Aubry l’Africaine


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Après Nicolas Sarkozy et son désastreux « Discours de Dakar », prononcé en juillet 2007 lors de son premier voyage en tant que chef d’Etat sur le continent noir, puis le « pardon » à l’Afrique de Ségolène Royal, deux ans plus tard, le Sénégal se retrouve une nouvelle fois le théâtre de la politique française. De passage à Dakar à l’occasion du 11e Forum social mondial, le grand rassemblement des altermondialistes, Martine Aubry livre « sa vision de l’Afrique ». À six mois du dépôt des candidatures pour les primaires socialistes avant l’élection présidentielle de 2012, l’occasion était trop belle pour la patronne du PS de battre campagne et de peaufiner son image de présidentiable.

Installée sous une banderole où l’on peut lire « un autre monde est possible », la première secrétaire du parti socialiste français entame un discours très attendu devant une centaine de personnes. La presse est bien sûr au rendez-vous, les très nombreux envoyés spéciaux dépêchés depuis leurs rédactions parisiennes dans les starting-blocks.

Martine Aubry appelle de ses voeux « une nouvelle alliance de civilisation et de coopération » entre l’Europe et l’Afrique. « Pour les Européens, cela suppose de regarder en face leur histoire et de reconnaître les crimes de l’esclavage et les drames de la colonisation, explique-t-elle. Il faut condamner la colonisation sans réserve. La colonisation n’appelle jamais à un bilan. » La foule acquiesce.

La socialiste s’en prend ensuite aux vieilles habitudes françaises sur le continent. « Nous devons tourner le dos aux pratiques post-coloniales, aux réseaux affairistes de la Françafrique qui parfois persistent encore », lance-t-elle. « Nous devons aussi nous éloigner d’une vision compassionnelle qui marque encore trop souvent le regard européen sur l’Afrique, poursuit-elle. Le temps de l’Afrique est venu ! »

Le portrait d’une Afrique « décomplexée »

Dimanche lors de la marche d’ouverture, Martine Aubry s’était déjà dite « désolée » par la politique actuelle de l’Union européenne et de la France. « Ce qui s’est passé en Tunisie montre que le peuple peut redevenir maître de son destin, quels que soient ses moyens. C’est peut-être ce que l’Europe a oublié, avait-elle observé. L’Afrique, c’est 6 % de croissance par an quand on est à 2 % en Europe. C’est une démographie galopante, ce sont des jeunes qui prennent la vie à pleines mains, se saisissent des nouvelles technologies, font vivre une culture contemporaine très forte et assise sur des bases extrêmement anciennes. Je crois qu’il faut regarder l’Afrique (…) comme un partenaire. D’autres ne s’y sont pas trompés, je pense à la Chine, l’Inde ou le Brésil. »

La socialiste dresse donc le portrait d’une Afrique « décomplexée », pour reprendre une expression chère au président Sarkozy, et de la vieille Europe, France en tête, qui n’a pas su prendre le train de l’Histoire. Dernière salve adressée à Nicolas Sarkozy dans son discours de mercredi, Martine Aubry rend hommage aux « combattants de l’Indépendance » et aux Africains qui se sont battus pour la France pendant les deux guerres mondiales. « Ne sont-ils pas entrés dans l’histoire par la porte immense de l’héroïsme, ces tirailleurs que chantait Senghor ? », fait mine de s’interroger la socialiste. Le président français appréciera l’allusion, lui qui avait déclaré dans la capitale sénégalaise que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire ».

Avec cette visite de cinq jours au Sénégal et son discours sur l’Afrique, Martine Aubry se lance plus que jamais dans la campagne interne au parti socialiste à l’approche des élections présidentielles de 2012. En France, les élections passent, les présidents se succèdent, mais la question demeure. Une autre politique française en Afrique est-elle possible ?

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