Capitalisme de copinage au Burkina : une bombe à retardement


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Le Burkina Faso est un ancien pays colonisé, qui, 50 ans après son indépendance (toute relative) peine à inventer « son » modèle de développement : les recettes de l’ancien « colonisateur » sont souvent transplantées sans aucune mesure de précaution chez l’ancien « colonisé ». Le mal qui traverse l’économie occidentale actuellement est sans doute celui de l’irresponsabilité des hommes politiques, qui ont, en coulisses, organisé une collusion avec certains autres « irresponsables », d’entreprises, mélangeant ainsi intérêts électoralistes et irresponsabilité publique : c’est la crise du capitalisme de copinage avec le politique.

Le Burkina Faso, ce pays de 15 millions d’habitants au revenu annuel moyen de460 dollars par habitant (2010), n’est nullement épargné des conséquences de cette crise mondiale mais, pire encore, est que le « pays des hommes intègres » héberge lui-même les causes d’une semblable crise économique. Dans ce pays classé parmi les plus pauvres de la planète, entrepreneuriat privé et magouilles politiques sont difficilement dissociables.

Un climat des affaires verrouillé en faveur des entrepreneurs à la solde des hommes politiques

Il suffit de participer à des grandes rencontres de partis politiques pour se rendre compte de cette réalité. Les campagnes sont financées par des PDG de sociétés qui n’hésitent pas à appeler à voter pour tel ou tel candidat. Après les élections on ne peut s’étonner alors de voir des marchés attribués à ces mêmes « grands ». Conséquence : plus de 3/5 des marchés sont généralement non achevés ou exécutés sur des délais deux ou trois fois plus longs que prévus, ou encore qualitativement très insatisfaisants. Ces tristes réalités sont souvent divulguées des bouches des hommes politiques eux-mêmes (exemple : propos de l’actuel premier ministre le 22 octobre 2012). Les preuves les plus palpables de la politisation du climat des affaires au Burkina sont la création de multiples associations de soutien à des hommes politiques et à leur famille, dont les responsables des grandes entreprises (banques, sociétés de travaux publics, industries, commerce, …) sont les grands animateurs et bailleurs.

Des privatisations de façade

La privatisation est souvent le fait de pressions étrangères et, pour montrer qu’ils prennent en compte les recommandations qui leur sont faites, les autorités politiques procèdent à des privatisations… de façade. Ce fut le cas avec Rock Marc Christian Kabore, qui, lors de son mandat de premier ministre a privatisé certaines entreprises d’État burkinabè dans des conditions assez obscures. Les hommes politiques « confient » la gestion des entreprises à leurs amis et/ou proches. Peut-on nous faire croire à une privatisation en « refilant » les entreprises aux copains ? Le politicien construit le monopole en faveur du « soi-disant capitaliste » et ce dernier lui accorde les moyens de rester au pouvoir. Et peu importe les conséquences pour les populations à qui on laisse les miettes en interdisant la concurrence.
Des monopoles dans presque tous les domaines de la vie économiques.

Fonder une entreprise privée au Burkina n’est pas chose aisée. Aux yeux du monde entier la législation y est favorable (116ème rang mondial pour la création d’entreprises et 59ème rang mondial pour l’obtention de permis de construire : Doing Business 2012). Mais en réalité une entreprise n’est pas un ensemble de papiers administratifs qu’on rassemble. Entreprendre c’est produire. Mais comment produire et pouvoir concurrencer avec des entreprises à la solde de politiciens véreux ? Le ciment, le riz, le sucre, l’électricité, l’eau,… sont des monopoles gérés par les mêmes hommes des mêmes cercles. Les vrais entrepreneurs qui se battent pour une transparence du marché ne peuvent sortir de leur « trou » dans cette situation de déséquilibre de compétitivité. Ils s’enfoncent dans une pauvreté croissante ou ils finissent eux aussi par faire le jeu du système.

Un Etat de plus en plus grossissant

La Stratégie de Croissance Accélérée et de Développement Durable (SCADD) qui est le plan stratégique 2011-2015 qualifié de « made in Burkina » est la preuve que l’Etat Burkinabè est un Etat « providence » (en 2011 la part de dépenses publiques dans le PIB était de 25,3 %). Mais cette SCADD dont on se vante tant comporte plus de 44% de dépenses de fonctionnement (essentiellement des salaires). Pour assurer ces salaires c’est sans doute les impôts qu’on augmente. Conséquences : c’est de la sueur des braves citoyens travaillant sous le soleil brûlant, qui traversent chaque jour d’un bout à l’autre de la ville pour vendre leur petit commerce, qu’on nourrit les bureaucrates.

L’Etat est le médecin, le commerçant, le banquier, l’enseignant, le technicien, le fournisseur… La théorie économique explique ce grossissement de l’Etat par le fait que les hommes politiques et les fonctionnaires maximisent respectivement leurs chances d’être élus ou réélus et aussi leur revenu et leur pouvoir. D’où attributions de marché par affinités politiques et corruption. Les fonctions essentielles de l’Etat telles que la justice et la sécurité sont reléguées au second plan.

Un peuple indigné mais inactif

Réduit à la mendicité et à l’alcoolisme, le peuple burkinabè reste incapable de proposer le changement. Il court derrière les gadgets de campagne (75% des électeurs choisissent en fonction des gadgets reçus selon une étude CGD) et une fois les élections finies ne fait qu’observer la connivence. Le peuple burkinabè, qui est pourtant, à travers une culture de la liberté et du sens sacré de la propriété privé, la seule et unique solution à cette peste politique, a succombé à la collusion entre Big Business et Big Government.On assiste à la privatisation de bénéfices (partagés entre les politiciens et leurs complices) et le moment où la bombe s’éclatera (la crise) on brandira « l’intérêt supérieur de la nation » pour socialiser les pertes.
On se demande si le Burkina est toujours « le pays des hommes intègres » !

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