Retour de Dadis Camara en Guinée : la justice n’abdique pas


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L’ex-chef de la junte Dadis Camara est arrivé en Guinée samedi pour assister ce dimanche aux funérailles de sa mère décédée récemment à Nzérékoré. Mais la Fédération internationale des droits de l’Homme exige qu’il soit auditionné par les juges sur le dossier des massacres au stade de Conakry, le 28 septembre 2009.

Le retour de Dadis Camara en Guinée est sur toutes les lèvres. L’ex-chef de la junte arrivé au pouvoir par un coup d’Etat suite à la mort du président Lansana Conté est rentré pour assister dimanche aux funérailles de sa maman récemment décédée dans son village natal à Nzérékoré.

Pour la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), Dadis Camara doit être auditionné par la justice dans le dossier judiciaire des massacres commise au stade de Conakry le 28 septembre 2009.

C’est la première fois que le dirigeant déchu rentre dans son pays après la tentative d’assassinat à son encontre en 2009 suite aux violences du stade de Conakry. Il avait ensuite été évacué au Maroc après avoir reçu une balle dans la tête, puis s’est réfugié au Burkina Faso où il était en convalescence.

Son retour en Guinée est donc l’occasion pour la justice guinéenne qui a ouvert une enquête sur les violations des droits de l’Homme commis le 28 septembre 2009 d’avancer sur ce dossier. Même si Dadis Camara n’a pas été mis formellement en cause par la justice de son pays, pour Florent Geel, responsable de la FIDH, contacté par Afrik.com, « il y a suffisamment d’éléments pour l’inculper tout comme l’affirme la Commission internationale des Nations-Unies ».

Lenteurs de la justice

Une commission rogatoire internationale a été émise le 5 avril 2011. Restée sans réponse, une deuxième a été formulée au début l’année 2013. Bien que ce dossier n’ait jamais été enterré, puisque plusieurs juges, accompagnés par la FIDH, sont penchés dessus, il avance trop lentement estime Florent Geel. « «Nous attendons de la justice guinéenne des actes concrets », même s’il reconnait qu’il « est difficile de passer d’une justice totalement inféodée au pouvoir à une justice libre et indépendante en Guinée. »

Trois magistrats sont en charge de ce dossier. Ils ont entendus plus de 300 victimes. Mais à ce jour, seules six personnes, dont deux ministres, ont été inculpées. C’est un pas franchi mais pas suffisant, selon Florent Geel. D’après lui, il est primordial que Dadis Camara réponde de ses actes. S’il ne le fait pas maintenant il devra s’y soumettre tôt ou tard ! » Pour l’humanitaire, « il faut que les Guinéens puissent retrouver confiance en leur justice. Si l’ex-chef de la junte est jugé, son procès servira d’exemple à tous ce qui envisagerait de commettre des violations dans le pays.»

Souvenirs douloureux

En attendant, les Guinéens, eux, n’ont pas oublié les massacres du stade de Conakry. Cette situation de crise est provoqué par Dadis Camara. Après son putsch, il s’engage à ne pas se représenter à l’élection présidentielle. Promesse non tenu, puisqu’il exprime finalement son intention de se présenter, déclenchant dans le pays une importante mobilisation de la société civile et des partis politiques d’opposition.

Le 28 septembre 2009 des milliers de personnes convergent au stade de Conakry pour protester contre la candidature de l’ex-chef de la junte. Des éléments de l’armée présidentielle, surtout ceux de la garde présidentielle, les bérets rouge, pénètrent dans l’enceinte et ouvre le feu sur la foule. L’horreur est à son paroxysme. Ils tirent des coups de feu au hasard. Ils tuent. Ils lynchent. Ils torturent. Ils violent. Ils pillent des dizaines de boutiques. Au total, plus de 150 personnes périssent dans ces massacres. Plusieurs centaines de manifestants sont grièvement blessés. Aujourd’hui encore de nombreuses victimes de ces violences sont portées disparues.

De son côté l’ex-chef de la junte, lui, ne se rendra sans doute pas à Conakry. Il a prévu de s’envoler directement au Burkina Faso après les funérailles de sa maman. Même s’il a affirmé qu’il ne craignait pas d’être auditionné par la justice, il ne se s’aventurera pas sur ce terrain. Il sait qu’il risque gros.

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