Anicet Akoa : « Les communes doivent mutualiser leurs services »


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Comment assurer son développement économique et générer des ressources pour financer la vie de sa mairie ? Cette question hante les élus et se fait encore plus urgente en temps de crise économique. Nkoulemakong, la mairie que dirige Anicet Akoa au Cameroun et qui participe au sommet Africités, s’est concoctée une recette : sa propre agence de promotion des initiatives économiques.

Anicet Akoa est le maire de la commune de Ngoulemakong, située à 110 km de Yaoundé, la capitale économique du Cameroun. La commune est située à la porte d’entrée des régions du Sud. La localité compte 15 000 âmes pour une superficie de 700 km². Nkoulemakong est une commune forestière riche en ressources naturelles qui est en « phase d’éclosion économique », selon son maire. Depuis 2003, la commune a en effet mis en place une structure dénommée Service d’appui au développement des économies locales (Sadel). Son objectif : impulser le développement économique de la commune. Anicet Akoa est également vice-président de l’Association des villes et communes du Cameroun.

Afrik.com : A l’instar de toutes les communes, votre préoccupation majeure est de dégager des ressources afin de financer vos activités. Comment le Service d’appui au développement des économies locales (Sadel), que vous avez lancé en 2003, s’est imposé comme le meilleur moyen d’y parvenir ?

Anicet Akoa :
Nkoulemakong est une commune où il faut accompagner les initiatives économiques afin de mieux aborder les problèmes de pauvreté. Quand on est confronté à la difficulté, on trouve des solutions. Jusqu’à cette réforme que nous venons récemment d’entreprendre au Cameroun, l’organigramme traditionnel des communes ne proposait rien qui corresponde aux nouveaux défis de communes, notamment l’accompagnement des initiatives économiques ou celles des dynamiques locales.

Afrik.com : Quels sont les principaux projets menés par le Sadel ?

Anicet Akoa :
Nous avons mis en place un centre de formation et de production intensive d’alevins et de poissons. Nous nous sommes attaqués, pour l’heure dans le cadre d’un projet pilote, à la production de pavés pour la valorisation et l’exploitation de nos carrières. Nous jouissons d’une immense ressource naturelle dont il faut profiter. Nous espérons dans un avenir proche disposer de véritables unités de production qui seront génératrices d’emploi pour les jeunes des environs. Nkoulemakong deviendra ainsi un centre de production et les communes voisines pourront s’approvisionner chez nous en gravier et en pavés. Des centaines d’emplois seront ainsi créés.

Afrik.com : Africités 5 s’intéresse à la réponse des collectivités africaines à la crise globale. Dans la conduite de certains projets lancés par le Sadel, vous travaillez avec deux communes voisines. La réponse à la crise passerait-elle aussi par la mutualisation des ressources entre différentes communes puisque la crise entraîne une baisse de leur disponibilités financières ?

Anicet Akoa :
Imaginez un seul instant qu’au niveau local que des initiatives comme celles-là soient porteuses de changement de niveau de vie, et par conséquent de création de ressources. Si chaque commune le faisait, cela ferait tâche d’huile. Notre réponse locale deviendrait progressivement régionale, nationale et continentale. La thématique d’Africités est une interpellation qui renvoie au rôle central de la commune. Cette dernière est porteuse de beaucoup d’espoir. Avec les communes, on peut combattre la pauvreté. Un moyen d’y parvenir est de mutualiser leurs services pour faire face aux défis qui sont les leurs.

Afrik.com : Le Fonds spécial d’équipement et d’intervention intercommunal (Feicom) au Cameroun mutualise également une partie des ressources des communes pour ensuite les financer. Y avez-vous déjà eu recours ?

Anicet Akoa :
C’est une aubaine pour nous. Il s’agit pour le Feicom de continuer son travail, d’affiner ses outils, ses modes d’intervention et ses procédures qui permettront aux initiatives d’être mises en place rapidement. Nous avons sollicité le Feicom à plusieurs reprises. Le Fonds a financé l’adduction en eau potable de Nkoulemakong. L’eau est une denrée socio-économique dont nous tirons profit. Nous avons mis en place un comité de gestion qui nous permet de générer des ressources additionnelles et de créer, encore une fois, des emplois.

Afrik.com : La décentralisation n’est pas une réalité dans la plupart des Etats africains. Mais sur le terrain, le transfert des compétences se fait par la force des choses ?

Anicet Akoa :
En mettant en place une série d’initiatives, nous allons au devant de la décentralisation. Nous avons commencé à la conjuguer en attendant que les textes sortent au Cameroun. Ils le sont depuis 2004 et aujourd’hui nous faisons le transfert des compétences et des ressources. Pour notre part, nous sommes rentrés dans l’exercice de ce transfert bien avant qu’il soit opéré. Avec l’intercommunalité, par exemple, on peut déjà faire beaucoup de choses.

Afrik.com : Vous en êtes à votre deuxième mandat. C’est quoi être maire aujourd’hui pour vous en Afrique ?

Anicet Akoa :
Etre maire, c’est passionnant. On travaille avec les populations, à la base. Nous sommes au centre des espoirs. Etre maire, c’est aussi un sacerdoce, il faut avoir une vision, de la foi et de l’abnégation pour pouvoir faire ce travail aujourd’hui, surtout dans un contexte de rareté des ressources.

Afrik.com : Qu’est-ce que ça vous fait de vous retrouver tous les trois ans à Africités, d’autant que vous disposez maintenant de cette organisation qu’est Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLUA ) ?

Anicet Akoa :
C’est formidable ! Nous avons tellement appris. On a l’impression que les frontières n’existent plus parce que nous retrouvons des amis de longue date, issus d’autres pays, à chacune de ces rencontres. A travers leur unité, les maires africains peuvent donner l’exemple et impulser un changement au niveau des gouvernants. Si les collectivités locales africaines sont unies, pourquoi l’Afrique n’en ferait-elle pas autant ?

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