Bouteflika à Moscou


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Comment vont les relations entre Moscou et Alger ? Officiellement, tout va bien. Hormis quelques grands petits détails, comme l’affaire des avions de chasse dont la qualité est mise en question à Alger et aussi des divergences sur la stratégie gazière…

L’arrivée de Abdelaziz Bouteflika, hier à Moscou, a été précédée par la révélation du journal russe Kommersant: l’Algérie va restituer les 15 chasseurs Mig-29 qu’elle a réceptionnés sur les 34 prévus par le contrat entre les deux parties. Les experts algériens ont trouvé que les appareils ne correspondent pas à ce qui était prévu dans le contrat. L’Algérie a dès lors cessé de réceptionner les autres appareils et a cessé de payer. Le contentieux, révélé en premier par la presse russe, a pris les allures d’une crise sans précédent dans les relations algéro-russes. Certains commentateurs russes n’ont pas hésité à interpréter ce rejet des Mig-29 à des conflits de pouvoir en Algérie et à une pression française en vue d’imposer son Rafale. Thèse difficile à confirmer, même si la presse russe est moins ennuyeuse et ne recourt plus à la langue de bois célébrant l’amitié et les liens stratégiques entre Moscou et Alger.

Il semble que Moscou ne nie pas la véracité des objections algériennes et accepterait des solutions de rechange qui préserveraient son vieux marché algérien. Et apparemment, le terrain a été déjà déblayé avant la rencontre entre Bouteflika et Poutine. Selon le journal, un accord aurait été signé la semaine dernière pour la restitution de ces avions et le rachat d’avions plus performants (des Mig-35, semble-t-il, ndlr). Les avions restitués seraient rachetés par le ministère russe de la Défense ou vendus à un pays tiers. Dans le cas de l’achat de nouveaux avions, la facture devrait être plus élevée pour l’Algérie. Les deux parties devront en tout cas trancher sur un contentieux qui est plus commercial que politique. C’est une question de sous et dans l’état actuel des choses, ce n’est pas le plus difficile à résoudre. Larrons en foire ?

Les hydrocarbures, le dossier qui fâche

Mais les relations sont apparues plus problématiques dans le domaine de la politique des hydrocarbures où, objectivement, Gazprom et Sonatrach sont plus en position de concurrence que de partenariat. Si la Russie de Poutine continue de défendre l’option d’une Opep du gaz, l’attitude de l’Algérie est très ambiguë sur la question. Il y a certes eu la déclaration de Abdelaziz Bouteflika estimant qu’il ne faut pas rejeter « a priori » cette option. Il reste que les responsables du secteur de l’énergie, Chakib Khelil en premier, ne l’ont guère défendue. Ils ont eu davantage tendance à mettre en avant les raisons, réelles il est vrai, qui rendent problématique, voire irréaliste la constitution d’un cartel du gaz sur le court et le moyen terme.

A long terme, un marché international du gaz pourrait exister grâce à la part grandissante du gaz naturel liquéfié, mais pour l’instant, cela ne fait que créer une animosité inutile avec les consommateurs. A cela s’ajoute l’annonce par Sonatrach en août dernier de la fin du mémorandum d’entente avec Gazprom qui a été perçue, et pas seulement dans les médias russes, comme un « choix politique ». Le patron de Sonatrach s’en est défendu en indiquant que le mémorandum était conçu dans une perspective d’échanges d’actifs et que cela n’a pu être réalisé en raison du désintérêt de Gazprom. Mais rien n’enlève aux Russes le sentiment que l’Algérie a choisi de satisfaire l’Europe au détriment d’une alliance qu’ils estiment fructueuse. S’agit-il vraiment de simples malentendus dans une relation rendue complexe par le fait que les deux instruments, Gazprom et Sonatrach, ont tous deux besoin du marché européen ? Et tous deux doivent prendre en compte la méfiance des clients de voir deux fournisseurs principaux s’entendre comme des larrons en foire.

M. Saâdoune, pour Le Quotidien d’Oran

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