Afrique du Sud : l’hyper réglementation ennemi de la prospérité


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Le Président sud-africain, Cyril Ramaphosa
Le Président sud-africain, Cyril Ramaphosa

La liberté économique permet de multiplier par plus de six le revenu des populations et particulièrement celui des plus pauvres. Ainsi, son impact n’est plus à démontrer.

Dans son article, Martin Van Staden explique que la liberté économique repose sur l’État de droit. Ainsi, il critique vivement le Parlement sud africain qui accepte de déléguer massivement le pouvoir de légiférer au gouvernement. C’est l’exécutif qui régit l’économie par des règlements. C’est contraire à la démocratie et ça conduit à ancrer la pauvreté.

Le rapport annuel publié récemment, par l’Institut Fraser, sur la liberté économique dans le monde (EFW) montre que la liberté économique engendre la prospérité. C’est une nécessité urgente pour l’Afrique du Sud !

La sécurité juridique socle de l’investissement

La sécurité juridique est compromise lorsque les membres du pouvoir exécutif, et non le Parlement, sont habilités à légiférer. Les Sud-Africains devraient se ressaisir et refuser  que le gouvernement légifère par délégation, en abusant de l’usage des règlements au détriment des lois.

L’Institut Fraser du Canada définit la liberté économique comme le droit d’une personne « de choisir elle-même et d’effectuer des transactions volontaires tant qu’elles ne portent pas atteinte à la personne ou aux biens d’autrui ». Dans un environnement de liberté économique, « ce sont les choix des individus qui décident quels biens et services sont produits et comment ils sont produits ». Le contraire de la liberté économique, c’est lorsque les décisions économiques leur sont «imposées par la sphère politique ou l’usage de la violence», c’est-à-dire généralement par l’interférence du gouvernement dans notre vie quotidienne.

Un indéniable recul de la pauvreté

La liberté économique, cependant, ne reconnaît pas seulement l’impératif moral du libre choix, c’est également l’arrangement économique le plus bénéfique pour toute société qui souhaite devenir prospère. Le produit intérieur brut (PIB) par habitant dans les pays les plus économiquement libres est environ six fois plus élevé (36 770 dollars par an) que ceux des économies les plus réglementées du monde (6 140 dollars). Ce qui est plus important, toutefois, c’est que les personnes les plus pauvres de ces économies les plus libres (les 10% de revenus les plus modestes) gagnent environ sept fois plus (10 646 $) que leurs homologues des pays les moins libres de la planète (1 503 $). En d’autres termes, il vaut mieux être pauvre dans une économie capitaliste libre que dans une économie réglementée.

L’Afrique du Sud, malheureusement, a régressé dans le classement de la liberté économique depuis 2000, alors que nous avions un niveau raisonnable de liberté économique, ce qui risque de nous ramener vers les sociétés les plus répressives économiquement dans le monde. La relation entre les marchés libres et le recul de la pauvreté, d’une part, et les marchés réglementés et l’extrême pauvreté, d’autre part, n’est pas seulement une corrélation, mais un véritable lien de causalité.

Le duo marché libre et prospérité

L’un des principaux moyens de saper la liberté économique, dans le monde entier, est que les représentants du peuple délèguent des pouvoirs législatifs aux représentants de l’exécutif. Un aspect essentiel du contrat social est l’idée que les citoyens ordinaires reconnaissent au gouvernement le pouvoir de les gouverner, par le biais de la loi. Cette reconnaissance dépend du respect de certaines conditions: le gouvernement doit protéger et respecter les droits individuels, respecter l’état de droit, et les lois ne doivent être adoptées que par les représentants du peuple élus de manière démocratique (le Parlement). Lorsque l’assemblée délègue son pouvoir de légiférer à des bureaucrates anonymes et sans visage, cela revient à sous-traiter sa responsabilité démocratique. Alors que le Parlement confère de plus en plus fréquemment ces pouvoirs au gouvernement, ce sont en fait les fonctionnaires qui dirigent pays.

L’impératif de la séparation des pouvoirs

En 1916, A.G. Syfret, président de la « Cape Law Society », condamnait déjà la «gouvernance par règlements», affirmant que même les avocats avaient du mal à se conformer à tous les réglementations, proclamations et décrets publiés par l’exécutif. Cela posait non seulement un problème de sécurité juridique, en ce sens que du fait de l’inflation réglementaire, les avocats, et surtout les citoyens, avaient du mal à s’y retrouver ne sachant pas en allant se coucher, quelle nouvelle législation sera en vigueur  le lendemain à leur réveil. De plus cet excès de recours aux règlements compromet un régime démocratique. Pour cette raison, a-t-il averti ses collègues avocats, « nos enfants peuvent se demander pourquoi, ils ont autorisé le Parlement à élaborer des lois qui permettent à de simples fonctionnaires de l’exécutif à légiférer par réglementations ».

D’évidence,  l’économie doit être réglementée, mais ce cadre juridique doit émaner du Parlement, à qui nous pouvons demander des comptes, et non de fonctionnaires que nous ne connaissons pas. L’exécutif, conformément non seulement à la Constitution mais aussi à des siècles de pensée démocratique, est responsable de l’application du droit, et non de son élaboration.

Sans la séparation des pouvoirs, les passions passagères et les caprices de petits fonctionnaires deviennent des lois sur lesquelles repose l’économie. Un exemple flagrant est la réglementation sur le salaire minimum national. La loi prévoit que les entreprises peuvent « demander une exemption du paiement du salaire minimum national ». A l’instar d’autres lois, elle habilite également le ministre du Travail à prendre des « réglementations » jugées « nécessaires ou opportunes » pour mettre en œuvre la loi. Le ministre a ensuite adopté la loi, mais au lieu de prévoir une exemption, il prévoyait un rabais de 10%. L’allègement que pourraient avoir les entreprises, en particulier les jeunes et petites entreprises, de l’obligation de se conformer au salaire minimum national a donc été ramené à une réduction insignifiante, simplement parce que le ministre, seul au sein du gouvernement exécutif, l’a jugé.

Notons que le Parlement n’aurait pas mieux fait puisque c’est lui qui avait adopté la loi sur le salaire minimum national, mais au moins lorsque c’est le Parlement qui vote, les populations savent contre qui se retourner et pourront sanctionner les responsables  lors des prochaines élections.

Ainsi, l’élaboration des lois par l’exécutif progresse dans le monde entier, mais c’est quelque chose de totalement incompatible avec nos valeurs constitutionnelles et démocratiques, sans parler de nos intérêts.

Par Martin Van Staden, analyste pour The Free Market Foundation, article initialement publié en anglais par la Free Market Foundation, traduction réalisée par Libre Afrique

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