Darfour : l’ancienne porte-parole de la MINUAD fustige la mission


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Aïcha El Basri, ancienne porte-parole de la mission des Nations-unies au Soudan accuse notamment la MINUAD de « complicité coupable ».

Après l’expulsion de la représentante du Fond des Nations-Unies pour les Populations mercredi, l’ONU voit une nouvelle fois ses actions au Soudan remises en question. L’ancienne porte-parole de la mission de maintien de la paix de l’ONU et de l’Union Africaine au Darfour (MINUAD), Aïcha El Basri, a dénoncé mercredi l’absence de sérieux des opérations et fait part de ses critiques, acerbes, dans une interview accordée à la BBC.

« J’ai décidé de remettre le problème aux mains du public en partageant des documents qui prouvent ce que les Nations-Unies ont fait et comment elles mentent », a-t-elle expliqué. Aïcha Basri aurait en effet décidé de parler après que l’ONU ait ignoré ses appels à lancer une enquête sur les opérations au Darfour. Selon elle, la MINUAD éviterait les « rapports honnêtes sur les évènements » parce que cela révèlerait la « faiblesse et l’échec de la mission ».

« Les civils ont été abattus devant la MINUAD »

« La MINUAD a observé le gouvernement soudanais et les milices alliées attaquer, brûler et bombarder des villages et des camps de déplacés. Cependant, ces observations n’ont jamais été reportées publiquement. Le Conseil de Sécurité savait aussi que la mission n’avait pas la capacité de protéger les deux millions de déplacés au Darfour ».
L’ancienne porte parole de l’ONU dénonce ainsi le fait que les « Casques bleus n’ont pas réussi à protéger les civils dans la région du Darfour, au Soudan, même quand ils ont été abattus devant eux ».
A l’exemple de cet épisode de septembre dernier, où les Casques bleus auraient « regardé le groupe de la milice pro-gouvernementale Janjaweed, mener une attaque sur des civils voyageant dans un camion, mais ne seraient pas intervenus ». « Dans de nombreux cas, les civils ont été abattus devant la MINUAD », déplore-t-elle.

Une « conspiration du silence »

Un culte du secret qu’elle qualifie de « conspiration du silence », et qui irait au-delà de la seule mission au Soudan. « La conspiration du silence est plus grande que la MINUAD. Elle comprend tout le système jusqu’à Ban Ki-moon ». Le secrétaire général de l’ONU aurait en effet, selon elle, failli à sa mission de reporter les 106 bombardements de villages opérés par les troupes gouvernementales en 2012.

Aïcha Basri, qui a quitté ses fonctions l’année dernière, a également tenu à expliquer les raisons qui l’ont conduite à donner sa démission : « Je me sentais honteuse d’être la porte-parole d’une mission qui ne peut pas protéger les civils, et qui n’arrête pas de mentir à propos de ça ».

« Les forces onusiennes effectuent un travail courageux »

Réagissant aux dires de l’ancienne porte-parole, le chef des missions de paix à l’ONU, Hervé Ladsous, a démenti en bloc ces allégations, soutenant que les forces onusiennes effectuent un « travail courageux », alors qu’elles opèrent dans un « environnement très difficile ».
« Oui, il y a eu des incidents, certains d’entre eux dramatiques, certains d’entre eux choquants. Mais tous ont été étudiés au meilleur de notre capacité », a-t-il déclaré. Hervé Ladsous a également ajouté que les Nations-Unies ont lancé une revue stratégique sur le Darfour pour résoudre les problèmes de la mission de paix.

Le conflit au Darfour a fait plus 300 000 morts depuis 2003, date à laquelle les rebelles ont pris les armes contre le gouvernement. L’ONU y dépêche actuellement une force d’environ 19 000 soldats.
Le mois dernier, les Nations-unies avaient fait part d’ une recrudescence de la violence, avec environ 50 000 personnes déplacées depuis la fin février.

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