Abidjan : quelle tension préélectorale ?


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Drapeau de la Côte d'Ivoire
Drapeau de la Côte d'Ivoire

A en croire la junte, la société ivoirienne ne se plaindrait pas du viol qu’on fait subir à la démocratie, à quatre jours d’une élection présidentielle qui clôturera un processus électoral largement compromis. Le mécontentement perce néanmoins ; l’indifférence de l’Occident aussi.

Il ne se passe rien d’anormal à Abidjan : voilà ce que le général-président Robert Gueï vient encore de faire répéter par l’un de ses ministres, alors qu’approche à grand pas une élection présidentielle qui entérinera le hold-up de la junte sur la démocratie ivoirienne.

Lundi, le ministre ivoirien des Infrastructures, M. Badia Yoro, était en visite officielle à Luanda. Il en a profité pour remettre un message au président angolais Dos Santos, selon lequel – rapporte PANA –  » la paix et la tranquillité règnent en Côte d’Ivoire, où les élections présidentielles auront lieu dimanche comme prévu.  »

L’atonie des partenaires traditionnels du pays, l’Union européenne et les Etats-Unis, tend à conforter le général Gueï dans cette tranquillité. Le bureau des Nations Unies  » chargé de la coordination de l’observation des élections en Côte d’Ivoire  » est, lui aussi, apparemment convaincu, comme la plupart des observateurs, que rien n’arrêtera plus la marche de Gueï vers le pouvoir. Mardi, il s’est sabordé en suspendant sa mission : plusieurs pays devant envoyer des observateurs y ont renoncé. Sur la scène diplomatique, tout se passe donc comme si chacun avait oublié l’invalidation de quatorze des dix-neuf candidats au scrutin du 22 octobre, à la suite d’une décision très contestée de la Cour suprême de Côte d’Ivoire.

Une liste de militaires

Pourtant… pourtant, quatre alertes à la bombe, lundi, ont paralysé les quartiers généraux de la Banque africaine de développement et de trois autres banques installées dans le quartier du Plateau à Abidjan. Pourtant, le quotidien Ivoir’soir a suspendu la mise à jour de son édition Internet depuis le 13 septembre. Pourtant, plusieurs petits partis politiques et des ONG locales ont appelé les électeurs à rester chez eux dimanche. Pourtant, Alassane Ouattara a lancé un appel solennel dans le journal français Le Monde il y a dix jours. Mais qui peut l’apprendre en Côte d’Ivoire, où des titres aussi lus que Frat’Mat, le National ou Le Jour font semblant de prendre au sérieux le  » duel  » annoncé entre le général Gueï et Laurent Gbagbo, le président du FPI ?

Mardi 17 octobre, le quotidien Notre Voie a publié un long article évoquant  » des indices sur la fraude qui se prépare « . Après avoir recensé les nombreuses rumeurs qui circulent dans le pays, le journal fait état d’une liste  » dont [il a] reçu copie « . Ce document a été dressé par l’armée et concerne le personnel militaire. Il servirait, affirme Notre Voie,  » à recenser des personnes susceptibles de donner leur suffrage à l’actuel chef de l’Etat ; à apposer leur empreinte digitale en face de la photo du  » candidat du peuple  » sur les bulletins de vote ; à remettre à chaque individu répertorié le bulletin de vote sur lequel se trouve son empreinte digitale « .

Avec un tel dispositif, nul doute que la  » tranquillité  » règnera dimanche à Abidjan. A moins que ?

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Christophe Schmidt est un journaliste français passé du terrain africain à la tour de contrôle de l’Agence France-Presse. Il fait ses premières armes au tournant des années 2000 en signant pour Afrik.com une série de reportages très remarqués sur la vie politique et sociale du continent avant de rejoindre l'Agence France Presse
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