Quatre propositions pour un boom énergétique en Afrique


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La moitié des personnes dans le monde vivant sans électricité résident en Afrique. En Afrique subsaharienne, on compte 600 millions de personnes sans accès à l’électricité. La capacité électrique installée dans toute l’Afrique subsaharienne, hors Afrique du Sud, ne dépasse pas les 28 000 mégawatts, ce qui est égal à la capacité de la seule Argentine.

Le plus déconcertant est que malgré l’attention soutenue accordée par de nombreuses parties prenantes à relever ce défi, le nombre de personnes sans électricité a augmenté depuis 2000 dans 37 pays d’Afrique subsaharienne car leurs populations augmentent plus vite que les efforts d’électrification. Un quart de la capacité de production électrique existante de l’Afrique est inopérante en raison du vieillissement et du mauvais entretien des réseaux.

Le manque d’énergie fiable en sur le continent coûte des vies : 730 millions de personnes en Afrique subsaharienne chauffent leurs maisons et font la cuisine en utilisant des combustibles traditionnels comme le bois, le charbon de bois, et d’autres types de biomasse. Des études ont montré que l’inhalation de la fumée et leurs émanations est à l’origine d’environ quatre millions de décès par an, principalement parmi les femmes et les enfants, soit plus de décès que ceux générés par le paludisme et le VIH/sida combinés.

Nous avons du capital à déployer, mais en raison de la politique du gouvernement, le non-paiement des accords de prélèvement, la faiblesse de l’infrastructure de transmission et d’autres lacunes, nous avons dû mettre en attente nos projets

Les conséquences du déficit énergétique peuvent être répertoriés dans plusieurs secteurs – de la santé à l’éducation – et surtout celui de l’entrepreneuriat qui, dans son effort à transformer les rêves en réalité, est handicapé par les coûts exorbitants de l’électricité. L’augmentation de l’offre d’électricité pourrait contribuer à surmonter la crise actuelle de l’emploi des jeunes en Afrique. Si les industries africaines pouvaient fonctionner à pleine capacité et relever le défi de la concurrence mondiale, des dizaines de millions de nouveaux emplois seraient créés à travers le continent. En outre, le secteur de l’énergie lui-même peut générer 3 millions de nouveaux emplois. La taille et la portée du défi auquel nous sommes confrontés est clair : tout ce qui a été fait dans le passé pour électrifier le continent est insuffisant. Nous avons besoin de nouveaux acteurs, de nouveaux partenariats, de nouvelles politiques et de nouvelles plateformes pour réussir.

Ma conviction est que le secteur privé doit faire partie intégrante de l’avenir énergétique de l’Afrique. Pour traiter ce problème, on a besoin d’abord de construire 7 000 MW de nouvelle capacité de production, soit 7 fois la moyenne annuelle construite sur les 10 dernières années, ce qui équivaut à 300 milliards de dollars en investissements si l’Afrique subsaharienne veut atteindre l’objectif de l’accès universel à l’électricité d’ici à 2030. Seul le secteur privé a la capacité d’investir à une telle échelle sur une période de temps prolongée. En tant qu’investisseur dans le secteur de l’énergie, il y a un certain nombre de points pratiques que je voudrais souligner.

D’abord, comme on peut le voir à partir de notre expérience de l’alimentation électrique de Transcorp, le capital n’est pas un problème. Nous avons du capital à déployer, mais en raison de la politique du gouvernement, le non-paiement des accords de prélèvement, la faiblesse de l’infrastructure de transmission et d’autres lacunes, nous avons dû mettre en attente nos projets. C’est aussi le cas de nombreux autres investisseurs comme moi. Si les cadres institutionnels s’améliorent, le capital suivra. Plus important encore, le succès engendre le succès et d’autres investisseurs suivront.

Deuxièmement, compte tenu de l’ampleur du déficit énergétique, nous ne pouvons pas mettre trop l’accent sur les énergies renouvelables, par opposition à d’autres sources de production d’énergie traditionnelles. L’Afrique a la chance d’avoir des sources abondantes en énergies renouvelables et non-renouvelables. Nous devons donc utiliser les deux suivant nos besoins. Alors que l’Afrique contribue à moins de 2% des émissions mondiales de carbone, il n’est pas nécessaire de pousser l’Afrique vers une voie de développement à faible carbone compte tenu du coût social et économique de l’insuffisance d’alimentation énergétique. Toute solution et toute plateforme pour combler le déficit énergétique africain doit inclure tous les types de production d’énergie si nous voulons vraiment obtenir un impact à l’échelle requise.

La BAD fournit une plateforme panafricaine unique et puissante de mobilisation de fonds qui peut être mise à profit pour plus d’impact à travers toute l’Afrique

Troisièmement, nous avons besoin de moins d’ingérence politique dans le secteur de l’énergie. Lors des premiers jours de la libéralisation des télécommunications en Afrique, la plupart des gouvernements n’ont pas imposé des tarifs contrôlés. Alors que les coûts ont été initialement exorbitants. Au fil du temps les forces du marché ont conduit à un ajustement de sorte que, par exemple, au lieu de payer de grosses sommes pour les cartes SIM, elles sont maintenant distribuées gratuitement. Le secteur de l’énergie devrait être réformé avec une approche similaire.

Quatrièmement, et finalement, je demande à la Banque africaine de développement de jouer un rôle plus important dans le secteur de l’énergie de l’Afrique via l’apport de capital. La BAD fournit une plateforme panafricaine unique et puissante de mobilisation de fonds qui peut être mise à profit pour plus d’impact à travers toute l’Afrique.

La ligne de fond est que des centaines de millions d’Africains ont besoin que l’on fasse tous plus d’efforts s’ils souhaitent avoir un accès régulier à l’électricité durant toute leur vie. Et il faudra un effort concerté du gouvernement, des entreprises, des organisations internationales et les ONG pour y arriver.

Les obstacles au développement du secteur de l’énergie en Afrique ne sont pas dus seulement au manque de capital et de compétences, mais à un manque de volonté politique. Les leaders publics doivent être prêts à faire des choix difficiles, et apprendre des processus de privatisation et de libéralisation ayant réussi dans le passé.

Nous avons tous besoin de travailler ensemble, indépendamment du fait que nous soyons dans le secteur privé, public et social, et indépendamment du type de voie de développement que nous croyons être la meilleure pour l’Afrique.

Tony O. Elumelu, C.O.N, Président du Heritiers Holdings Limited, Transcorp PLC et fondateur de la Fondation Tony Elumelu. (Extraits).

Article publié en collaboration avec Libre Afrique

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