Afrique : de l’aide à l’échange


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L’Afrique est-elle vraiment en train de se lever ? Cela dépend d’où l’on regarde. Si l’on se place là où nous étions il y a quelques décennies, alors nous avons fait un petit bout de chemin. Si l’on considère en revanche la perspective du point de vue où l’Afrique devrait se trouver aujourd’hui, on réalise qu’il ne suffit pas de crier « l’Afrique se lève ! ». Une vérité cependant : les discussions autour de l’Afrique ont changé pour le meilleur et nous vivons effectivement des moments intéressants pour le continent.

Au Forum économique mondial sur l’Afrique qui vient de s’achever, il était significatif de constater que le mot qui va d’habitude de pair avec l’Afrique à tous les forums n’a pas trouvé son chemin cette fois-ci dans les conversations. L’aide a toujours été considérée comme la seule façon de faire avancer le continent, mais cinquante années d’aide ont laissé l’Afrique toujours pauvre. L’optimisme récent à propos de l’Afrique a surtout concerné le commerce. Beaucoup diraient que la plupart de ces échanges a porté sur les marchandises ; mais là encore, l’Afrique fait des affaires et c’est plutôt une nouvelle rafraîchissante. Nous pouvons toujours améliorer les termes de l’échange mais comment améliorer les termes de l’aide? Avec l’aide on étire son bras et on prend ce qu’on nous donne, avec l’échange on fait ses propres choix. Et l’avenir pourrait s’annoncer radieux pour le continent s’il continue sur cette lancée.

En effet, environ 50 pour cent de la population africaine a moins de 20 ans et avec le vieillissement démographique de la Chine, l’Afrique offrira au monde vers 2040 sa réserve la plus importante de main d’œuvre. Si les États changent d’orientation pour diversifier le contenu de leurs échanges, alors les discussions sur l’Afrique vont réellement commencer à atteindre des niveaux élevés d’optimisme. Mais ne nous emportons pas pour l’instant cependant : la croissance de l’Afrique a été essentiellement sans emploi. Le Nigéria, l’une des économies les plus dynamiques au monde et l’une des principales raisons pour lesquelles on dit que l’Afrique se lève, abrite aussi quelque 112 millions de pauvres. La majeure partie de sa population jeune est au chômage et son président a tout récemment déclaré l’état d’urgence à cet égard dans trois de ses trente-six États.

« Ils disent que notre économie est en croissance, mais la croissance, vais-je la manger ? La croissance va-t-elle mettre de la nourriture sur ma table ? ». Cette complainte d’un chauffeur de taxi à Abuja remet toute la croissance de l’Afrique dans sa juste perspective. Nous ne pouvons nous permettre de prétendre qu’il y a derrière cette croissance une histoire vraie que les politiciens préfèrent voir reléguée à l’arrière-plan. Les inégalités demeurent une réalité bien sordide. Nous pouvons changer cela. Nous devons nous tourner vers le développement du système éducatif pour répondre aux besoins de la nouvelle Afrique. Le cursus de style colonial ne peut répondre aux besoins de l’Afrique d’aujourd’hui. Nous devons instruire des têtes pensantes pour créer des emplois et pas seulement remplir les ventres avec ce qu’il faut pour qu’ils puissent exercer un travail.

Le développement de l’Afrique sera toujours limité par ses fondations. Il n’y aura pas de développement sans une infrastructure adéquate pour le porter. Les États doivent chercher à impliquer le secteur privé dans la construction de l’infrastructure qui conduira vers l’intégration économique du continent. Comment parler d’unité africaine quand le volume du commerce intra-africain représente à peine 12 pour cent des échanges commerciaux de l’Afrique ? De belles paroles ont été prononcées par les présidents et leurs représentants au Forum économique mondial Afrique qui vient de s’achever. Il serait bienvenu de voir se matérialiser désormais certains de ces engagements. L’intégration africaine a été un thème central lors des diverses séances et on commencerait à faire confiance à l’Afrique si des progrès réels étaient faits dans les prochains mois à cet égard.

En tant que continent, nous ne sommes pas où nous en étions il y a un demi-siècle et nous pouvons être reconnaissants du fait que nous allons de l’avant. Nous ne devons cependant pas être trop contents de nous, vu notre retard. Oui, nous allons de l’avant mais nous aurions dû être à ce stade depuis fort longtemps. Le monde a avancé et nous a laissé derrière lui, avec un tel retard à rattraper que nos peuples ne peuvent plus avaler de belles promesses. Il est temps de faire marcher Afrique.

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