Alain Penanguer : « La baisse de la croissance chinoise est une opportunité pour développer l’industrie en Afrique »


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Le ralentissement de la croissance chinoise, l’une des plus dynamiques au monde, a suscité de nombreuses questions, dernièrement. Le continent aussi s’interroge sur l’impact que cela pourrait avoir sur ses économies d’autant que la Chine échange avec de nombreux pays africains. Alain Penanguer, responsable associé de l’ Afrique francophone au cabinet d’audit et de conseil Deloitte, nous fait le point. Interview.

Afrik.com : Y a-t-il un risque que le ralentissement de la croissance chinoise ait un impact sur les pays africains ?

Alain Penanguer : C’est un risque et une opportunité à la fois. Rappelons que 25% des exportations en Afrique ont pour destination la Chine. En 1990, cette part des exportations de l’Afrique vers la Chine n’était que de 5%. 30% de ces flux concernent l’Afrique du Sud, 15% l’Angola. La Chine consomme beaucoup de matières premières en Afrique. Il y a actuellement 2 500 entreprises chinoises en Afrique, où 40% des marchés d’infrastructures sont remportés par les Chinois. Le premier impact que la baisse de la croissance chinoise peut avoir en Afrique, c’est une baisse de consommation des matières premières africaines par la Chine. Il faut également savoir que par exemple 40% du pétrole angolais est vendu à la Chine.

La deuxième conséquence pourrait être la baisse des investissements de l’Etat chinois en Afrique. Cela peut aussi entraîner un certain nombre de difficultés financières dans l’ensemble des pays qui ont d’importants échanges avec la Chine. Ces pays en question sont d’ailleurs en train de revoir leur budget.

Quels sont les pays qui risquent d’être les plus affectés par le ralentissement de la croissance chinoise ?

Elle va surtout toucher les pays pétroliers tels que l’Algérie, les pays du Golfe de Guinée ou encore le Gabon. En gros, c’est tous les pays qui touchent de fortes recettes grâce à leurs matières premières. Il faut savoir que le commerce bilatéral Afrique-Chine se chiffre à 220 milliards de dollars. L’Afrique francophone sera en revanche un peu moins touchée que l’Afrique anglophone.

Comment ces pays africains peuvent-ils tirer des avantages de cette baisse de la croissance chinoise ?

Cette baisse de la croissance chinoise peut représenter une véritable opportunité pour développer le tissu industriel en Afrique. C’est une opportunité pour le développement industriel de l’Afrique à condition qu’il y ait une volonté des dirigeants africains de changer les choses. D’autant que l’Afrique a une croissance potentielle et est dotée d’investissements intéressants. Mais il faut dire que l’une des faiblesses de l’économie africaine c’est d’être trop dépendante des matières premières.

Selon vous, la Chine a-t-elle changé la donne en Afrique, en permettant à certains pays d’être mieux lotis sur le plan économique ?

Il est évident que la Chine représente un atout pour l’Afrique, concernant notamment ses efforts dans la construction des infrastructures, des routes. Mais cela a-t-il un effet sur le long terme au point de changer la donne ? Je ne suis pas convaincu que cela soit suffisant. L’avenir de l’Afrique c’est l’industrialisation. Quand on regarde tous ces changements en Afrique, on se rend compte qu’il y a peu de travailleurs africains mais plutôt chinois. A court terme, les investissements de la Chine en Afrique ont un impact positif sur le continent, mais est-ce que cela se traduit de façon durable ? Je ne suis encore une fois pas convaincu que cela se traduise de façon pérenne.

Quels sont les principaux domaines d’investissements de la Chine en Afrique ?

La Chine investit surtout dans les domaines des infrastructures, de la construction de la route, ou encore de la gestion portuaire. Mais même si elle reste toujours actrice dans les domaines des infrastructures, j’estime que ce n’est pas suffisant.

Malgré les fortes croissances de nombreux pays africains, les conditions de vie de la population ne s’améliorent pas… Comment expliquez-vous cela ?

Je suis très sensible au tissu social, d’autant que le continent africain a des pays qui ont un fort taux démographique. Même s’il y a de la croissance en Afrique, il est vrai que les populations ne bénéficient toujours pas des retombées économiques. Tout cela crée un certain nombre de difficultés. Il faut créer de l’emploi et une industrie qui fonctionne pour améliorer les conditions de vie de la population. Quelle que soit la croissance d’un pays elle doit être au minimum redistribuée. C’est bien beau de construire des stades, mais si les gens n’ont pas d’eau ou ne mangent pas à leur faim, ça n’a pas de sens. Je ne suis pas convaincu que la croissance soit la seule voie pour créer de l’emploi. On ne peut pas avoir une économie basée uniquement sur des matières premières. Il faut transformer ces matières premières pour leur donner de la valeur ajoutée et mettre sur pied une véritable industrie qui puisse créer de l’emploi. Le phénomène de croissance forte développe l’urbanisation, qui entraîne plus de besoins au sein de la population. Or, beaucoup de pays africains sont encore importateurs de fruits et légumes; ce qui représente un coût très élevé pour les Etats. Pour améliorer les conditions de vie de la population, il faut une stratégie de développement sur le long terme.

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