Afrique du Sud : sale temps à South African Airways


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Le temps est très mauvais pour la compagnie aérienne sud-africaine, la South African airways (SAA). Alors que la compagnie est déjà fortement empêtrée dans les difficultés, deux syndicats ont appelé à une grève à compter du vendredi 15 novembre. Conséquence immédiate : suppression de presque tous les vols prévus vendredi et samedi.

C’est un secret de polichinelle que la South African Airways va mal depuis quelques années. C’est la raison pour laquelle les responsables de la compagnie ont annoncé lundi dernier leur volonté de mettre en œuvre un plan de restructuration qui nécessiterait une réduction de l’effectif du personnel.

Des syndicalistes décidés à obtenir satisfaction de leurs revendications

944 emplois en passe d’être supprimés, soit près de 20 % de l’effectif total. C’est ce qui a entraîné une levée de boucliers de la part des syndicats NUMSA (National Union of Metalworkers of South Africa) et SACCA (South African Cabin Crew Association) – les deux plus grands syndicats qui représentent plus de 3 000 salariés sur les 5 150 que compte la compagnie – qui ont aussitôt appelé le personnel navigant (hormis les pilotes) ainsi que le personnel au sol à une grève illimitée devant être enclenchée vendredi prochain.

Non seulement, les grévistes militent pour « une sécurité de l’emploi pour au moins trois ans », mais ils exigent aussi une augmentation de 8% de leurs salaires pour corriger ce qui, pour eux passe pour une injustice.

En effet, selon les grévistes, les pilotes avaient bénéficié d’une augmentation salariale de 5,9%. Les autres salariés estiment donc avoir aussi droit à une augmentation. « Nos membres demandent aussi leur augmentation. Nos membres gagnent beaucoup moins que les pilotes. C’est la raison pour laquelle nous demandons une augmentation de 8% », ont laissé entendre les syndicats. A en croire un communiqué sorti par le staff dirigeant de la compagnie mercredi, les syndicats ont rejeté une offre d’augmentation de 5,9% qui leur a été proposée, demeurant intransigeants par rapport aux 8%. Le même communiqué n’a pas manqué de rappeler aux grévistes que le mouvement de débrayage « mettait en danger l’avenir de la compagnie et menaçait les emplois ».

Mais apparemment, il n’y a pas de quoi faire démordre les syndicats qui appellent à la démission de tout le Conseil d’administration accusé d’avoir « délibérément détruit, à cause d’une mauvaise gestion, un pillage effréné et la corruption, ce qui était l’une des meilleures compagnies aériennes au monde ».

De sérieuses perturbations de trafic

Les syndicats eux-mêmes ont prévu que cette grève allait perturber sérieusement le trafic de la compagnie. C’est ce que traduisent ces mots de Irvin Jim, secrétaire général de la NUMSA : « Nous allons clouer au sol la compagnie vendredi. Elle ne doit pas bouger. Il s’agit d’une grève sans durée déterminée, et s’ils croient que nous plaisantons, ils vont avoir une mauvaise surprise ». Effectivement, en prévision de cette grève, les autorités de la compagnie ont annulé la quasi-totalité des vols prévus les 15 et 16 novembre.

« Nous accordons la priorité à nos clients et regrettons le désagrément inévitable que ces annulations peuvent leur causer. Cependant, en agissant de manière proactive, la SAA peut aider certainement les clients à trouver des alternatives », a déclaré le porte-parole de la compagnie.

« Sous réserve d’autres arrangements, les clients sont priés de ne pas se rendre dans leurs aéroports de départ pendant la perturbation, SAA ne pouvant fournir aucune assistance. Les informations sur le statut de nos vols seront régulièrement mises à jour sur notre site Web », a-t-il poursuivi. Il est à préciser toutefois que les vols retour de la compagnie prévus vendredi auront lieu, en dépit des perturbations. De même, les filiales de la SAA comme South African Express Airways, Mango Airlines non concernées par cette grève, poursuivront normalement leurs activités.

Une compagnie en perte de vitesse

Après avoir connu de belles années et figuré parmi les meilleures compagnies du continent, la SAA, vieille de 85 ans, dévale depuis huit ans la pente des difficultés, ne dégageant plus de bénéfices, mais ployant sous le poids des dettes. « Nous devons de toute urgence remédier à la situation déficitaire qui perdure au cours des dernières années », a confié la CEO par intérim, Zuks Ramasia, avant de poursuivre : « Nos pertes continuent et notre recours aux garanties du gouvernement pour emprunter de l’argent auprès de prêteurs ont augmenté les coûts d’intérêts, ce qui a une incidence sur les coûts d’exploitation de l’entreprise ».

De l’avis de plusieurs analystes, l’environnement de corruption généralisée et de mauvaise gestion accrue instauré en Afrique du Sud sous le régime de l’ancien président Jacob Zuma a contribué à la descente aux enfers de cette compagnie qui, jadis, faisait la fierté des Sud-Africains. D’ailleurs SAA n’est pas la seule grande entreprise publique en difficulté financière. Il y a aussi le géant de l’électricité, Eskom.

Cette grève illimitée sonne donc comme un coup de massue que le personnel veut asséner à une compagnie déjà mal en point. Il urge que les autorités sud-africaines s’impliquent dans la gestion de la crise pour ne pas rendre le ciel africain orphelin de SAA comme il l’a déjà été d’Air Afrique et bien d’autres compagnies encore. Le plan de restructuration implique l’injection d’environ 21.7 milliards de rands (1.5 milliard de dollars) par le gouvernement pour permettre à la compagnie de poursuivre ses activités jusqu’à renouer avec les bénéfices à l’exercice 2021-2022, selon les prévisions.

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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