
L’Assemblée législative de transition (ALT) du Burkina Faso a adopté, le lundi 29 décembre 2025, un projet de loi obligeant les entreprises réalisant un chiffre d’affaires annuel d’au moins 5 milliards de francs CFA à disposer d’un siège sur le territoire national. Le texte, composé de six chapitres et de quatorze articles, a été voté à l’unanimité par les 68 députés présents.
La séance plénière était présidée par le 4ᵉ vice-président de l’ALT, Daouda Diallo, en présence de la ministre déléguée chargée du Budget, Fatoumata Bako, représentant le gouvernement.
Un contexte économique marqué par une attractivité contrastée
Malgré une situation sécuritaire fragile, le Burkina Faso continue d’accueillir des investissements dans plusieurs secteurs clés, notamment les mines, les télécommunications, les services financiers, l’agro-industrie et les infrastructures. Selon les explications fournies par le ministre secrétaire général du gouvernement, Ousmane Ouattara, cette attractivité ne se traduit pas toujours par une implantation durable des grandes entreprises sur le territoire.
Ainsi, de nombreuses sociétés opèrent sur le marché burkinabè tout en conservant leurs sièges à l’étranger ou en limitant leur présence locale à des structures réduites. Les autorités estiment que cette configuration pose plusieurs difficultés, notamment en matière de fiscalité, de contrôle administratif et de retombées économiques locales.
Des objectifs fiscaux et structurels
Le gouvernement met en avant plusieurs enjeux liés à l’absence de sièges physiques. Sur le plan fiscal, l’absence d’implantation complique la détermination de la résidence fiscale des entreprises, ce qui peut favoriser l’érosion de la base d’imposition et les transferts de bénéfices. Sur le plan économique, les autorités relèvent un impact limité en termes de création d’emplois qualifiés et de développement de l’immobilier d’affaires.
Le texte souligne également les difficultés rencontrées par l’administration pour assurer le suivi et le contrôle des activités des entreprises ne disposant pas d’infrastructures permanentes, ainsi que les limites que cela peut poser en matière de contribution au développement économique national.
La loi précise que le « siège de l’entreprise » correspond à un immeuble principal situé au Burkina Faso, abritant les organes de direction et les services centraux, et constituant le lieu de résidence fiscale. Les autorités ont indiqué qu’il ne s’agit pas nécessairement du siège social mondial de l’entreprise, mais d’un siège opérationnel et fiscal significatif sur le territoire national. Cette précision vise à clarifier le champ d’application du texte et à distinguer les obligations prévues de celles relevant du droit des sociétés à l’échelle internationale.
Une réforme inscrite dans les orientations gouvernementales
Une fois la loi entrée en vigueur, les entreprises concernées disposeront de six mois pour soumettre un projet immobilier aux services compétents. Après l’adoption de ce projet, un délai de 36 mois est prévu pour la construction du siège, conformément à l’article 5 du texte. Selon le gouvernement, ces délais doivent permettre aux entreprises de constituer des dossiers complets comprenant les aspects techniques, financiers et calendaires nécessaires à la réalisation des projets.
Les autorités burkinabè présentent ce projet de loi comme s’inscrivant dans les orientations stratégiques du gouvernement de transition. Les objectifs affichés incluent le renforcement de la souveraineté économique, l’amélioration de la mobilisation des ressources fiscales internes, la promotion d’un développement économique inclusif et la création d’emplois qualifiés dans les centres urbains. Le texte prévoit également un régime d’accompagnement, avec des avantages fiscaux et douaniers temporaires destinés à faciliter la transition pour les entreprises concernées, tout en imposant le respect de normes architecturales et environnementales.
Des références à des expériences étrangères
Dans son rapport, la Commission des finances et du budget (COMFIB) cite plusieurs pays (dont l’Angola, le Ghana, l’Indonésie et la Malaisie) ayant mis en place des obligations comparables. Selon les autorités, ces dispositifs auraient contribué au développement de l’investissement immobilier et au renforcement des recettes fiscales dans ces pays.
Le gouvernement burkinabè affirme par ailleurs que la loi est conforme aux engagements internationaux du Burkina Faso, estimant qu’elle ne constitue ni une restriction aux échanges ni une entrave aux investissements, et que les incitations prévues sont ciblées et limitées.
Une loi dont l’application sera déterminante
La question de l’impact de cette mesure sur l’attractivité du pays a été soulevée au cours des débats. La ministre déléguée chargée du Budget, Fatoumata Bako, a indiqué que de nombreuses grandes entreprises disposent déjà de terrains ou de projets en cours, et que la mesure ne devrait pas constituer un changement majeur pour ces acteurs. Elle a néanmoins reconnu l’existence de risques, tout en soulignant la présence de mécanismes d’accompagnement destinés à en atténuer les effets.
Adoptée dans un contexte de transition politique, cette réforme marque une évolution de la politique économique burkinabè à l’égard des grandes entreprises. Son impact réel dépendra des modalités de mise en œuvre, de la capacité de l’administration à en assurer le suivi, ainsi que des réactions des acteurs économiques concernés. À moyen terme, l’application de cette loi permettra d’évaluer si l’obligation d’implantation territoriale contribue effectivement à améliorer la mobilisation des ressources fiscales, la création d’emplois et la structuration de l’économie nationale.




