Ari Vatanen roule contre la peine de mort


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Lors du Paris-Dakar, en 2003 et 2004, le Finlandais Ari Vatanen a arboré sur sa combinaison un écusson contre la peine de mort, entraînant dans son sillage certains coureurs. Sportif et homme politique depuis 1999, Ari Vatanen revient sur ses engagements d’homme.

« No death penalty » (« Pas de peine de mort »). C’est l’écusson qu’a porté Ari Vatanen lors des éditions 2003 et 2004 du Paris-Dakar. Le coureur, Champion du monde de rallye en 1981, quatre fois champion du Paris-Dakar (1987, 89, 90 et 91), a frôlé la mort suite à un accident dans le rallye d’Argentine. C’est peut-être pourquoi il met tant d’acharnement à défendre la vie. Elu au Parlement européen depuis 1999, engagé auprès d’Ensemble contre la peine de mort, il a participé au 2è Congrès mondial contre la peine de mort (6-9 octobre, Montréal). Il est aussi parrain d’Actions Dakar, un programme de développement durable et de protection de l’environnement en Afrique de l’Ouest.

Afrik : Pourquoi avoir porté un écusson contre la peine de mort sur les éditions 2003 et 2004 du Paris-Dakar ?

Ari Vatanen :
J’ai proposé cette idée lorsque j’ai rencontré Michel Taube, le président d’Ensemble conre la peine de mort, en novembre 2002, au Parlement européen de Strasbourg. A l’époque, l’association se battait pour obtenir la grâce d’un détenu américain condamné à mort, William Jones Jr. Porter cet écusson sur le Dakar 2003 a créé un vrai débat et attiré l’attention des médias. Ça a un peu dérangé aussi car on ne parle jamais de ce sujet lors d’une compétition sportive. Mais cette action a participé à une prise de conscience. D’autres coureurs m’ont suivis : Schlesser, Peterhansel, Arcarons, Metge et Shinozuka…

Afrik : Il est rare qu’un sportif prenne de telles positions…

Ari Vatanen :
Oui, mais ce n’est pas plus mal que le sport reste un terrain neutre. Les sportifs ne souhaitent pas parler de choses qui divisent les opinions. Lors du 2è Congrès mondial contre la peine de mort, j’ai rencontré le capitaine de l’équipe de hockey de Montréal, qui est une vraie star. Je lui ai demandé de venir nous soutenir mais il s’est excusé. J’étais déçu mais en même temps, je le comprends. En ce qui concerne le Dakar, la Fédération internationale automobile interdit aux coureurs de faire passer des messages politiques. Pour moi, demander l’abolition, ce n’est pas un message politique… mais pour les membres de la fédération, si ! Du coup, pour l’édition 2005, à laquelle je dois participer, les organisateurs m’ont fait comprendre que cela serait malvenu de porter à nouveau l’écusson. Il y a beaucoup de Japonais qui concourent et le Japon n’a pas encore aboli la peine de mort…

Afrik : Depuis quand êtes-vous engagé contre la peine de mort ?

Ari Vatanen :
Je ne me souviens pas avoir été pour la peine capitale. Pour moi, combattre la peine de mort est une cause évidente. Je pense qu’il faut posséder des valeurs sûres et inébranlables, sinon la politique n’a pas de socle solide. Je suis contre tous les crimes et toutes les atteintes à la vie. C’est pourquoi je suis contre la peine de mort comme je suis contre l’avortement. Il faut être logique pour être crédible. Regardez, les Américains sont en majorité pour la peine capitale et contre l’avortement. Alors qu’en Europe, c’est l’inverse. Pour moi, ce n’est pas cohérent. La vie est une fin en soi. Plus encore : la vie est sacrée. Un homme n’a pas le droit de décider de la vie de quelqu’un d’autre. Chaque fois qu’une société autorise que l’on tue un de ses membres, nous sommes un peu moins humains. C’est un peu de nous tous que l’on tue.

Afrik : Que représente le Paris-Dakar pour vous ?

Ari Vatanen :
C’est une course particulière pour moi. J’ai couru mon premier Dakar en 1987, après un très grave accident. J’ai arrêté en 1996 puis repris en 2003. C’est une compétition qui prend beaucoup de place dans ma vie ! Chaque année, le fait d’y participer me renforce un peu plus dans l’idée que nous sommes tous une famille humaine qui habitons la même planète. En parcourant certains pays, on se rend compte de la misère des gens. Chose que l’on a tendance à oublier en Occident. J’ai lu récemment qu’en Finlande, une société développait des médicaments cardio-vasculaires… pour chiens ! On consacre du temps, de l’argent, des efforts pour ça alors que dans certains villages africains que j’ai visités, les enfants ne sont pas vaccinés et qu’il n’y a pas d’eau potable… En Occident, on a un sens des valeurs complètement faux. Il faut renverser la tendance et se dire qu’il est dans notre intérêt de s’occuper de nos frères et sœurs des pays pauvres.

Afrik : C’est pour cela que vous êtes parrain d’Actions Dakar ?

Ari Vatanen :
C’est une action parallèle à la course, une façon d’utiliser ma notoriété. Le Dakar a toujours véhiculé des valeurs d’entraide et il y a eu plusieurs actions comme des constructions de puits ou la distribution de lunettes en Tunisie. Avec Actions Dakar, des arbres ont été plantés en avril dernier à Louga, au Sénégal, et des villageois ont été formés aux problèmes de la protection de l’environnement. L’Afrique est sous-exploitée et complètement abandonnée. Il faut changer les règles du commerce international pour qu’il y ait un véritable échange entre l’Occident et le continent. Quand on parle de solidarité, le mot est souvent vidé de son sens. La vraie solidarité, c’est d’aller vers un gamin qui court sans chaussures dans les rues de Tombouctou et l’aider, même s’il ne votera jamais pour toi…

Afrik : Votre discours n’est pas celui d’un homme politique !

Ari Vatanen :
Que voulez-vous, je n’ai rien à perdre. Je n’ai que faire des rapports de force dans le milieu politique. Je trouve ça triste de ne pas défendre les droits humains fondamentaux, que ça doive faire l’objet de négociations. Politiquement correct ça veut dire moralement pourri.

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