Algérie : le ministre de la Communication menace le journal « Liberté »


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Drapeau de l'Algérie
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Nouvelle atteinte à la liberté de la presse en Algérie ? Le quotidien francophone « Liberté » subit les foudres du ministre algérien de la Communication, Amar Belhimer. Dans un communiqué, le ministère dénonce ce qu’il considère être une exagération médiatique. 

Cette réaction démesurée de l’institution fait suite à la Une dans laquelle le journal dénonce « l’échec » du gouvernement dans la gestion de la crise sanitaire engendré par la propagation du Covid-19.

On peut lire, sur la Une de Liberté, que la gestion gouvernementale de la pandémie est déficiente. Ces accusations ont fait réagir le ministère de la Communication qui a publié un communiqué afin de menacer « d’appliquer la loi contre le journal ».

C’est l’agence APS qui a diffusé l’intégralité du communiqué. Amar Belhimer y justifie sa réaction par la volonté de mettre en garde contre les discours alarmistes et ce qu’il qualifie de désinformation.

Le ministre précise que « le président de la République (…) a, lui-même, et sur la base de rapports documentés et consolidés, critiqué sévèrement la gestion gouvernementale du risque épidémiologique ». Cette critique présidentielle serait, selon le communiqué, « fondée sur des faits tangibles et prouvés » et constitue « même un devoir citoyen ».

La critique du journal francophone ne reçoit pas le même accueil : « elle est un prétexte facile pour certains journaux, et au premier chef pour le quotidien privé Liberté, pour jouer les Cassandre ». Pour le ministère, Liberté « a joué aux prophètes de mauvais augure en sur-dramatisant une situation épidémiologique déjà grave en soi dans un pays en guerre contre un ennemi invisible qui provoque partout dans le monde des dégâts incommensurables, comme en témoignent ailleurs des statistiques nettement plus dramatiques par rapport à la situation réelle en Algérie ».

Pour Amar Belhimer, le journal emploi un ton alarmiste et catastrophiste dans le but d’effrayer la population mais aussi de « démoraliser outre mesure » l’opinion publique.

« Pis encore, le journal tire lui-même un bilan d’échec total et sans appel, alors même que les spécialistes, qui sont les mieux placés car les plus crédibles, n’ont pas encore tiré le bilan définitif de la stratégie nationale de lutte contre le Coronavirus », se défend le ministère.

Comme précédemment et lorsqu’il s’agit de critiquer la presse, l’institution fait référence à la volonté des médias de « faire de l’audience à tout prix ». Le journalisme est-il pour autant un crime ?

Plus loin, le communiqué vise directement l’éditorialiste du journal. On peut y lire que le directeur de la publication utiliserait « des vocables, des concepts et des mots propres à décrire un film d’épouvante ! ». « Des mots tels que « catastrophe », « chaotique », « hécatombe », sont utilisés pour mieux dénigrer, à l’extrême limite de la diffamation, la gestion gouvernementale de l’évolution du risque pandémique ».

Pire qu’un ton alarmiste, le ministère accuse le journal de publier « des chiffres de décès sans les attribuer à des sources sanitaires dignes de foi et crédibles » et par la même, le communiqué accuse le journal de bafouer « allégrement les règles de l’éthique professionnelle ».

Pour Amar Belhimer, « informer ne signifie pas déformer, et critiquer ne veut pas dire diffamer ». Il va jusqu’à ajouter que l’éthique professionnelle « oblige à publier des faits avérés, sourcés, donc fiables, et sur la base de ces mêmes faits réels, expliquer, éclairer et par conséquent critiquer sans dénigrer et sans diffamer ».

Fort de cette définition que nous propose le ministre de la Communication, on peut s’interroger sur la liberté d’une presse qui doit expliquer et critiquer mais sans dénigrer. Seule la critique positive serait donc acceptable alors que la santé des concitoyens algériens repose entre leurs mains et que les médecins continuent d’avertir et alerter les autorités algériennes, entre autres, sur le manque de moyen dont souffre les hôpitaux.

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