Afrique du Sud : les médecins ne sont pas des marchandises !


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« Cessez de voler nos médecins » est le titre choc d’un article publié le 10 juin 2015 dans le quotidien « Le Citizen ». Dans cet article, le directeur général du ministère sud-africain de la Santé affirme, « Le Royaume-Uni accapare notre personnel médical … [Nous sommes] en train de signer un protocole d’entente avec le Royaume-Uni pour obtenir le rapatriement de certains de notre personnel de la santé… Vous ne devriez pas voler des pays qui sont dépourvus … Vous devriez arrêter de nous voler ».

Les gens ne sont pas des marchandises. Aucun gouvernement, que ce soit l’Afrique du Sud ou la Colombie ne peut signer des accords au nom de particuliers. Faire cela sans le consentement de ces personnes équivaut à de la « traite d’êtres humains ». Les médecins et infirmiers qui décident de quitter leurs maisons pour travailler ailleurs ne peuvent pas être blâmés pour les situations qu’ils laissent derrière eux. La libre circulation des travailleurs est un droit fondamental et inaliénable des individus.

La pénurie chronique du personnel médical en Afrique du Sud a émergé comme le résultat d’une politique mal conçue mise en place il y a plusieurs années par le gouvernement, qui limite le nombre de médecins étrangers autorisés à pratiquer en Afrique du Sud. Elle a également introduit une disposition selon laquelle il n’y aura « pas de recrutement actif pour un emploi permanent en Afrique du Sud de personne provenant d’autres pays en développement dans la région de l’Afrique ». Pour alléger cette pénurie chronique, l’Afrique du Sud devrait abandonner ce genre de politiques et ouvrir ses portes aux professionnels de santé qualifiés étrangers.

La tentative de restreindre la circulation des professionnels de la santé entre nos pays africains voisins est bien intentionnée. Toutefois, les pays de l’OCDE et d’autres pays en développement seront plus qu’heureux d’accueillir ces professionnels de la santé dans leurs systèmes, et les patients sud-africains seront les grands perdants.

Tous les systèmes de soins de santé reposent sur l’utilisation de professionnels qui ont été formés ailleurs. Par exemple, un quart du personnel médical dans le « National Health Service » au Royaume-Uni et un quart des médecins exerçant aux Etats-Unis, ont été formés à l’étranger.

L’Afrique du Sud non seulement limite le nombre de professionnels formés à l’étranger, mais rend aussi extrêmement difficile la pratique de la médecine dans ce pays pour ceux qui veulent. Selon un rapport publié par le Centre africain pour les migrations et l’Université de Wits, l’année dernière : « Il faudra deux ou trois ans à un médecin ou une infirmière étrangers qualifiés pour obtenir un emploi en Afrique du Sud, mais cela peut prendre jusqu’à 10 ans ». Le rapport note que les processus administratifs dans l’évaluation et le recrutement de médecins et d’infirmières étrangers dans le système de santé publique a impliqué au moins 10 étapes et sept institutions. En raison de ces procédures lourdes et inefficaces seulement 1,5% (2640) de l’effectif total du personnel de la santé du secteur public en Afrique du Sud (173 080) sont des étrangers.

En plus de restreindre le nombre de professionnels de santé étrangers, le gouvernement sud-africain est également titulaire d’un monopole en matière de formation des médecins. Chaque année des milliers de candidats potentiels, même ceux qui réalisent de hauts scores dans leurs examens, sont refoulés parce que le nombre de postes disponibles au sein des écoles médicales gérées par le gouvernement d’Afrique du Sud est limité à environ 1.500 postes, un nombre qui est légèrement plus élevé que celui fixé au début des années 1970. Malgré la pénurie chronique, le gouvernement sud-africain continue de restreindre sévèrement et artificiellement la disponibilité de professionnels formés localement, même si, depuis les années 1970, la population a plus que doublé et le pays souffre d’un fardeau de maladies extraordinairement lourd.

Une stratégie à long terme pour atténuer les pénuries chroniques devait conduire le gouvernement à assouplir ses contrôles sur les établissements d’enseignement supérieur, rendre l’accès à ces établissements de formation moins restrictif, et permettre au secteur privé de créer des écoles médicales privées de manière à ce que des milliers d’étudiants des plus brillants en Afrique du Sud puissent poursuivre leur rêve d’étudier la médecine. Que les écoles fonctionnent sur un mode à but lucratif ou sans but lucratif, leur mise en place ne peut qu’atténuer le problème.

Si cela est fait, il permettra d’alléger une part significative du fardeau actuellement supporté par le secteur public. Les hôpitaux privés en Afrique du Sud sont des centres d’excellence et de renommée mondiale bien connus pour leur haute qualité de soins. La gestion privée des établissements d’enseignement, si elle est réalisée en coopération avec ces hôpitaux, attirera non seulement un grand nombre de professeurs et de praticiens de renommée mondiale, ce qui permettra aussi d’augmenter le capital de connaissances disponible, mais aussi d’attirer des étudiants étrangers, qui pourront potentiellement séjourner et travailler dans ce pays.

Les écoles de médecine gérées de manière privée ne peuvent résoudre la pénurie de personnel médical chronique du jour au lendemain, mais pourront certainement contribuer à l’effort de long terme visant à accroître le nombre de professionnels de la santé dans le pays et à permettre aux patients sud-africains de recevoir les soins et l’attention qu’ils méritent.

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