Pourquoi les parlements africains sont-ils inefficaces ?


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Les Parlements en Afrique sont des espoirs démocratiques, des contre-pouvoirs nécessaires. Pourquoi sont-ils tellement inefficaces ?

Dans son article, Narcisse OREDJE, s’inquiète des dysfonctionnements des Parlements africains : absentéisme, improductivité, incompétence, opportunisme, corruption. L’exposé est affligeant ! Rajoutons à cela le terreau ethnique et la presse politisée… Il ne reste pas beaucoup d’espoir.

Surfacturation de l’entretien de 200 véhicules des parlementaires sénégalais ; détournement d’environ 1,965 milliards d’Ariary à Madagascar ; sénat budgétivore et inutile au Sénégal, etc. Ces dysfonctionnements mettent à mal les parlements africains, tribunes d’expression des peuples. Mais face aux différentes crises que traversent l’Afrique et face à ces dysfonctionnements préjudiciables aux citoyens, doit-on pointer du doigt les seuls parlements?

Absentéisme

Sur 217 députés que compte le parlement tunisien, seuls trois ont pris part à toutes les sessions selon le rapport d’octobre 2016 de l’ONG Al-Bawsala qui veille sur la transparence politique, les travaux législatif et exécutif. Malheureusement, l’assiduité et l’absentéisme des députés sont encouragés par l’ambigüité et la contradiction des textes, d’une part, et le manque de dévouement des députés eux-mêmes d’autre part. Au Burkina Faso, par exemple, la présence des élus aux plénières est obligatoire selon le règlement intérieur, mais les mêmes textes autorisent les votes par délégation, ce qui incite à l’absentéisme des élus et rend difficile de sanctionner les absents.

Improductivité

La productivité des députés est un autre problème puisqu’une fois élus, ils prennent leurs postes pour acquis et pensent qu’ils ne doivent rendre compte à personne. Ils ne proposent rien ou presque, et même quand des propositions de lois sont faites par l’exécutif, ils ne prennent pas la peine de les étudier. C’est le cas du code pastoral au Tchad en 2014. Ce problème de productivité s’explique aussi par le cumul de fonctions. Au Burkina Faso, par exemple, l’incompatibilité du mandat parlementaire avec d’autres fonctions ne touche que les fonctions publiques ou parapubliques. Or, beaucoup de députés sont des hommes d’affaires ou des chefs d’entreprises toujours occupés. Ce cumul empêche les élus de se concentrer sur leurs missions parlementaires ce qui compromet leur productivité.

Incompétence

Autre problème, les députés ne s’investissent pas dans les débats qui précèdent les votes par manque de motivation ou de compétences. Quand c’est pour le peuple qu’il faut agir, peu de députés sont prêts à le faire parce qu’ils sont soit des hommes d’affaires qui agissent pour leurs compte ou de simples vautours qui visent les avantages qu’offre le poste. Il y a aussi la question des compétences. En Côte d’Ivoire, les articles 70 et 71 du code électoral qui définissent l’éligibilité des candidats à la députation ne parlent aucunement du niveau d’instruction des futurs députés. Ceci laisse libre champ aux personnes peu compétentes d’accéder à des responsabilités sans les qualifications requises.

Opportunisme

Les récentes sénatoriales en Côte d’Ivoire montrent qu’en Afrique, les représentants des citoyens sont beaucoup plus des pions parrainés par des hauts cadres politiques ou du monde des affaires qui souhaitent contrôler la scène politique. Sur soixante six sièges, la coalition menée par le pouvoir en a remporté cinquante. En sus, 33 autres sénateurs seront nommés directement par le président Ouattara, ce qui lui donne une mainmise absolue sur l’institution. Pour ce genre de représentants, l’intérêt du peuple devrait passer après celui du parrain. La minorité opposante est considérée comme ennemi, donc toutes ses propositions seront annihilées quelle que soit leur pertinence. C’est le cas en RDC où Aubin Minaku, président de l’Assemblée Nationale, cadre de la majorité présidentielle, bloque toutes les initiatives de l’opposition laissant seulement celles de son groupe parlementaire.

En septembre 2016, au Mali cette fois, quatre députés du RPM du président IBK ont rejoint l’ADP Maliba, qui a lui aussi quitté la majorité présidentielle. S’ils déplorent la politique de IBK qui ne répond plus à leurs aspirations, le fait qu’ils aient rallié le parti de Aliou Diallo, principal soutien financier de la campagne de IBK, laisse entrevoir des zones d’ombres. Ces députés visent de nombreux avantages que peut offrir le parti de l’homme d’affaires qui, à son tour, orchestre ces défections pour affaiblir le camp d’IBK. Ces députés renforcent ainsi ses prétentions présidentielles. Plusieurs Assemblées Nationales souffrent de cette transhumance parlementaire. Si les pays comme le Maroc, ont entamé un combat contre cette pratique, la majorité des pays africains n’y arrivent pas. Les textes prévoient généralement la destitution du député transhumant mais l’ambigüité des textes empêche leur application.

Corruption

L’autre problème majeur est la corruption. En juillet 2017, les députés de la RD Congo ont reçu chacun environ 31.000 dollars en guise de primes de départ à la fin de leur mandat. Mais presque une année après, ils continuent à légiférer en toute quiétude et refusent en plus de rembourser la somme perçue. Comme en RDC, beaucoup de parlements sont confrontés à ce genre de détournement de fonds mais dans l’ensemble, les députés cherchent par tous les moyens à récupérer leur argent dépensé lors des campagnes puisque les campagnes sont financées de leurs poches ou grâces à des parrains. Il faut reconnaître que les règlements intérieurs ne suffisent pas et la justice est confrontée à l’immunité parlementaire. Les commissions de contrôle financier présentes dans les tous les parlements, souffrent de laxisme et favoritisme laissant libre cour aux comportements vicieux.

Passivité des autres parties prenantes

Les citoyens ont leur part de responsabilité quand il s’agit de la compétence et du caractère véreux des hommes qu’ils choisissent pour les représenter. Les électeurs africains ont tendance à élire les candidats qui appartiennent à leurs clans ou groupes ethniques sans s’intéresser à leurs programmes politiques. Et puisque beaucoup d’électeurs demeurent moins instruits ou ignorent simplement l’importance des législatives dans la vie de leurs Etats, ils ne savent pas qui, parmi les candidats, incarne au mieux leurs aspirations. Quant aux citoyens les plus avertis, ils se demandent à quoi sert de voter si les résultats sont connus d’avance. Les candidats à la députation profitent de cette ignorance et/ou résignation pour manipuler les électeurs.

Les médias et la société civile quant à eux ont une responsabilité importante. Investis d’une mission d’éveilleurs de conscience, ils se laissent entrainer dans le jeu politique et se mettent aux services des politiciens. Ils manipulent l’information et livrent aux citoyens de fausses promesses et mensonges qui permettent aux politiciens de se positionner comme des saints sauveurs aux yeux de la population.

En somme, les dysfonctionnements dans les parlements africains sont nombreux et s’ils sont liés à la personnalité des élus, il faut aussi admettre que les règles du jeux qui gouvernent la vie politique expliquent en grande partie la crise de confiance qui oppose le parlementaire africain à son électorat.

Narcisse OREDJE, blogueur tchadien.

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