Botswana : des solutions pour sauver les éléphants ?


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Elephant

Chasse, pas chasse, interdictions ou pas, la préservation de la faune africaine oscille entre des politiques dont l’efficacité est contestable.

Dans son article, Steve Hanke, analysant les problèmes liés tantôt à l’extinction des espèces, tantôt à des surpopulations d’animaux entravant le quotidien des populations, propose de sortir des politiques pilotées par l’Etat, d’autant que la corruption des dirigeants entravent les résultats de ces politiques. L’auteur propose alors de responsabiliser les communautés locales et de les mettre au centre du processus. Pour cela, il propose de leur donner la propriété des terres et des troupeaux sauvages. On ne gère jamais mieux que quand il s’agit de son propre bien. Une voie à approfondir.

Au milieu des années 90, le Botswana comptait 50 000 éléphants. Depuis lors, cet effectif a explosé pour atteindre plus de 130 000 éléphants, en partie grâce à l’interdiction de la chasse. À présent, les éléphants du Botswana représentent un danger pour la vie des populations et pour les biens. Ainsi, en mai dernier, le gouvernement a levé l’interdiction de chasser, ce qui a provoqué l’indignation de plusieurs Botswanais, mais pas de ceux des zones rurales, qui ont été témoins de la destruction de leurs biens, de la mort de leurs voisins et de la perturbation de leur vie à cause des éléphants. Le président Masisi affirme que la chasse contrôlée transformerait les éléphants de parasite en une valeur économique, ce qui pourrait faciliter leur sauvetage.

Les questionnements entre les communs et la propriété privée

Le président Masisi a raison. Je le sais car j’ai passé beaucoup de temps à étudier le problème de la conservation de la faune sauvage en Afrique il y a quelques années. Tout a commencé avec un déjeuner en 1972 et une collaboration avec Richard Leakey, fils des célèbres paléontologues Louis et Mary Leakey. R. Leakey avait observé que les savanes est-africaines étaient en grande partie des ressources communes, appropriées de manière collective. Ainsi, il en a déduit que, si les droits de propriété ne pouvaient pas être établis, la savane et la faune risquaient d’être détruites.

Leakey s’est demandé si le système actuel, reposant sur une propriété commune et régi par un système de règles de chasse de type très britannique (frais de permis de chasse et pénalités pour la chasse sans permis, violations de la fermeture de la saison et mise à mort d’espèces protégées), était vraiment durable. Il s’est également demandé si les parcs et les réserves de gibier, associés à des restrictions sur le commerce de viande, de peaux d’animaux sauvages et la chasse aux trophées (chasse sélective visant le gros gibier), permettraient de préserver la faune. Selon Leakey, si des propriétés privées des savanes et des ressources fauniques pouvaient être créées, elles pourraient être gérées correctement pour améliorer la productivité de l’utilisation des terres. Ceci, a-t-il conclu, conférerait une valeur économique à la faune, la préserverait de la destruction et améliorerait le bien-être économique des peuples autochtones qui cohabitent avec les troupeaux.

Tester sur le terrain pour savoir si ça marche

Leakey voulait savoir ce que je pensais de ses idées. Les droits de propriété pourraient-ils réduire le braconnage et la corruption, sauver des espèces sauvages et améliorer la productivité des savanes d’Afrique de l’Est? Des élevages de gibier bien gérés, la chasse au trophée, le tourisme, associés à l’élevage pastoral, pourraient-ils générer plus de prospérité que les arrangements actuels en matière d’utilisation des terres? Une telle économie axée sur la faune pourrait-elle coexister avec l’élevage traditionnel? Ma réponse a été que je pensais que Leakey, en principe, était sur la bonne voie, mais que des réponses définitives sur la manière d’établir des droits de propriété sur les ressources de propriété commune de l’Afrique de l’Est, ainsi que sur les valeurs économiques impliquées, nécessiteraient une expérimentation empirique et pratique. Le travail sur le terrain et la collecte de données brutes, entre autres, seraient nécessaires.

À l’été 1972, je suis arrivé à Nairobi, où j’ai passé environ un mois sur le terrain en safari. Ce qui n’était pas encourageant, a été les chiffres que j’ai trouvés dans les registres à Nairobi. Lorsque j’ai additionné le nombre de permis de chasse délivrés chaque année et les permis d’exportation pour l’ivoire, il y avait un fossé énorme. Les exportations légales de trophées d’animaux sauvages, d’ivoire, etc., enregistrées par le service des douanes, dépassaient largement les licences de chasse délivrées par l’administration. Il y avait du rififi au paradis ! En effet, toute mon arithmétique indiquait une corruption massive au plus haut niveau de l’Etat. Lorsque le garde en chef a réalisé vers qui, mon enquête pointait la responsabilité, je suis devenu persona non grata.

Nous avons conclu que le système de gestion des parcs, les programmes de protection de la faune, les interdictions du commerce et les réglementations de la chasse traditionnelle, aussi bien intentionnés soient-ils, étaient voués à l’échec et n’avait aucune chance de générer de la prospérité ou de préserver les espèces sauvages. Face à ce constat, d’évidence, ce n’est qu’en établissant des droits de propriété sécurisés sur les terres et la faune que ces ressources seront valorisées. Les marchés se développeraient alors, ce qui inciterait à les utiliser judicieusement et à les protéger. L’utilisation prudente des ressources est et a toujours été induite par la propriété, les prix, les marchés et le commerce légitime.

Les nouvelles technologies au service de la faune

Les approches conventionnelles de la gestion de la faune sauvage en Afrique ont échoué, comme en témoigne le déclin spectaculaire des populations de faune sauvage, le Botswana étant une exception. L’introduction de nouvelles technologies a considérablement réduit les coûts liés à la définition de droits de propriété sur la faune et à la réduction des problèmes liés aux ressources communes. Par exemple, les satellites et les drones permettent de délimiter les espaces à moindre coût et d’établir des droits de propriété. Ces technologies protégeraient les savanes et la faune qui les habite. Une nouvelle technologie destinée à marquer les limites des territoires avait eu un fort impact au XIXe siècle aux Etats-Unis. Il s’agissait du fil de fer barbelé qui représentait à l’époque la nouvelle technologie. Pour apprécier la chute des coûts qui a accompagné l’introduction du fil de fer barbelé, il suffit de considérer qu’en 1874, 100 livres de fil de fer barbelé coûtaient 20 $ et qu’en 1897, ce coût avait plongé à 1,80 $, soit une baisse de 91%. À ce coût réduit, la propriété privée s’est développée et la propriété commune à ciel ouvert a été éliminée. Cela a permis la conservation, l’utilisation rationnelle des terres et l’amélioration de l’élevage.

Pour ceux qui sont vraiment intéressés par le sauvetage des éléphants au Botswana et la faune africaine en général, l’établissement de droits de propriété est la voie à suivre. Si les nouvelles technologies sont massivement utilisées, les coûts seront de plus en plus accessibles. Une fois que les ressources sont appropriées, elles sont protégées et conservées par les communautés elles-mêmes qui en prennent soin.

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