52 civils massacrés en Ituri : « L’état de siège n’a plus sa raison d’être » en RDC


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Homme armé de fusil
Un homme armé (illustration)

En RDC, les groupes armés ont encore frappé dans la province de l’Ituri, sous état de siège depuis le mois de mai 2021. Un nouveau camouflet pour le gouverneur militaire de la province et pour les défenseurs d’un état de siège qui fait débats.

Du dimanche au lundi, les populations du territoire d’Irumu, dans la province de l’Ituri, ont subi une double attaque menée par les rebelles ougandais des ADF. Le bilan humain, très lourd, fait état de 52 morts parmi les civils. « Le dimanche ainsi que ce lundi, il y a eu des attaques dans les villages de Otomabere, Ndimo ainsi que Apende, et le bilan fait état de 52 morts dont 15 à Apende, 18 à Ndimo et Otomabere 19. Ce sont les villages qui se succèdent sur la RN4 », a déclaré Christophe Munyanderu, coordonnateur de l’ONG-DH Convention pour le Respect des Droits Humains (CRDH), antenne d’Irumu.

Mieux, l’activiste des droits humains dénonce le quasi-immobilisme des autorités de la province qui semblent sourdes aux avertissements des populations. « 52 civils, c’est trop nombreux, ça fait mal au cœur. Si toutes les alertes de la population civile étaient prises en considération, ces ADF n’auraient pas tué autant de monde », s’indigne Christophe Munyanderu. Et de lancer un appel : « Nous voulons que les opérations militaires soient sérieusement lancées dans la zone. Parce que la chefferie de Wakese Vukutu est devenue l’épicentre de ces ADF. C’est pourquoi nous avons fait cette alerte, parce que depuis le mercredi les ADF tuent et ils ne sont pas poursuivis ».

La province voisine du Nord-Kivu est logée à la même enseigne. Selon la presse locale, une trentaine de personnes y ont été tuées la semaine dernière, toujours par les ADF. Face à tous ces massacres qui continuent, au nez et à la barbe des gouverneurs militaires de ces deux provinces placées sous état de siège depuis mai, donc bientôt un an, une question, devenue récurrente depuis des mois, revient sur toutes les lèvres ? À quoi sert finalement l’état de siège ? Ramener la paix dans l’Est de la RDC était l’une des promesses phares de campagne du candidat Félix Tshisekedi. Élu, il l’a réaffirmé, se disant même prêt à verser son sang pour que la paix et la quiétude reviennent dans cette région du pays. Mais, à un an de la fin de son mandat, c’est le statu quo. La solution “miracle” trouvée, l’état de siège, s’est finalement révélée être un cautère sur une jambe de bois.

« Nous avons besoin d’une bonne gouvernance, or avec les militaires c’est difficile de contrôler, personne ne contrôle, personne ne sait là où on envoie l’argent »

Du côté de l’Assemblée nationale, on songe déjà à passer à autre chose. Parlant de la session parlementaire qui s’ouvre ce mardi, le député Paulin Odiane estime que la question de la sécurité à l’Est doit être l’un des sujets prioritaires sur lesquels il faudra se pencher. « Je l’ai toujours, ça ne sert à rien de généraliser l’état de siège. En généralisant, c’est donner le goût aux militaires de rester au pouvoir et un jour ça peut tourner au vinaigre parce qu’ils veulent s’accommoder au pouvoir et, par exemple en Ituri, j’ai toujours recommandé à chaque prorogation que c’est mieux de garder l’état de siège dans les territoires de Djugu et Irumu. Au Nord-Kivu, on garde l’état de siège uniquement dans le territoire de Beni, on laisse la province entre les mains d’un civil, un gouvernement provincial pour diriger le reste de la province », a-t-il déclaré.

Puis il a poursuivi : « Nous avons besoin d’une bonne gouvernance, or avec les militaires c’est difficile de contrôler, personne ne contrôle, personne ne sait là où on envoie l’argent, au moment où nous parlons, tout ce qu’on mobilise comme recette dans ces deux provinces, qui contrôle ? Cet argent va où ? À qui donne-t-on cet argent ? Ces gens réalisent quoi avec tout ce qu’ils amassent comme argent ? Personne ne peut contrôler parce qu’ils sont des militaires ».

Pour Ézéchiel Kambale, lui aussi député, l’état de siège n’est plus utile. Il faudra, au cours de cette session parlementaire étudier la manière d’y mettre un terme. « La deuxième question, c’est le débat sur l’application des recommandations faites par l’Assemblée nationale au gouvernement par rapport à la situation dans l’Est. Nous allons parler de l’évaluation de l’état de siège et du processus de sortie de l’état de siège », laisse-t-il entendre. « Nous sommes, ajoute-t-il, pour la fin de l’état de siège parce qu’avec les opérations conjointes FARDC-UPDF, l’état de siège n’a plus sa raison d’être, ces opérations sont venues remplacer tacitement l’état de siège ».

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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