Cameroun : Magil réclame des milliards pour un chantier à l’arrêt depuis deux ans


Lecture 3 min.
Stade d'Olembe
Stade d'Olembe

Le chantier du complexe sportif d’Olembé, censé incarner la modernité du Cameroun à l’occasion de la CAN 2021, s’est transformé en cauchemar politico-financier. Deux ans après l’arrêt des travaux, l’entreprise canadienne Magil réclame des milliards à l’État, qui dénonce une surfacturation et un abandon de mission. Le litige, désormais porté devant les juridictions internationales, cristallise les dérives des grands projets publics au Cameroun.

Deux ans après l’arrêt des travaux du complexe sportif d’Olembé, la bataille entre l’État camerounais et l’entreprise canadienne Magil Construction s’intensifie. Au cœur du conflit : une somme colossale de près de 16 milliards de FCFA (environ 25 millions d’euros) que Magil réclame au gouvernement, sur fond d’accusations réciproques de manquements contractuels. Ce litige emblématique soulève des interrogations sur la gestion des grands chantiers publics au Cameroun.

Un chantier à l’abandon devenu affaire judiciaire internationale

Initialement confiée à l’entreprise italienne Piccini, la construction du complexe d’Olembé avait pour ambition de doter le Cameroun d’une infrastructure sportive de niveau international à l’occasion de la Coupe d’Afrique des nations 2021. Après la rupture du contrat avec l’Italien, Magil prend la relève en 2020. Mais très vite, les relations se tendent entre le nouveau prestataire et les autorités camerounaises. En 2023, le contrat est résilié, laissant le chantier à l’abandon. Depuis, le contentieux a pris une tournure judiciaire : la Cour internationale d’arbitrage de Paris a ordonné à l’État camerounais de placer sous séquestre la somme litigieuse, en attendant l’issue du litige.

Magil affirme que le blocage du projet est dû à l’incapacité du ministère des Sports à libérer les fonds nécessaires. L’entreprise pointe du doigt une facture de 16 milliards de FCFA non honorée, et demande en outre une compensation de 300 000 euros pour atteinte à son image. De son côté, le gouvernement riposte en accusant Magil d’avoir perçu plus d’argent que prévu : 42 milliards de FCFA au lieu des 22 initiaux pour la première phase, sans avancement significatif. Il menace désormais de contre-attaquer sur le plan judiciaire, reprochant à l’entreprise de graves manquements à ses engagements.

Un projet ambitieux rongé par les retards et les malentendus

Le complexe d’Olembé devait comprendre, outre le stade de 60 000 places, un hôtel cinq étoiles, un centre commercial, une piscine olympique, un gymnase et deux stades annexes. Mais aujourd’hui, ces infrastructures restent inachevées. Le rêve de modernité s’est mué en cauchemar administratif et financier. Derrière l’arrêt des travaux, une réalité plus obscure : Magil faisait face à des retards de paiement envers ses fournisseurs, qui réclamaient quelque 13 milliards de FCFA. Ces arriérés ont conduit à un boycott, bloquant l’acheminement des matériaux nécessaires. Résultat : malgré les injonctions du ministère, les travaux n’ont jamais repris.

Face à l’impasse, les autorités camerounaises envisagent désormais une gestion directe du chantier, en « régie », sans l’intervention d’un prestataire étranger. Une manière pour Yaoundé de reprendre la main sur un projet devenu symbole de gaspillage et de discorde. Mais le conflit judiciaire pourrait encore durer des années, retardant davantage l’achèvement d’un complexe qui, en dépit de la cérémonie d’ouverture et de la finale de la CAN 2021 qu’il a accueillies, demeure inachevé.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News