Une affaire non réglée à ce jour », note un député de la préfecture de l’Ombella-M’Poko, située dans le sud-est du pays. Pour beaucoup cependant, l’obstination de Michel Mandaba à être tour à tour candidat à la Présidentielle et aux Législatives ne peut être comprise autrement que comme une volonté obstinée de rechercher une protection immunitaire face à des poursuites judiciaires désormais certaines. « Cette candidature est à rejeter absolument si l’on veut donner aux Centrafricains le signal d’un nouveau départ ».

En République centrafricaine (RCA), la présidence de l’Assemblée nationale est – on le voit – particulièrement convoitée. Elle fera sans conteste l’objet d’une âpre bataille, dont l’issue sera connue dans les prochains jours. Elle constitue d’ores et déjà un premier test décisif pour le nouveau Président Touadéra, qui en sera le grand électeur. Et suivant le choix de la personnalité retenue pour occuper le poste, elle permettra de juger des chances de la Centrafrique de sortir, ou non, de l’ornière à plus ou moins long terme.

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