Afrique : les timbres fiscaux efficaces contre les trafics!


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Des billets de banque
Des billets de banque

Face à la hausse des trafics de produits soumis à des taxes d’accise, les gouvernements africains ont fourbi leurs armes et se sont attaché les services de prestataires internationaux, spécialisés dans la traçabilité, pour en contrer les effets délétères.

Sur un marché très concurrentiel dominé par une poignée d’acteurs, les experts de la filière rivalisent d’innovation pour convaincre une clientèle étatique de plus en plus exigeante, qui souhaite déclarer la guerre au commerce illicite de tabac et d’alcool. Parmi eux, le suisse SICPA s’est fait une place de choix sur le continent en proposant un système de timbres fiscaux augmentés, déjà très utilisé aux Etats-Unis.

Une prise de conscience tardive pour une problématique systémique

Le continent africain s’est tardivement saisi de la problématique du trafic de cigarettes, avant de se mobiliser sous la pression conjointe d’organisations de santé publique et de spécialistes des enjeux sécuritaires, chacun avançant ses propres arguments. Pour limiter la prévalence tabagique, les premiers réclament des hausses de taxe sur les paquets de cigarettes, mais aussi le déploiement de systèmes de traçabilité pour contrer un éventuel report des fumeurs sur les cigarettes de contrebande. Un système que l’Afrique du Sud par exemple souhaite mettre en œuvre depuis de nombreuses années, alors que le fléau des cigarettes de contrebande représentait, en 2018, un manque à gagner fiscal de 500 millions de dollars par an (entre 40 et 60% des produits consommés dans le pays).

Les spécialistes de la santé publique y critiquent d’ailleurs vertement les tentatives d’influence des industriels du tabac qui font échec à toute mise en œuvre d’un système indépendant de traçabilité. Les seconds, soucieux d’enjeux sécuritaires, dressent un lien très net entre commerce illicite de cigarettes et financement des groupes armés terroristesIls pressent les gouvernements de se doter d’outils solides de suivi et de traçabilité des produits les plus sujets à la contrebande, tout particulièrement les cigarettes et l’alcool pour empêcher cette manne financière de financer des groupes armés criminels.

L’enjeu budgétaire est d’autant plus important au sein d’États où l’économie informelle est surreprésentée et où elle grève lourdement le PIB. D’un point de vue global, la perte fiscale nette liée au seul trafic de cigarettes pour les États concernés est estimée à 700 milliards de francs CFA chaque année, rien que pour les pays ouest-africains membres de la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

Plus largement, le trafic illicite englobe aussi un panel de produits, dont la revente est prohibée ou interdite hors des canaux officiels et contrôlés. Parmi eux, les biens culturels, les espèces sauvages, les armes ou encore l’ivoire sont particulièrement sensibles. En tout et pour tout, l’Afrique perdrait annuellement 89 milliards de dollars du fait des flux financiers illicites. Un gouffre financier que les États africains, désireux d’améliorer leur situation financière. 

Peu d’acteurs sont présents sur ce marché stratégique

Face au commerce illicite des produits soumis aux droits d’accise, le système des timbres fiscaux augmentés, qui aspire à assurer un suivi et un traçage unique et sécurisé des marchandises tout au long de leur cycle de vie, reste une référence internationale et l’une des technologies modernes privilégiées. Un système, dont le suisse SICPA, l’un des leaders du secteur, s’est fait le spécialiste mondial.

Mais pour le groupe suisse, ces technologies ne sont qu’un pan de ses nombreuses activités au service des gouvernements, outre la fourniture d’encres de haute sécurité pour l’impression des billets de banque. L’entreprise a par exemple déployé des solutions de marquage de carburant pour lutter contre les phénomènes de contrebande, de détournement ou d’adultération de ces derniers. Elle a également plus récemment mis en œuvre ses technologies blockchain pour protéger les registres de l’administration en Suisse. Les solutions de SICPA ont notamment séduit le ministère français des Armées, qui en a fait une expérimentation dans le cadre de la lutte contre la COVID-19.

Si les technologies de timbres fiscaux sont utilisées depuis près de 50 ans aux Etats-Unis, l’avènement des technologies de l’information et de la communication a permis leur modernisation grâce à la digitalisation. L’OMS, dans son manuel sur l’administration des taxes relatives aux droits d’accises qualifie ainsi les technologies déployées en Californie, de même qu’en Turquie et au Brésil, de timbres fiscaux augmentés. Il s’agit en réalité de timbres fiscaux dotés des technologies modernes mises en œuvre dans l’impression des billets de banque, auxquelles s’ajoutent les informations (relatives au lieu, date, machine, entrepôt de production, à la chaine de distribution…) sous forme numériques encodées permettant de reconstituer l’historique de vie du produit.

Ainsi, des équipements optoélectroniques de haute précision permettent la vérification des quantités produites, les systèmes informatiques permettent le suivi unitaire des produits empaquetés dans des emballages secondaires ou tertiaires, la transmission de ces informations aux autorités fiscales et leur vérification par les services de police, de douane, voire de justice.

Une longue expérience aux Etats-Unis et les premiers retours d’expérience positifs en Afrique

Avant d’exercer son activité dans plusieurs pays d’Afrique, le groupe SICPA s’est ainsi durablement implanté aux Etats-Unis, où cette technologie séduit et de nombreux États ont recours à ses services. L’entreprise s’est ainsi positionnée, dès 2005, sur le marché californien, où elle a obtenu un contrat pour le déploiement de sa solution de traçabilité des cigarettes, fondée sur des timbres fiscaux cryptés résistant à la contrefaçon.

Un contrat renouvelé – avec la solution qualifiée de timbres fiscaux augmentés par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) – en plein cœur de la Silicon Valley en 2010 qui aurait permis, selon les autorités californiennes, de générer 133 millions de dollars supplémentaires par an en taxes d’accise. En 2009, sa technologie a aussi séduit l’État du Massachusetts, qui affirme collecter chaque année près de 600 millions de dollars de revenus de droit d’accise, puis plus récemment, l’État du Michigan, pour un contrat de marquage fiscal des produits à très fortes taxes d’accise, courant depuis la fin de l’année 2021 jusqu’à 2027.

En Afrique, les premiers retours d’expérience sur les timbres fiscaux augmentés sont aussi encourageants et SICPA peut se targuer d’être implanté dans plusieurs pays, particulièrement stratégiques. Un rapport du ministère de l’Économie et des Finances du Togo, daté de 2021, souligne une augmentation de 35 % de la collecte des droits d’accise pour les bières et le tabac depuis le déploiement de son système. En Afrique de l’Est, la Tanzanie a déployé SICPATRACE en 2019 et a constaté, en trois ans, une augmentation de 60 % des recettes des droits d’accise sur les bières, vins et spiritueux. Au Kenya, un rapport de la Banque mondiale a salué une augmentation notable des recettes fiscales sur le tabac, depuis le déploiement d’un système de timbres fiscaux sur les produits à taxe d’accise. A terme, les États africains espèrent à la fois une chute du commerce de contrebande et de ses effets délétères, mais aussi une hausse continue de leurs collectes de taxe d’accise. Une aubaine dans un contexte économique tendu. 

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