Afrique : les promesses et les défis de la révolution numérique


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Internet
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Seul un tiers des Africains subsahariens utilise internet, selon l’Union internationale des télécommunications : un frein majeur au développement, la connectivité demeurant un puissant catalyseur de croissance économique et sociale. Des investissements massifs, publics comme privés, sont nécessaires pour assurer l’accès au haut-débit et créer des emplois pour la jeunesse africaine. Conscients des spécificités locales, des opérateurs de haut niveau, comme Telecel en RCA, surfent sur ce contexte prometteur pour développer leur offre et conforter leur position dans un secteur stratégique.

Presque un milliard d’individus : c’est le nombre d’Africains qui, aujourd’hui, n’ont toujours pas accès à Internet. En Afrique de l’Ouest et centrale, seule une personne sur trois (34 %) disposait, en 2022, d’une connexion haut débit, d’après la Banque mondiale — et ce pourcentage serait encore inférieur en Afrique de l’Est et australe. Le continent accuse donc un retard significatif en termes de connectivité sur le reste du monde, retard que seuls des investissements conséquents publics et privés seront en mesure de combler. Comme l’écrit un analyste de la Banque mondiale, « le financement et l’investissement dans les infrastructures qui assurent la connectivité sont essentiels. Des milliards d’investissements publics sont nécessaires pour parvenir à l’accès universel au haut débit en Afrique d’ici 2030 ».

Économie numérique : un retard en train d’être comblé

L’ambition est à la mesure des besoins à couvrir : gigantesque. Avec en ligne de mire, la création, à l’horizon 2030, d’un marché numérique unique sécurisé, un projet soutenu par l’initiative de la Banque mondiale pour l’Économie numérique en Afrique (DE4A). Comme le rappelle l’Union africaine (UA), la numérisation du continent s’inscrit par ailleurs pleinement dans l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies, car celle-ci « crée des emplois, s’attaque à la pauvreté, réduit les inégalités (et) facilite la fourniture de biens et de services » à l’ensemble de la population. En d’autres termes, pour l’UA « la transformation numérique est une force motrice pour une croissance innovatrice, inclusive et durable ».

Technocratiques dans leur expression, ces promesses n’ont, heureusement, rien de simples vœux pieux. Sur le terrain, dans le quotidien des Africains, de nombreuses avancées témoignent d’une transformation progressive des usages. Si l’accès à Internet reste marqué par de fortes disparités entre pays et régions, le mobile money s’est diffusé très rapidement et largement sur le continent, où un vaste réseau d’agences favorise les transferts d’argent. De même en ce qui touche la dématérialisation des procédures administratives, qui avance à grands pas, bien qu’ici aussi, de manière inégale en fonction des pays concernés. En tout état de cause, « le déploiement d’infrastructures de télécommunications de qualité et la réduction des coûts d’accès à Internet apparaissent comme des impératifs à l’accélération du développement des usages du numérique en Afrique », estime l’ambassade de France au Cameroun.

Connecter l’Afrique pour créer des emplois

La question du coût de la connexion demeure en effet centrale en Afrique, où le prix des données mobiles demeure l’un des plus élevés au monde : 4,47 dollars le gigaoctet — et même 10 dollars au Botswana —, contre 2,72 dollars en Europe de l’Ouest et 0,23 dollar en France. Encore trop cher pour nombre d’Africains, qui dépensent en moyenne près de 10 % de leurs revenus mensuels pour acheter un seul gigaoctet, l’accès à Internet reste un facteur central pour espérer réduire la pauvreté. Comme le déclarait l’ancien vice-président de la Banque mondiale Makhtar Diop en 2019, « élargir l’accès à Internet signifie créer des millions d’opportunités d’emplois », notamment en faveur des jeunes, mais aussi des agriculteurs, des commerçants, des femmes – bref de toutes celles et de tous ceux à qui internet peut apporter des débouchés, des clients ou des connaissances.

Alors que l’Afrique subsaharienne comptera, en 2050, plus de deux milliards d’habitants, et que sept subsahariens sur dix ont, aujourd’hui, moins de 30 ans, la révolution numérique représente un gisement presque inépuisable d’emplois pour une population jeune, dynamique et entreprenante — mais frappée par un fort taux de chômage. Avec un marché numérique africain qui pourrait atteindre les 180 milliards de dollars dans les trois prochaines années, le nombre d’emplois créés, directement et indirectement, se compte en millions — à condition que les investissements dans les infrastructures suivent.

Telecel, Airtel, NuRAN Wireless : fourmillement d’initiatives

Bonne nouvelle : sur un continent désormais perçu comme absolument stratégique par les acteurs privés du numérique, le marché est en train de se structurer autour de quelques opérateurs de haut niveau et bien au fait des spécificités locales comme des besoins des populations. À l’image de Telecel, dont le succès en République centrafricaine (RCA) ne se dément pas : Telecel est aujourd’hui l’un des principaux opérateurs du marché de la téléphonie mobile du pays, aux côtés de l’opérateur historique français Orange et du marocain Moov.

Car le secteur se restructure et, en Afrique, le départ des acteurs non-africains laisse le champ libre à de nouveaux entrants de haut-niveau, comme Telecel, qui tentent de conquérir de nouveaux marchés et de répondre à certains besoins précis. « Telecel est une entreprise qui se démarque par sa flexibilité et sa proximité ; ces facteurs de différenciation sont très importants pour gérer des problèmes spécifiques à certains segments de population, comme les jeunes, les femmes ou les PME », explique Moh Damush, directeur général de Telecel, dans les pages du magazine Forbes Afrique. Récemment, le groupe s’est allié avec Lynk, un fournisseur de connectivité par satellite, qui vise à renforcer l’accès à la connectivité mobile sur les zones les plus reculées. Le groupe souhaite en effet « dégager des opportunités sur les marchés mal desservis grâce à l’amélioration de la qualité de service et à l’innovation », affirme Moh Damush, dont le groupe est, entre autres, aussi présent au Ghana.

« Connecter plus de 50 millions de personnes »

Autre groupe panafricain, Airtel Africa, s’est quant à lui engagé à investir 750 millions de dollars pour le développement de son service de paiement mobile. Dans les zones rurales, la technologie québécoise NuRAN Wireless devrait être déployée dans les années à venir par Orange, Vodacom et MTN pour connecter les zones à faible densité avec, à terme, l’objectif ambitieux de « connecter plus de 50 millions de personnes ». Et le travail ne manque pas : d’après le cabinet de conseil McKinsey, les opérateurs actifs en Afrique subsaharienne devront investir pas moins de 15 milliards de dollars d’ici à 2025 afin de déployer la 5G dans la région. Une nouvelle opportunité pour connecter les Africains, créer des emplois et faire reculer la pauvreté sur le continent.

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