Bénin : la ruée vers les veuves


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Houédja, ainsi s’appelle ce petit village de 3 000 âmes situé à 135 kilomètres de Cotonou et qui, depuis quelques années, s’illustre par une déviance culturelle qui prend des proportions inquiétantes. Ici, les veuves, appelées « maman », sont plus courtisées que les jeunes filles.

De notre partenaire Le Perroquet (Cotonou)

« Les poissons ont plu ». C’est de cette manière qu’on peut traduire littéralement en français « Houédja », ce petit village du département du Zou, situé au plein cœur de la commune de Ouinhi. Selon l’histoire, les premiers habitants de cette localité ont émigré de Doga, un autre village de la région situé à douze kilomètres de là. L’histoire raconte que ses premiers habitants étaient des pêcheurs qui ont été informés par un des leurs que l’affluent du Zou, qui coule jusqu’à nos jours à côté de Houédja, était surabondé de poissons que l’on peut ramasser en bordure de rive sans même pêcher. Arrivés sur les lieux, ces pêcheurs retrouvent exactement tout ce qui leur a été dit. C’est ainsi qu’ils s’installèrent et donnèrent le nom de Houédja à ce village. Ce qui signifie en Fon (le dialecte parlé dans la région) : « Les poissons pleuvent ici ».

Jadis, la culture donnait uniquement le droit à un frère d’hériter de la femme de son grand frère défunt. Et non l’inverse. C’est ce qu’on appelle le lévirat, une pratique répandue dans de nombreuses cultures africaines. Aujourd’hui, le phénomène a connu un travestissement inquiétant.

L’évolution du phénomène

Togninnou, un octogénaire rencontré à Houédja nous a confié ceci : « Autrefois, la pêche marchait bien dans ce village et les gens d’ici sont devenus les plus riches de la région. Cette richesse a rendu jaloux les villages environnants, si bien que nos fils qui vont demander des filles en mariage dans les villages voisins sont pris comme des « petits bourgeois ». La dot est donc systématiquement doublée voire même triplée. C’est ainsi que le mariage est devenu très cher ici chez nous. Mais au fil des années, la rivière a commencé à être vidée des pressions démographiques. Ceci a entraîné l’appauvrissement de nos fils depuis plus d’une vingtaine d’années. Ils se voient de plus en plus incapables de payer ces dots somptuaires et de se marier. Pour éviter de vivre longtemps dans le célibat et d’essuyer les moqueries, ils ont fait la trouvaille des veuves qui, elles au moins, ne sont pas dotées ».

De sources concordantes, le montant d’une dot varie entre 180 000 FCFA et 300 000 FCFA. Des sommes faramineuses que les jeunes du village, préoccupés par la survie, sont incapables de trouver. Conséquence, ils ne peuvent pas se marier, faute de moyens financiers. Les jeunes filles traînent dans le village et personne ne s’intéresse à elles. Gabrielle a 21 ans. Elle est revenue à Houédja depuis trois mois, après avoir été placée chez une tante à Natitingou, une ville du septentrion. Depuis son retour, aucun jeune du village ne lui a fait d’avances. Très découragée, elle nous a déclaré : « A mon âge, je dois normalement me marier mais ici les jeunes préfèrent les veuves au détriment des jeunes filles ».

L’ère des « mamans »

Aujourd’hui, elle est contrainte de vendre des beignets pour subvenir à ses besoins. Claude a 26 ans. Il est l’un des chantres de ce phénomène en vogue. Il est marié à une veuve de 48 ans depuis six ans. Ils ont déjà trois enfants ensemble. Pour lui, en dehors des avantages financiers, « le mariage avec une veuve offre une stabilité du foyer car celle-ci est plus docile, plus courtoise et moins exigeante que les jeunes femmes qui ont souvent la prétention [de dire] qu’elles souffrent chez toi et par conséquent qu’elles peuvent divorcer à tout moment pour chercher mieux ailleurs ». De son mariage, Jean ne regrette rien, en tout cas, même si parfois certaines personnes se trompent en prenant sa femme pour sa grande sœur.

Depuis un an environ, le concept de « maman » est inventé pour désigner ces jeunes veuves, émancipées, prêtes à s’accaparer les maris d’autrui. Elles sont considérées comme des femmes douces, attrayantes, bonnes à tout faire. Pour plusieurs hommes, les veuves aspirent confiance, fidélité et sont souvent au service de leur mari. Tossa, 32 ans, vient de convoler en secondes noces avec une veuve de 50 ans, après un premier mariage avec une jeune femme de 24 ans. Pour lui, ce n’est pas par manque de moyens financiers qu’on se marie à une veuve. Loin de là, c’est devenu un phénomène de mode auquel on ne peut se dérober. Tous les hommes veulent en avoir une pour leur propre fierté. L’intérêt des hommes pour les veuves à Houédja prend actuellement l’allure d’une horrible décadence culturelle.

MarceL-Luxe ZOUMENOU

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