2011 : A mi-chemin de la Révolution


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arton21661

Avec cette année 2011 qui commence, c’est l’année 2010 qui s’achève… L’occasion d’un bilan, consternant ; et de vœux dans l’espoir, apparemment fou, de voir enfin se profiler un monde meilleur…

Haïti dévasté et frappé par le choléra… Ingérence internationale et menace de guerre civile en Côte d’Ivoire, dans une Afrique livrée plus que jamais aux rapacités volontiers sanglantes de la mondialisation ultralibérale, dernier visage du néocolonialisme… Banlieues au bord de l’explosion, montée de l’antagonisme de race en France et en Europe… Monde musulman entraîné dans l’intégrisme, au prix d’une manipulation permanente, face à un Occident menteur, hypocrite et décadent… Débat politique en France marqué par l’effarante nullité de la gauche, qui n’a d’égal que l’inconséquence gravissime du président de la République, Nicolas Sarkozy, qui conformément à son portrait dressé par WikiLeaks, se comporte en servile valet des Etats-Unis. Au prix sans doute, dans son esprit, dans le secret de son bureau, d’un habile billard à quinze bandes, puisque l’affaiblissement global de la France et de la fameuse « Françafrique » ne lui laisse plus le choix des armes, quand ses amis américains ne rêvent que de sa perte et de l’abaissement de son pays, auquel ils travaillent du reste sans relâche depuis de nombreuses décennies…

Et comme depuis de nombreuses décennies, la France et ses annexes africaines (en particulier les sphères bourgeoises et les élites officielles) n’en finissent plus de jouer la partition écrite par l’Oncle Sam, et orchestrée par ses fifres, sous-fifres et autres grosses caisses… Avec une pensée émue pour feue l’URSS et ses réseaux qui, sur ce chapitre au moins, servirent si bien les vues états-uniennes, finalement, avant de finir dans les poubelles de l’Histoire…

En l’an 2010 qui s’est achevé et en l’an 2011 qui commence, l’hypocrisie de l’Etat français et du Système qu’il sécrète (hommes et femmes politiques, intellectuels, universitaires, porte-parole du monde associatif, et dans une moindre mesure journalistes) atteint son paroxysme. Car les thèses communes soutenues par le Mouvement Fusionniste et le Club Novation Franco-Africaine, à savoir le largage néocolonialiste, civilisationnel et raciste de l’Afrique organisé contre la volonté profonde de l’Afrique qui souhaitait, quant à elle, l’unité franco-africaine (et euro-africaine) dans l’égalité, la fraternité et la justice sociale… Ces thèses, parfaitement connues et solidement étayées, ont aujourd’hui gagné entièrement la partie en coulisses.

Dans les hautes sphères politiques françaises et africaines, en dépit des grossiers mensonges que se chargent de soutenir encore publiquement quelques figures de proue du monde intellectuel franco-africain (ces personnes étant évidemment tenues et engagées par les mensonges qu’elles profèrent depuis parfois un demi-siècle de carrière au cœur du Système…), chacun sait que Senghor, Houphouët et Léon Mba, comme Barthélémy Boganda, Diori Hamani ou Sékou Touré et tant d’autres, n’optèrent pour le divorce, à savoir l’indépendance, que parce que la République française les y accula, par son refus de fonder la grande République franco-africaine égalitaire, multiraciale et, de fait, multiconfessionnelle. Au bout de la route, c’est même l’Elysée de Charles de Gaulle qui dynamita et étouffa ce qu’on appela un jour l’Union puis la Communauté française, vouant les anciens territoires africains de l’Afrique à l’exploitation et au sous-développement dans des indépendances fictives aux prodigieuses régressions…

Aujourd’hui, à Paris, c’est-à-dire dans ce qui reste encore malgré tout la capitale du monde franco-africain, dans les milieux africains aussi bien que français, tout le monde sait ce qui s’est passé à l’époque, mais continue de mentir. Cette mécanique nous intoxique, nous détruit, nous broie ? Peu importe, il s’agit surtout de « jouer le jeu », comme me le disait il y a quelques mois, à la sortie d’un colloque, un homme d’un certain âge…

Ainsi, dans ce contexte délétère, l’année 2010 devait être celle du Cinquantenaire des Indépendances africaines et de l’Année de l’Afrique en France.

