Barack Obama peut-il sauver l’Afrique du chaos ?


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A la surprise générale, le comité Nobel a attribué son très prestigieux prix pour la paix au président américain, peu de temps après son élection à la Maison Blanche, le 9 octobre 2009 à Oslo. En prenant cette décision à l’unanimité, ce comité a voulu récompenser Obama « pour ses efforts extraordinaires en vue de renforcer la diplomatie internationale et la coopération entre les peuples ». Rappelons également que le candidat Obama avait fait du nouveau « leadership moral des Etats-Unis », l’un des thèmes majeurs de sa campagne électorale. Cette forte volonté de celui qui est devenu le premier Président Afro-Américain de l’histoire des Etats-Unis, a sans doute contribué à cette récompense.

En décernant ce prix Nobel de la paix à Barack H. Obama, ce comité l’a de fait investi d’une mission quasi « divine ». Sauver le monde du chaos, de la barbarie de la guerre, du choc des civilisations, et des conflits idéologiques entre les peuples prônés par son prédécesseur. Ce candidat afro-américain a su faire rêver toute la planète en lui redonnant de l’espérance, mais également en réconciliant le peuple américain avec le reste du monde.

Parfois, les évènements de la vie s’imposent à nous sans que leurs sens aient une logique immédiate. Ce comité Nobel a peut-être, sans le savoir, orienté le cours de l’histoire. Dans une précédente chronique intitulée « Et si le yes we can de Barack Obama était à l’origine du bouleversement systémique dans le monde arabe ? », nous avons considéré que ses discours du Caire et d’Accra resteront dans l’histoire du continent comme deux évènements majeurs. Ils peuvent avoir joué inconsciemment un rôle déterminant dans les désirs de démocratie et de liberté individuelle et collective sur le continent africain et, par voie de répercussion, sur tous les états non démocratiques. Ce 4 juin 2009, après son fameux « Salamm aleïkoum » qui a mis tout le monde arabe ébullition, Obama a dit, « Je suis venu ici au Caire en quête d’un nouveau départ pour les États-Unis et les musulmans du monde entier, un départ fondé sur l’intérêt mutuel et le respect mutuel… , l’Amérique et l’islam se recoupent et se nourrissent de principes communs, à savoir la justice et le progrès, la tolérance et la dignité de chaque être humain ». Le 11 juillet 2009 à Accra, il a insisté sur le fait que, « L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes » et il a eu des propos très durs contre « ceux qui se servent des coups d’État ou qui modifient les Constitutions pour rester au pouvoir » et cela devant les parlementaires Ghanéens complètement médusés.

Quelques années après ces deux discours importants, l’ensemble du continent est confronté à des évènements majeurs qui changeront fondamentalement les notions de démocratie et de liberté.

Et si l’avenir de la démocratie et des libertés individuelles et collectives en Afrique se jouait en ce moment en Libye et en Côte d’Ivoire ?

Cinquante ans après l’indépendance de beaucoup de pays africains, l’âge de la maturité, la prise de conscience des réalités, le désir d’assumer enfin pleinement son propre destin, et la volonté de changement, se font dans la violence et la détermination.

En Libye, après 42 ans de folie dictatoriale du colonel Kadhafi, c’est une révolution du peuple pour décider lui-même de son avenir, et s’inscrire dans la démocratie et les libertés, qui restera dans l’histoire de l’Afrique du Nord comme le symbole d’une émancipation acquise au prix de nombreuses vies humaines. En Côte d’Ivoire, cinq années sans élections ont conduit le pays dans des abîmes effroyables et funestes. Et cela, malgré de nombreuses négociations, tractations politiques et diplomatiques, et en dépit de l’engagement financier, moral, technique et humain de la communauté internationale pour garantir enfin des scrutins irréprochables. Dans ces deux pays, la situation est aujourd’hui désastreuse avec un bilan macabre vertigineux. Après de très longs moments d’hésitation, de positionnement stratégique des uns et des autres et d’impuissance, une stratégie est enfin mise en place. La décision de Barack Obama, pour ne pas laisser l’initiative et le leadership au président Sarkozy à l’origine de la résolution 1973 du conseil de sécurité de l’ONU, a enfin permis une intervention armée. C’est la première fois dans l’histoire que le Conseil de Sécurité de l’ONU vote une résolution relative à « la responsabilité à protéger des populations civiles ». Quel miracle ! Ou doit-on dire, quel jeu de dupe… Depuis toujours, ce conseil onusien s’est enfermé dans un rôle macabre et anxiogène de « compteur de cadavres », dans les différents conflits auxquels il était sensé mettre fin ou empêcher. Pour exemple, on peut citer : la Bosnie, le Rwanda, la Somalie, la Serra-Léone, le Libéria et aujourd’hui la Côte d’ivoire. Dans ce dernier pays, ses décomptes macabres quotidiens et son impuissance affligeante à protéger les populations civiles deviennent nauséabonds et indécents. Après des semaines d’hésitation, Obama donne enfin son accord pour marquer la suprématie américaine face la France. Cet acte politique va alors permettre à l’ONU de devenir enfin crédible. Le peuple Libyen sera ainsi sauvé de la folie meurtrière du Guide. Et cela en dépit des réticences des pays émergents du B.R.I.C.S et de l’Allemagne qui veulent préserver leurs intérêts stratégiques dans le pays au cas où la situation deviendrait incontrôlable comme en Irak ou en Afghanistan. C’est à croire que selon les intérêts et les enjeux stratégiques de positionnement géopolitique et d’influence, la volonté politique d’agir peut se concrétiser relativement vite. En Libye et en Côte d’Ivoire se joue en ce moment l’avenir de la démocratie sur le continent. Mais là encore, cette considération reste subordonnée aux différents enjeux et intérêts des uns et des autres, y compris des institutions africaines et de leurs dirigeants.

