Abdou Diop : « Le retour en Afrique est parfois nécessaire pour trouver des opportunités »


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Abdou Diop – Ils sont nombreux les Sénégalais à effectuer un retour au bercail pour participer au développement de leur pays. Un phénomène auquel AFRIK.COM s’est intéressé dans ce dossier. Dans cette sixième publication, Abdou Diop, directeur du bureau en Afrique de l’agence publicitaire française Havas, à tout juste 27 ans, revient sur son retour au Sénégal après avoir effectué ses études en France. Le jeune homme ne regrette en aucun cas son choix du retour. Il est convaincu que les opportunités sont nombreuses en Afrique pour ceux qui savent saisir leur chance. Portrait d’un optimiste.

A Dakar,

Alors qu’on s’attendait à voir un homme beaucoup plus âgé, difficile de croire au premier coup d’œil que c’est bien le directeur d’Havas Afrique. A tout juste 27 ans, Abdou Diop est pourtant bien le patron ici. Lorsqu’on pénètre dans son bureau, au sein de l’agence publicitaire française, située au cœur du centre-ville de Dakar, on comprend tout de suite qu’il a le sens des responsabilités. Alors qu’il avait la possibilité de rester en France après avoir effectué ses études de commerce, il a fait le choix de rentrer au Sénégal, en 2010. « On a toujours des interrogations par rapport au retour. On se demande si on va trouver quelque chose sur place. Mais un moment donné, on est confronté à un choix, et il faut le faire », explique-t-il.

Le jeune homme n’est en effet pas du genre à se laisser refroidir par le doute. Plusieurs éléments l’ont incité à rentrer pour de bon en 2010. D’autant qu’il avait déjà eu l’opportunité de travailler pour Havas Média en France, après avoir terminé ses études. « J’ai décidé de rentrer car après un passage chez Havas Média en France, on me proposait quelque chose qui ne plaisait pas. Et puis j’avais le sentiment de ne pas être chez moi. J’étais loin de ma famille qui me manquait, il y avait pas mal d’événements auxquels je n’ai pas pu assister. Un moment donné cet éloignement pesait sur mon moral », déplore-t-il. Il décide alors de plier bagage et de rentrer sur un coup de tête. « J’estimais qu’il y avait pas mal d’opportunités en Afrique. Et je me suis rendu compte qu’en fournissant la même énergie à chercher du travail en France, je pouvais la mettre au profit de l’Afrique. Il y a des appréhensions au début mais qui ne risque rien n’a rien », estime le jeune directeur.

Son aventure avec Havas au Sénégal a débuté par hasard. Alors que son père se promène en ville, il croise une enseigne de l’agence française. Il incite alors son fils à tenter sa chance et postuler. Aussitôt dit aussitôt fait. Le jeune homme est engagé au début en tant que responsable média. « Je gérais la communication média de l’agence au Sénégal et dans les autres pays de la sous-région. C’était un tout nouveau challenge qui ma attiré », raconte-t-il. Très vite, il fait ses preuves. Il est alors nommé directeur du bureau de l’agence en Afrique, le poste qu’il occupe actuellement. Son rôle, superviser l’ensemble des actions opérationnelles et financières de l’agence. « Mon but est d’assurer la direction de cette agence, la faire vivre et l’animer« .

Retour gagnant

Le retour en Afrique d’Abdou Diop a donc été gagnant. Au fond de lui, il savait qu’il rentrerait et ne resterait pas loin du continent. Lui, qui a vu le jour au Mali. Né de parents binationaux, sa mère originaire du Niger et son père mauritano-senegalais, il a grandi en grande partie au Sénégal et y a effectué ses études. Mais il a aussi vécu dans d’autres pays d’Afrique en raison du travail de ses parents qui étaient amenés à y séjourner. « Mon père était dans la direction du groupe DHL, il était régulièrement affecté dans d’autres pays. Ca m’a donné une belle vison panafricaine qui me sert dans les taches de tous les jours », affirme-t-il fièrement.