L’année 2010 fut, au fond sans surprise, l’année du fiasco grotesque du Cinquantenaire des Indépendance africaines, organisé comme une vaste provocation par Jacques Toubon, sur ordre de Nicolas Sarkozy, sixième président de la Ve République blanciste travestie depuis Mitterrand (voire Giscard…) en apôtre du métissage.

En l’an 2010, sous la houlette de la Commission Toubon, dans le sillage du discours de Libreville (24 février 2010) où Sarkozy avait donné le « la » à grand renfort de mensonges, il fut convenu de soutenir la thèse d’une Afrique ayant accédé à l’indépendance parce qu’elle la souhaitait ardemment. La polémique, car il en faut bien une, portant sur la question de savoir jusqu’à quel point le général de Gaulle anticipa sur la demande, ou bien s’il céda sous la pression des foules…

Bien sûr, de telles sornettes défient toute intelligence historique (voir en particulier nos articles sur la Loi 60-525, l’Affaire gabonaise, Aimé Césaire ou Claude Lévi-Strauss). Et dans ce dispositif, le cerveau des uns et des autres, en coulisses, s’effare de plus en plus de l’ampleur de l’hypocrisie, de l’audace dans l’art de mentir. En particulier dans les milieux bien renseignés de la presse française et africaine, on sait parfaitement à quoi s’en tenir. Alors à force, ça suinte. Et prend la forme de documentaires au vitriol, sur Charles de Gaulle ou sur la Françafrique, récemment diffusés sur France Télévision…

Peu à peu, par petites touches, s’esquisse le début de la vérité, malgré le poids énorme de la loi du silence.

Pourtant, comme l’a prouvé le Cinquantenaire des Indépendances africaines, si le mensonge se délite et vacille sur ses fondations vermoulues, il tient encore debout. Le général de Gaulle servant de clef de voûte, d’ailleurs particulièrement renforcé, jour après jour, à grands coups de propagande et d’hagiographie, et ce malgré les (ou en réponse aux) puissantes attaques dont le grand homme fait l’objet en sous-main. Tandis que les Harkis, victimes emblématiques de la cruauté et de la folie gaulliennes en 1962, réclament justice à l’Etat. Nicolas Sarkozy cette fois dans le rôle du parjure.

Répétons-le aux oreilles du grand public : les sphères qui gouvernent la France et l’Afrique savent que l’histoire officielle « bisounours » avec de Gaulle « grand Zorro » est une imposture dont le peuple n’est dupe qu’au prix d’une invraisemblable machination d’ampleur internationale, entre propagande, grossière mythologie et lavage de cerveau. Or ce château de carte va bientôt s’écrouler, tout simplement parce qu’il ne tient plus debout. Et ce grand travail passe, en France et en Afrique francophone, par le déboulonnement de la statue du Commandeur, qui pour l’heure fait encore office de verrou.

C’est pour apporter notre petit tour de clef que Raphaël Tribeca et moi-même avons décidé de publier La République inversée (Ed. L’Harmattan). Histoire, à notre modeste échelle, de tout mettre sur le tapis à mi-chemin, en ce début d’année 2011. Afin d’accompagner et de renforcer, autant que possible, le grand mouvement qui s’ébauche, et devrait conduire à une révolution idéologique, et il faut le croire, politique, d’une ampleur exceptionnelle.

Car après 2011, comme en écho à l’année 2010, mais en plus fort, viendra 2012, Cinquantenaire de l’indépendance algérienne, que doublera l’année présidentielle en France. Tout un programme – Harkis, Africains et autres Français en embuscade…

Bonne année 2011 à tous !

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