Afrique du Sud : le Parlement sud-africain adopte la « loi du secret »


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Le projet de loi sur la protection des informations d’Etat a été adopté jeudi 25 avril par l’Assemblée nationale sud-africaine. Ce projet de loi surnommé « secret bill », prévoit des peines de prison de 5 à 25 ans pour quiconque qui publierait des informations classées secrètes. Plusieurs collectifs citoyens se sont constitués pour dénoncer un « retour vers l’apartheid ».

Par Ziad Aguerd

La loi de « Protection des informations d’Etat » a été adoptée par le Parlement sud-africain le 25 avril dernier. Les pourparlers autour de l’ébauche du projet de loi ont débuté en 2008, et plusieurs modifications y ont été insérées depuis. Se heurtant à une forte opposition, en tout 800 amendements avaient été déposés. Prévoyant initialement que tout organisme d’Etat pouvait classer secret n’importe quel document, le projet n’accorderait aujourd’hui cette disposition qu’aux organes traitant directement des affaires de sécurité.

Libertés en sursis :

En août 2010, les contestataires du « secret bill » ont déclenché une campagne baptisée « right to know (R2K) », droit de savoir en français. D’initiative strictement citoyenne, R2K est soutenue par plus de 400 ONG sud-africaines et internationales à l’instar de Human Right Watch, Amnesty International ou Reporters sans frontières, pour ne citer qu’elles ; mais aussi par plusieurs personnalités d’envergure comme les prix Nobel Nadine Gordimer (littérature) et Desmond Tutu (paix). Tous craignent pour l’avenir du journalisme en Afrique-du-Sud, et mettent en garde contre l’éventualité d’un retour à l’apartheid.

Laissez la vérité être dite !

Si aujourd’hui toutes les actions lancées pour faire reculer le gouvernement ont échoué, dans un entretien accordé à Afrik.com, Mark Weinberg, porte-parole de R2K, a assuré la continuité du combat : « L’espoir n’est pas totalement perdu. Une pétition est lancée pour demander au président Zuma de revoir le texte de loi, car tant qu’il n’a pas donné son aval, la loi n’est pas promulguée. Et dans le cas contraire, nous saisirons la cour constitutionnelle ! » Car en effet, l’argument principal de R2K figure dans les textes de la plus haute norme juridique du pays : la constitution. Si elle est promulguée, la « loi du secret » serait en contradiction avec les articles 16 et 32 de ladite constitution, relatifs à la liberté d’expression et au droit d’accès à l’information. Ils stipulent respectivement que chacun jouit de la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées, ou encore que chacun a accès à toute information détenue par l’Etat.

R2K prévoit d’organiser plusieurs manifestations à Johannesburg, Cape Town et Durban, à l’occasion de la Journée Mondiale pour la Liberté de la Presse, ce vendredi 3 mai. Le but de l’événement : mettre en lumière les stratagèmes du gouvernement qui entend soustraire aux citoyens leur droit de savoir, une atteinte à leurs droits fondamentaux.

L’Afrique du Sud figure dans le classement des dix pays les plus inégalitaires au monde, selon le coefficient de Gini. Dans un pays où le fossé des inégalités se creuse de plus en plus, l’opinion publique est très sensible aux questions d’enrichissement illicite qu’une loi de cette nature rendrait encore plus difficile à déceler.

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