Aurelio Martínez : Je rêve de rétablir le lien entre la musique Garifuna et la terre de nos ancêtres


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Article original publiée en 2008

Chanteur à la voix puissante et évocatrice, guitariste, compositeur et percussionniste, Aurelio Martínez est à 37 ans l’un des musiciens les plus doués d’Amérique centrale. Né au Honduras, il défend la tradition de la culture du peuple garifuna, qui mêle les racines africaines et celles des Indiens caraïbes. Poursuivant la tradition musicale de sa famille, Aurelio Martínez joue des percussions en public à l’âge de 6 ans et, à l’adolescence, il forme un groupe garifuna, « Lita Ariran ». En 2004, il est désigné « nouvel artiste de l’année » par AfroPop Worldwide pour son premier disque solo, Garifuna Soul. Porte-parole tant culturel que politique, il est le premier élu d’origine africaine au Congrès national hondurien, où il représente la région déshéritée d’Atlántida. Il préside par ailleurs la Commission des peuples ethniques.

« J’attends beaucoup de mes contacts avec Youssou N’Dour et la culture musicale sénégalaise, explique-t-il. Je rêve de renouer le lien entre la musique garifuna et la terre de nos ancêtres.

Comment s’est passée votre rencontre avec Youssou N’Dour?

Étant finaliste de l’Initiative des Arts Mentor et Protégé de Rolex, je me suis rendu au Sénégal comme l’un des trois candidats choisis. Me rendre en Afrique était un rêve pour moi et également pour Andy Palacio (1960-2008), mon frère et maitre dans la musique Garifuna que je représente. Quand j’ai su que Youssou N’Dour allait être mon mentor, j’étais emballé. J’ai suivi toute sa carrière, de même que celles de Salif Keita du Mali et Baaba Maal du Sénégal. J’admire vraiment Youssou N’Dour – c’est un artiste de la paix dont la voix et la richesse musicale sont uniques, et je me suis toujours senti très proche de ses combats politiques et humains. Je m’attendais à rencontrer une personne formelle et tranquille – mais j’ai plutôt rencontré une personne joyeuse, très ouverte et un homme au grand cœur – une sorte de Roi du Sénégal!

Qu’espérez-vous de votre collaboration ?

C’est une opportunité incroyable pour ma carrière. En fonction de nos emplois du temps, on devrait se rencontrer de nouveau au Sénégal, pour répéter ensemble et voir si je peux l’accompagner dans une future tournée en Afrique et en Europe.

Je peux apprendre des choses dans le travail de composition de Youssou N’Dour. La percussion est également un élément clé, et j’écouterais avec une très grande attention le djembé, le tama, et le tabar – tous ces tambours africains très complexes. J’envisage de développer un nouveau style musical provenant de notre travail ensemble.

Vous êtes un chanteur, mais vous êtes également membre du Congrès National du Honduras, où vous représentez les Garifuna, une communauté dont les origines remontent à l’Afrique. Cela vous rend-il plus proche de votre mentor ?

Oui, car je vais également essayer de montrer à Youssou N’Dour la richesse de ma culture. Notre travail ensemble pourrait amener à une plus grande reconnaissance mondiale de la minorité Garifuna, qui constitue environ 10% de la population du Honduras, mais qui est actuellement menacée à cause de la spéculation foncière.

À côté de cela, on peut également bénéficier de nos différences, car les racines africaines des Garifuna sont au Nigéria [le groupe ethnique Yoruba, alors que le Sénégal est plus people de Peul et de Wolof]. Mais grâce à des artistes comme Youssou N’Dour, l’ensemble de l’Afrique est liée, et non divisée. Les Garifuna sont les descendants des esclaves ayant fait naufrage sur l’île de St Vincent qui se sont mélangés avec les Indiens Arawak. Nous sommes arrivés au Honduras il y a 200 ans et les traditions africaines sont toujours fortes dans notre cuisine, avec les plantains frits par exemple, et le foufou (couscous) de manioc. Nous avons également notre propre religion, et notre langue dans laquelle je chante. Et également nos coutumes d’homme et de femmes libres.

La musique est-elle importante dans cet ensemble?

Très. Je viens d’une famille de musiciens. Mes parents ne voulaient pas que je suive cette voie, donc je suis parti de la maison en 1985 à 14 ans et j’ai poursuivi ma vocation avec l’aide des anciens. Ils m’ont tout appris. Andy Palacio de Belize a été une sorte de mentor pour moi. Youssou N’Dour en sera un autre, et je me dévouerai à 100% à l’Initiative des Arts Rolex, car cela va beaucoup plus loin que mon propre engagement.

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