Abdou Diop, deuxième d’une fratrie de cinq enfants, dont trois frères et une petite sœur, fait partie de ces personnes qui ont eu un parcours sans faute, les menant tout droit vers la réussite. D’ailleurs il tient à préciser fièrement qu’il a effectué ses études supérieures au Sénégal. Après avoir décroché son bac L, il intègre une prépa à la prestigieuse école de commerce HESS, à Dakar. « C’était nouveau à l’époque. L’école venait d’ouvrir ses portes à Dakar, on avait les mêmes programmes que ceux de Paris », se remémore-t-il. C’est suite à cette classe préparatoire, en 2007, qu’il s’envole pour la France pour intégrer une école de commerce, où il effectue la suite de son cursus.

Durant sa dernière année, il intègre l’agence Havas et effectue des achats de publicité pour la télé. « J’étais chargé du budget, c’est là-bas que j’ai fait ma première incursion dans les médias, ça m’a ouvert des portes et des opportunités. Le gros souci dans les écoles de commerce c’est qu’on ne sait jamais ce qu’on va faire une fois à la sortie de l’école. Cette formation très spécifique à Havas m’a aidé à me décider. J’ai compris qu’un spot publicitaire de 30 secondes qui passe à la télé c’est un travail en amont colossal », explique Abdou Diop.

« Il vaut mieux être chômeur chez soi qu’à l’étranger»

Pour lui, les jeunes qui souhaitent rentrer en Afrique ont tous leur chance même si le contexte est difficile.« Mais il vaut mieux être chômeur dans son pays d’origine plutôt que dans un pays étranger », estime-t-il. « Au moins chez soi on est entouré de sa famille, on aura à manger, un toit, ce qui n’est pas le cas à l’extérieur. Je demande souvent à beaucoup de mes amis restés en Europe de rentrer plutôt que de galérer là-bas. Mais ils refusent car les familles leur mettent une grosse pression pour qu’ils restent en espérant qu’ils les aideront à sortir de la misère alors qu’ils souffrent eux-mêmes ».

Le jeune homme reste aussi convaincu que l’Afrique offre beaucoup d’opportunités de travail. « On a tendance à privilégier un profil local plutôt qu’extérieur». Selon Adbou Diop, « il faut parfois rentrer en Afrique pour trouver des opportunités et quelque chose de bien et ne pas faire l’action inverse de d’abord chercher, de trouver, puis rentrer ».

«C’est à nous Africains de développer le continent»

Il est aussi convaincu que « localement y a des profils intéressants, surtout qu’il y a de plus en plus d’écoles, qui sont de plus en plus de bonnes écoles». Mais il admet que parfois le problème vient de la pression des familles qui vont orienter leurs enfant en droit, ou dans des filières sans débouchés. « Il ne faut pas s’étonner après qu’il y ait des jeunes forcément au chômage.» Toutefois les jeunes chômeurs ne « doivent pas perdre espoir car de plus en plus d’entreprises intègrent un programme de formation pour mettre leurs salariés au niveau.»

Bien que « l’engouement en Afrique soit là », le jeune homme déplore que les enfants « d’Afrique n’en profitent pas encore. Ils risquent de se faire souffler le gâteau encore une fois. Quand on a de belles idées il faut se donner les moyens de les réaliser surtout qu’en Afrique tous les secteurs sont pourvoyeurs de demande. Avec l’évolution des nouvelles technologies, on peut créer des modèles de marché adaptés aux besoins locaux ». D’autant que l’auto-entreprise a le vent en poupe. « Je suis étonné de voir au Sénégal le nombre de jeunes qui se battent pour créer leur propre entreprise avec peu de moyens. Après ça marche ou pas, l’essentiel c’est d’avoir un avenir qu’on construit soi-même.» Pour que ça marche, conseille Abdou Diop, « il faut parfois ne pas hésiter à réorienter sa carrière ou sa vie car personne n’a un profil tout tracé, parfait, qui conduit à la réussite professionnelle ».

Il y a malgré tout une prise de conscience des opportunités qu’offre l’Afrique, constate Abdou Diop, soulignant « que de plus en plus de jeunes africains en occident envisagent de rentrer. En occident, une bonne partie de votre salaire passe dans les impôts.» Alors qu’en Afrique « tout est à faire, assure le jeune homme. Vous pouvez donc contribuer à construire des infrastructures qui vont profiter aux générations futures, dont vos enfants et vos petits enfants. C’est à nous Africains de développer l’Afrique, personne le fera à notre place.»

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