Berthet one : « Je dessine ce que je vis »


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C’est un conte des temps modernes. Berthet One, un jeune garçon des cités, d’origine congolaise, se retrouve en prison pour des petites bêtises. Pour passer le temps, il griffonne sur un cahier, caricature ses copains de cellule, les gardiens aussi. Lesquels l’encouragent à s’inscrire à un atelier de dessin qui se tient dans la prison.

De là, tout va très vite, après avoir vendu quelques planches, il participe à des concours de dessin, comme Talent caché du festival d’Angoulême dont il est le lauréat en 2009. A sa sortie, il expose. Un buzz se crée autour de lui. Aujourd’hui, il sort sa première bande dessinée « Evasion », un témoignage rare, tout en humour et dérision, sur l’univers carcéral français. Du 13 octobre au 13 novembre, La Galerie 1161 lui consacre une exposition. Entretien.

Afrik.com : C’est lors d’un séjour en prison que vos talents de dessinateur se sont révélés ?

Berthet : Oui, en fait, je venais de reprendre des cours pendant lesquels je ne pouvais m’empêcher de dessiner. Je caricaturais les autres détenus, les gardiens. Les profs, les détenus, voyant ce que je faisais, m’ont encouragé à m’inscrire à un atelier de dessin qui avait lieu dans la prison. Je l’ai fait. Là, on m’a demandé de participer à des expositions à l’extérieur. Au début, je l’ai fait sans trop y croire. Mais j’ai vendu une planche, puis deux, puis trois… Alors on m’a conseillé de participer à des concours de dessin. C’est comme ça que je suis devenu lauréat du prix Talents cachés du festival de la bande dessinée d’Angoulême en 2009.

Afrik.com : C’est ainsi que vous commencez à faire parler de vous. A votre sortie, le buzz se crée autour de vous. Cela a été très vite ?

Berthet : J’en suis le premier surpris. Je suis sorti de prison il y un an. J’ai une amie qui m’a invité à exposer dans une galerie derrière les Champs-Élysées (galerie Wild Stylerz). La chance que j’ai eu c’est d’avoir des amis d’enfance qui gravitent dans l’univers du Hip-hop et qui m’ont accompagné. C’est comme ça que j’ai trouvé mon manager, qui est aussi celui du rappeur Sefyu, et qu’on a commencé à parler de moi dans la presse.

Afrik.com : Le premier thème sur lequel vous planchez est celui de l’univers carcéral. C’est ce qui vous a fait connaître. Mais depuis vous avez créé un personnage, Abigaëlle, une jeune ado de cité grâce à laquelle vous décrivez l’univers dans les cités. La banlieue, la prison, loin des clichés, vos sujets de prédilection ?

Berthet : Quand j’ai commencé à exposer, il s’agissait de montrer tout ce que je savais faire. J’ai commencé à dessiner en prison, donc, logiquement, je dessinais ce que je vivais, ce que je voyais. Mais après j’ai voulu montrer que je savais faire autre chose, c’est comme ça que j’ai créé Abigaëlle. Je voulais montrer que la vie en banlieue n’est pas toujours ce qu’on en dit.

Afrik.com : Vous exposez à nouveau du 13 octobre au 13 novembre à la Galerie 1161, à Paris, à l’occasion de la sortie de votre première BD, « Evasion ». Cela a été difficile d’accrocher les maisons d’édition ?

Berthet : Au contraire. J’ai été invité au festival de la Bd d’Angoulême l’année dernière et le président du festival m’a dit : « Tout ce passe ici. Tu as tes planches, à toi de démarcher ! » C’est ce que j’ai fait et dès que les éditeurs voyaient mes planches, ils voulaient me proposer quelque chose. Finalement j’ai choisi de signer chez Indeez Urban Editions. C’est une boîte d’édition indépendante qui vient des Etats-Unis, je suis le premier Français qu’ils publient. Pourquoi eux ? Par ce que ce sont de véritables professionnels de la culture hip-hop. On vient du même univers. Ce sont des jeunes, ils ont la dalle, comme moi ! Alors je me suis dis qu’il valait mieux être un champion chez les petits qu’un petit chez les champions !

Afrik.com : Vous êtes d’origine congolaise. Vous avez des projets au Congo ou ailleurs en Afrique, autour de la BD, un genre qui émerge également de l’autre côté de la Méditerranée ?

Berthet : Non, mais je suis demandeur. J’aimerais savoir si ce que je fais plaît chez moi, et quand je dit chez moi je ne dis pas seulement au Congo, mais en Afrique en général. Je voudrais aussi savoir ce qui se fait là-bas. Avoir des échanges avec des dessinateurs africains. Je suis dans l’attente de cela.

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