Brazzaville ne peut plus exporter de diamants


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Les diamants congolais ne passent plus la frontière. La suspension officielle des exportations nationales a été annoncée jeudi. Une décision qui fait suite à l’exclusion du Congo le 9 juillet dernier du processus de Kimberley. Situation qui profite à Kinshasa, puisque la RDC affiche son plus beau score d’exportation de diamants pour le mois de juillet.

Brazzaville, jeudi 5 août. Le ministre congolais des Mines et de l’Energie, Philippe Mvouo, s’adresse à l’Assemblée nationale : « Toutes les activités d’exportations [de diamants] sont aujourd’hui suspendues ». Suspendues pour avoir suscité le doute chez les membres du processus de Kimberley, qui s’interrogeaient sur la provenance des masses de diamants exportées par le Congo. Le ministre a reconnu que dans son pays « les producteurs artisanaux n’étaient pas organisés ou contrôlés ». Pas contrôlés… un détail pourtant essentiel aux yeux des adhérents au processus de traçabilité des diamants. Une mission de vérification envoyée par Kimberley a enquêté sur le terrain entre le 31 mai et le 4 juin. Face à l’incapacité de la République congolaise de justifier l’origine de ses pierres précieuses, le « clan » Kimberley avait décidé, le 9 juillet, de suspendre son adhésion. En pratique c’est seulement depuis jeudi que plus aucun diamant congolais ne voyage. Le trésor public du pays devra désormais faire sans les 200 à 400 millions de F CFA annuels générés par l’exportation de diamants.

Le processus de Kimberley est né d’une initiative internationale, destinée à contrôler les commerces de diamants. Objectif : interdire la circulation des pierres produites dans des pays en conflits armés pouvant servir à financer les guerres civiles ou à déstabiliser les régimes. Le collectif compte 43 Etats participants, l’industrie du diamant et des organisations non gouvernementales. C’est Kinshasa qui, depuis septembre 2003, demande l’exclusion du Congo voisin qu’il accuse de pillage minier sur ses terres.

A qui profite l’exclusion ?

Le malheur des uns… fait le bonheur des autres. Depuis le retrait de Brazzaville, le ministre des Mines de RDC, Jeune Diomi Ndongala, respire enfin. « Cela fait des années que le Congo pille nos diamants. La fraude nous fait perdre entre 200 et 250 millions de dollars par an », déplore-t-il. Pour lui, les preuves de ce pillage sont tangibles : « On repère facilement les avions survolant l’Est de notre pays, chargés de richesses minières, atterrir chez nos voisins ! » De plus, entre les deux capitales les plus rapprochées du monde, la frontière que constitue le fleuve Congo est perméable, comme l’explique Jeune Diomi : « Les voleurs passent aisément de l’autre côté du fleuve. En pirogue, parmi les pêcheurs, de jour ou de nuit, ce n’est pas une difficulté pour eux ». Autre preuve concrète pour le gouvernement kinois : entre les recettes de juillet 2003 et celle du même mois en 2004, le bénéfice est flagrant. « 48 millions de dollars pour l’année dernière, contre 81 400 000 millions en juillet dernier », confie le ministre des Mines. Un chiffre jamais atteint depuis plus de vingt ans.

Eviter la fraude pour une meilleure stabilité économique

Dans un pays en situation de post-conflit comme la République Démocratique du Congo, l’exploitation minière est quasiment l’unique source de revenu. « La production et l’exportation de diamants sont essentielles pour notre pays. Eviter la fraude permettra une meilleure stabilité économique », affirme Jeune Diomi Ndongala. Et pour afficher la bonne volonté des Congolais, des mesures strictes sont prises en RDC : le ministère des Mines et une direction d’investigation encadrent les productions artisanales des comptoirs, afin d’éviter que le flux produit ne soit pas plus maigre que les exportations. Mais la situation n’est pas encore effective. Jeune Diomi Ndongala déplore toujours une différence non négligeable entre production et exportation officielles, malgré l’exclusion du principal « pilleur ». Les sols congolais regorgeant de richesses suscitent bien des jalousies et le Congo Brazzaville ne serait pas le seul rapace…

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