Algérie : «Le climat politique est complètement pourri»


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Un pouvoir qui a tout fait pour dépolitiser la société ne peut pas œuvrer pour la démocratisation du pays. C’est pourquoi l’Algérie patauge encore, 49 ans après l’indépendance, dans une crise politique sans issue.

Le président du Front des forces socialistes (FFS), Hocine Aït Ahmed, le rappelle ; il émet des doutes sur la volonté du régime d’entreprendre de sérieuses réformes qui déboucheront sur une vraie démocratie. «Le régime algérien, rompu à l’intrigue, n’a aucune volonté politique pour procéder à des réformes et aller vers la démocratisation du pays. On en parle (des réformes) à chaque fois qu’on ne sait pas que faire. Quand il y a eu de vraies réformes, ils ont fait une guerre pour les stopper. Je reste sceptique sur les capacités du régime à faire mieux que d’habitude», affirme-t-il dans une interview accordée, lundi dernier, au site La Nation. Pour M. Aït Ahmed, dont le parti a refusé de prendre part aux consultations sur les réformes politiques, le problème ne réside pas dans «les propositions et les déclarations». «Vous croyez que c’est une question de propositions, d’idées novatrices, de programmes ambitieux ? Nous avons fait des propositions, des déclarations, des lettres, des mémorandums…», note-t-il avant d’ajouter : «Il manque la volonté de faire les choses sérieusement. Il y a trop de mensonges, de dribbles, de jeux malsains. Ce pays croule sous les manigances et les coups tordus (…).

Les vrais décideurs ont toujours imposé le savoir-faire de la police politique, sans oublier le rôle et la longue expérience de Bouteflika dans l’art de faire échec par la ruse et la violence à toute possibilité de démocratisation. Quand il n’y a plus de confiance, il faut d’abord restaurer la confiance. On n’imagine pas un dialogue sans ce préalable.» Mais le leader du FFS se montre disposé à contribuer à une sortie de crise si les conditions sont réunies : «Quand il y aura du nouveau, je me prononcerai. Pour l’heure, je n’en vois pas !» A l’occasion de la fête de l’indépendance, Hocine Aït Ahmed se dit émerveillé par les révolutions tunisienne et égyptienne et rappelle aussi une réalité : «Nous avons connu ce type de bonheur quand la liberté nous semblait à portée de main. Nous retrouverons ce sens festif de la lutte quand l’avenir semblera moins angoissant à la jeunesse. Les blessures infligées à ce pays sont trop profondes pour être contenues dans un ordre du jour simpliste. L’indépendance sans la liberté n’est plus vraiment l’indépendance.»

«Le climat sécuritaire est malsain dans tout le pays»

Le premier responsable du FFS appelle, dans la foulée, à la poursuite de la lutte politique : «On ne devient jamais définitivement un militant politique. On doit chaque jour réapprendre à le devenir ou à le rester.» H. Aït Ahmed refuse de polémiquer avec l’ancien président Ahmed Ben Bella qui lui a lancé des flèches dans sa dernière sortie médiatique : «Je laisse les bavardages aux bavards (…). L’histoire, on la fait d’abord, on l’écrit ensuite. Cela fait plusieurs mois que je travaille avec un groupe d’historiens français et algériens, jeunes et moins jeunes, sur ce que je sais et ce à quoi j’ai participé dans l’écriture de la Révolution et de la guerre d’Indépendance. Cela, je le dois à la mémoire de tous les patriotes et compagnons de lutte. De même que je le dois aux jeunes générations.»

A une question sur le climat sécuritaire, le président du FFS fait le lien entre la situation sécuritaire et le climat politique : «Comment voulez-vous avoir un climat sécuritaire sain dans un pays dont le climat politique est complètement pourri ? Le climat sécuritaire est globalement malsain dans l’ensemble du pays, avec quelques particularités locales ici et là.» En Kabylie et dans d’autre région du pays, relève-t-il, on assiste à une véritable entreprise de dépolitisation de la société «accentuée par la généralisation de la corruption et le banditisme» qui gangrène le pays.
M. Aït Ahmed termine son analyse sur une note d’espoir : «En ce 5 juillet, nous n’avons à célébrer que ce que la détermination des Algériens a pu préserver de toutes les entreprises destructrices du régime. Mais cette détermination obstinée (…) sera, malgré tous les obstacles, capable de construire une alternative démocratique à ce régime insoutenable.»

Madjid Makedhi

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