Centrafrique : les soldats français sous-équipés


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Des soldats français
Des soldats français

Depuis plusieurs semaines, la grogne des soldats français déployés en Centrafrique est de plus en plus audible, notamment sur Internet. Ils se plaignent de leur sous-équipement et des mauvaises conditions de vie dans les campements.

Deux milles militaires français sont actuellement déployés en Centrafrique depuis le 5 décembre dernier. Ils sont de plus en plus nombreux à se plaindre des mauvaises conditions matérielles avec lesquelles ils évoluent sur le terrain.

« Les mécanos commandent souvent des pièces qui n’arrivent jamais »

« On circule dans des véhicules sans blindage dans des zones pourtant sensibles. Alors on fait avec les moyens du bord : on prend des gilets pare-balles et on les déplie sur les portières en guise de protection. A l’arrière, là, on met des sacs de sable pour arrêter les balles », voilà le type de messages que l’on peut lire sur des forums ou autres blogs de la part de soldats français déployés en Centrafrique.

La radio France Info a demandé l’avis de Caroline, une mère dont les deux fils sont à Bangui et qui alimente la principale page Facebook où sont collectés les témoignages anonymes de soldats. « On sait que les mécanos commandent souvent des pièces qui n’arrivent jamais. Car ce sont des modèles de pièces épuisés ou parce que tout simplement, il n’y a pas l’argent. Mes fils me disent parfois qu’ils ont le sentiment qu’un jour on finira par leur demander d’aller au front avec un bâton », explique cette mère de soldats.

Mutisme de la part de la hiérarchie militaire

Les conditions de vie peuvent aussi poser problème. Selon les deux fils de Caroline, les douches seraient aussi insuffisantes, il y aurait aussi des problèmes d’évacuation d’eau, les soldats passeraient la nuit sous des tentes sans climatisation et sans moustiquaire. Une cinquantaine de soldats français auraient attrapé le paludisme ces deux derniers mois en Centrafrique.

Caroline affirme que tout l’équipement des militaires français seraient de mauvaise qualité, des chaussures, dont les semelles se décollent rapidement, au sac à dos. Au Mali, une polémique s’était déclaré quand les soldats français avaient fait savoir que leur semelle fondaient au contact du sol brûlant.

Les soldats français feraient face à un mutisme de la part de la hiérarchie militaire. Le général au commande de l’opération Sangaris en Centrafrique, Francisco Soriano, avait déclaré au sujet du manque de matériel : « les conditions de vie ont été rustiques au départ, car il a fallu se déployer très vite. Ces conditions se sont maintenant améliorées et je ne constate pas d’indisponibilité de la force due aux conditions rustiques d’intervention ».

Un problème politique

Le président de l’Association de défense des droits des militaires (ADEFDROMIL), le colonel Jacques Bessy, dénonce une armée « bout de ficelle ». Il rappelle que des députés avaient rendu un rapport sur les difficiles conditions du maintien du matériel en condition opérationnelle dès 2005. « Presque dix ans plus tard, il y a eu trois lois de programmation militaire mais aucun enseignement n’a été tiré de ce rapport. La situation s’est même encore dégradée » révèle-t-il.

Le colonel Bessy poursuit : « les fantassins ne réclament pas grand-chose finalement. Juste du matériel qui tient la route, des équipements – des radios par exemple – qui fonctionnent. C’est clair que la plus grosse inquiétude porte sur le matériel roulant. Les véhicules de l’avant blindé sont fatigués, en fin de vie. Souvent, quand les pièces s’usent. Il faut désosser deux véhicules pour en faire un seul. C’est ce qu’on appelle la cannibalisation du matériel. Tout cela alourdit les opérations et cela mine le moral. C’est grave car le moral, c’est capital dans une armée en opération. Sans le moral, il y a une baisse de vigilance, et c’est là qu’on augmente le risque de se laisser surprendre ».

Pourtant, le budget de la défense constitue le troisième poste de dépense de l’Etat, derrière l’éducation et le remboursement de la dette. Il s’élève à 31 milliards d’euros par an.

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