L’inutilité « organisée » des institutions africaines et onusiennes

Interrogé sur la différence de traitement entre la Libye et la Côte d’Ivoire, Alain Juppé, ministre des affaires étrangères français, invite «L’union Africaine et les Nations unies à jouer leur rôle en Côte d’Ivoire. La Force de l`ONUCI est sous chapitre 7 (de la charte de l`ONU), elle peut utiliser la force, elle peut s`interposer entre les combattants ». Dommage qu’il ne dise pas pourquoi l’ONUCI ne le fait pas, au lieu de passer son temps à compter les morts, et fuir devant les barrages faits de simples branches d’arbres dressés par un ou deux soldats armés juste de fusil.

De manière prévisible, le dernier sommet de l’Union Africaine, sensé adopter « des mesures contraignantes » après la dernière médiation du panel des chefs d’Etats africains sur la crise post-électorale ivoirienne, s’est terminé en farce. Les ivoiriens et la communauté internationale attendent toujours ces « mesures contraignantes ». L’Afrique du Sud qui défendait L. Gbagbo et qui s’opposait à la reconnaissance de sa défaite, vient de s’aligner sur la position de l’U.A, de la CEDEAO et de la communauté internationale. Curieusement, cela s’est fait après un voyage de son président à Paris où il a été évoqué entre autres, le soutien de la France et des USA à son pays pour l’obtention du siège permanent au Conseil de Sécurité, qui serait réservé à l’Afrique. Comme par enchantement, l’Angola, dernier soutien de Gbagbo, lui demande à son tour de reconnaître sa défaite et de partir. Après cet échec prévisible par tous les observateurs politiques, l’U.A. impuissante, a dépaysé à nouveau le dossier ivoirien à la CEDEAO. Là encore, tout le monde s’attendait au même « cirque ». L’institution Ouest-Africaine après plusieurs jours de sommet pour rien, renvoie le dossier à l’ONU en lui demandant de voter une résolution qui permette de débloquer la crise ivoirienne par une intervention armée comme en Libye.

Toutes ces institutions africaines sont composées de dictateurs corrompus et tyranniques

Comment cela aurait pu être autrement ? Depuis le début de cette mascarade, ces institutions africaines ont montré à quel point elles ne servent à rien. Sauf à recaser en leur sein les anciens hauts responsables politiques ainsi que leurs proches. Mieux encore, toutes ces institutions africaines sont composées de dictateurs corrompus et tyranniques, à l’exception d’un ou deux (Libéria, Ghana), qui tremblent à l’idée qu’une intervention armée légitime à Abidjan, fasse « jurisprudence » à propos de leur future réélection. Ils savent tous, qu’après 30 ou 40 années au pouvoir avec une classe politique corrompue jusque dans l’âme, cela donne la nausée et le dégoût à la jeunesse de leur pays qui ne rêve que d’une chose. Les voir tous « dégager » et rendre des comptes au peuple et au tribunal pénal international pour toutes les exactions commises. Comment peut-on imaginer par exemple, des juges faisant partie de la mafia, juger et condamner de manière impartiale des chefs mafieux, sans crainte de tomber avec eux ? Tant que tous ces chefs d’Etat d’un autre temps seront encore au pouvoir et dépendants toujours financièrement des puissances étrangères, il en sera ainsi. Lorsqu’on est membre d’un club « fermé », il est difficile de prendre des sanctions contre un autre membre pour des pratiques courantes dans le club. Comment peut-on vouloir réclamer l’autonomie vis-à-vis des grandes puissances étrangères, tout en se référant toujours à elles, montrant ainsi son inutilité et sa dépendance vis-à-vis de celles-ci ? Pendant longtemps, le colonel Kadhafi a financé l’Union Africaine ainsi que pratiquement tous les dirigeants du continent, y compris ceux de l’opposition. Ses objectifs étaient de rendre les institutions africaines indépendantes et créer les Etats-Unis d’Afrique. Cela ne faisait pas plaisir à tout le monde, y compris la ligue arabe. On avait besoin de son argent mais pas de ses projets et de ses ambitions. Cela peut faire réfléchir.

Aujourd’hui, la situation en Libye semble en voie d’être résolue grâce à l’initiative française qui avait besoin de redorer son image diplomatique à l’international, après s’être rendue ridicule en Tunisie et en Egypte. Il est vrai que sans l’accord de Barack H. Obama, qui a permis au conseil de sécurité de voter cette résolution historique, on voyait mal comment le peuple Libyen qui réclame la démocratie et la liberté pouvait faire face à la folie meurtrière du colonel tyran. Alors, en renvoyant le dossier ivoirien au Conseil de Sécurité de l’ONU, on peut imaginer que la CEDEAO attend d’Obama la même réactivité pour sauver la démocratie et le suffrage universel en Côte d’ivoire. Lui qui souhaitait ardemment « des institutions fortes et non des hommes forts en Afrique », l’histoire le met aujourd’hui face à ses responsabilités.

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