Cap Vert : le coût caché de l’explosion du tourisme


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Avec ses longues plages de sable blanc, ses mystérieuses salines et ses magnifiques paysages volcaniques, l’île de Sal, dans l’archipel du Cap Vert, au large des côtes du Sénégal, a tout pour attirer des touristes du monde entier. Mais ces atouts constituent également sa vulnérabilité au VIH/SIDA.

Le boom de l’industrie touristique, aidé par la présence d’un aéroport international –le seul du pays jusqu’à il y a quelques années-, a été l’épine dorsale de l’impressionnante croissance économique du pays, qui affiche aujourd’hui un taux annuel de sept pour cent. Des touristes, venus principalement d’Europe, affluent sur l’Île de Sal chaque semaine, grâce à un accès facilité par les vols charter et des séjours promotionnels. Leur lieu de prédilection est la vile côtière de Santa Maria, où le grand nombre de constructions témoigne de la confiance en l’économie de l’île.

Lorsque le Cap Vert a déclaré son indépendance du Portugal, en 1975, la viabilité de son économie, privée du pouvoir colonial, a été remise en question. Cependant, elle est devenue depuis lors plus saine et plus développée, gérée par un gouvernement qui place le tourisme à la base d’une croissance économique continue. « Pour le moment, le tourisme est notre principal secteur économique », a dit à IRIN/PlusNews Pedro Pires, le président du Cap Vert. « Le Cap Vert est devenu aujourd’hui une destination touristique intéressante pour de nombreux pays, notamment les pays européens. Nous sommes en train de développer ce secteur en fonction de cette demande ».

N’étant pas la capital du pays, l’Île de Sal est néanmoins son île la plus prospère, affichant un taux de chômage de seulement 12 pour cent, comparé au taux national de 24 pour cent, et un taux relativement bas de pauvreté. Capverdiens et étrangers sont attirés par la promesse de travail et d’opportunités commerciales, ce qui provoque un taux annuel de croissance de la population estimé à 7,6 pour cent, quand il devrait se situer autour de 1,5 pour cent. « Avec le boom du tourisme et de l’immobilier, nous attirons la population pauvre des autres îles. Nous accueillons également des immigrants de l’Afrique de l’Est et de l’Europe », a dit Jorge Figueiredo, médecin et président du gouvernement local.

Un taux de prévalence encore bas

Le Cap Vert, avec un taux de prévalence du VIH de moins d’un pour cent, semble avoir réussi jusqu’à présent à se tenir à l’abri des pires ravages causés par l’épidémie dans plusieurs autres pays africains. Selon des données fournies par le Comité de coordination de la lutte contre le sida (CSS-Sida), qui supervise la lutte contre le VIH dans tout le pays, l’Ile de Sal est une des îles les moins affectées par l’épidémie.

En 2005, 16 nouveaux cas d’infection par le VIH ont été enregistrés sur l’Île de Sal, 32 sur l’île de São Vicente et 165 sur celle de Santiago, où se situe la capitale du pays, Praia. En tout, 223 nouveaux cas ont été recensés au Cap Vert. «Comparé à São Vicente et Santiago, les autres îles n’ont que très peu de cas d’infection par le VIH », a expliqué Artur Correia, secrétaire exécutif du CCS-Sida et spécialiste en santé publique. « Le Cap Vert affiche un taux de prévalence très bas comparé à la plupart des autres pays africains, et c’est précisément dans ce contexte que nous pouvons parler de sa vulnérabilité au VIH. Il ne faut surtout pas la perdre de vue ».

Cependant, l’île de Sal est parmi les îles les plus exposées au risque d’infection du virus, suivie par Boa Vista et São Vicente, où de nouveaux aéroports internationaux devraient être inaugurés cette année. Les populations vulnérables sur l’île de Sal, et plus particulièrement à Santa Maria, où se concentrent la plupart des touristes, incluent les travailleurs du sexe, les utilisateurs de drogues et les enfants qui passent leurs journées, voire leurs nuits, dans les rues.

« Nous accueillons chaque année environ 160 000 touristes sur l’île de Sal, et l’on sait que le VIH est directement lié aux comportements sexuels. Naturellement, le danger de transmission augmente avec l’afflux des touristes », a dit M. Figueiredo. Les statistiques sur le VIH « nous montrent que notre situation n’est guère pire qu’à Praia ou dans d’autres régions du pays », a-t-il estimé. « Cependant, cela ne veut pas dire que la situation ne pourrait pas changer d’ici à quelques années. L’île de Sal est extrêmement vulnérable, même si les statistiques ne le montrent pas ».

La prévention, pas encore une habitude

Parmi les personnes séropositives de l’île de Sal, se trouvent des étrangers, et un enfant infecté via la transmission du virus de la mère à l’enfant, dite transmission verticale. Quatre adultes reçoivent un traitement antirétroviral, disponible pour toute personne qui en aurait besoin partout dans le pays, y compris pour les personnes en situation irrégulière.

Carla Andrade, médecin et déléguée du département de santé du gouvernement local, a expliqué que les efforts fournis dans le cadre de la lutte contre le sida se concentraient sur la prévention de la transmission verticale, la sensibilisation de la population et l’encouragement au plus grand nombre de personnes, principalement les femmes enceintes, à faire le test de dépistage du VIH. « Nous aimerions augmenter le nombre de tests effectués. Le taux de tests parmi les femmes enceintes est bon, mais nous aimerions atteindre 100 pour cent d’entre elles [mais] certaines femmes refusent le test », a-t-elle dit.

Sur l’île de Sal, « nous avons des personnes venant de toutes les autres îles, et aussi d’Europe et de l’Afrique de l’Est. Il existe une sorte de choc culturel ici. Plusieurs femmes capverdiennes qui refusent le test sont mariées à des hommes venant d’Afrique de l’Est », a précisé Mme Andrade.

Des données récoltées au niveau national en 2005 montrent que plus de 70 pour cent des hommes et environ 45 pour cent des femmes utilisent un préservatif lors de relations sexuelles à risque.

Cependant, selon Mme Andrade, le préservatif n’est pas toujours utilisé, plusieurs personnes ont de multiples partenaires, et la transmission par voie sexuelle reste la forme la plus commune de transmission. « Nous pouvons dire que de 80 à 85 pour cent des personnes séropositives ont été infectées lors de relations sexuelles… Nous parlons de prévention, de l’utilisation du préservatif. Mas nous nous apercevons souvent qu’il n’est pas utilisé », a-t-elle dit.

Photo: Zoe Eisenstein/PlusNews

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