Centrafrique : « Bozizé n’a pas respecté les accords de Libreville »


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A la suite du coup d’Etat du Séléka, le président centrafricain François Bozizé s’est réfugié au Cameroun. La rébellion lui reproche de ne pas avoir respecté les accords de Libreville (Gabon). Lydie Boka, Directrice de l’agence d’analyse de risques StrategiCo, explique à Afrik.com pourquoi les alliés historiques de Bozizé ont laissé les rebelles renverser l’ancien putschiste. Interview.

Afrik.com : Un coup d’Etat en trois mois, c’est rapide. Comment on explique un tel renversement ?

Lydie Boka :
Bozizé est lui-même arrivé au pouvoir par la force, en 2003. Il a été aidé par plusieurs groupes rebelles. Il leur avait fait des promesses qu’il n’a pas tenues. Son renversement n’est pas surprenant, puisque en dix ans d’exercice, il a verrouillé l’appareil de l’Etat, en nommant ses proches dans l’administration. Son fils, par exemple, était ministre délégué à la Défense et, sa femme a remporté les élections législatives. Son neveu, à un moment surnommé « Demi-Dieu » a été ministre des Mines puis ministre des Finances avant d’être limogé en juin 2012 parce que ça commençait à sentir le roussi pour Bozizé.
Le régime Bozizé ne tenait plus. Sa garde présidentielle était essentiellement composée des militaires tchadiens jusqu’en octobre, lorsqu’ils sont soudainement rentrés au Tchad, signes qu’il y avait de l’eau dans le gaz. Ce qui a augmenté le risque de coup d’Etat.

Afrik.com : Pourquoi le Séléka a repris les armes après les accords de Libreville ?

Lydie Boka :
L’habitude de Bozizé était de tromper tout le monde. Les accords de Libreville prévoyaient de former un gouvernement d’union nationale. Mais, il a adjoint des ministres délégués à chaque ministre du Séléka, pour ainsi continuer à avoir la mainmise du pouvoir. Bozizé a, par ailleurs, continué les exactions contre les Rounga et les Goula, l’ethnie dont fait partie une partie de la rébellion.

Afrik.com : C’est pour cela que les alliés historiques de Bozizé ont laissé les rebelles du Séléka franchir la ligne rouge fixée à Damara ?

Lydie Boka :
Les Etats de l’Afrique centrale, exemple le Tchad, son allié de toujours, avaient donné une seconde chance à Bozizé en constituant justement une ligne rouge à Damara, à 75 kilomètres de Bangui, pour empêcher les rebelles de prendre la capitale centrafricaine. Cette fois-ci, les pays voisins de la Centrafrique ont laissé le Séléka renverser Bozizé. Le président tchadien, Idriss Déby, est fatigué de faire la conciliation entre la rébellion et Bozizé. D’autant plus que le président centrafricain n’a pas respecté les accords de Libreville. Aux yeux de ses alliés, il apparaissait comme quelqu’un qui ne maîtrise pas la situation.

Afrik.com : Parce que la situation était devenue intenable ?

Lydie Boka :
Oui. En 10 ans, chaque année il y avait des rébellions. La situation était ainsi devenue intenable. Bozizé prenait des décisions brutales, n’était pas très diplomate avec les organisations internationales…

Afrik.com : Il n’avait donc pas d’autres choix que la fuite. Est-ce possible qu’il revienne un jour dans la vie politique centrafricaine ?

Lydie Boka :
Bozizé s’est réfugié au Cameroun. La présidence camerounaise vient d’ailleurs de confirmer cette information. Il ne va pas revenir tout de suite. Sa chute, c’est quelque chose qu’on voyait venir depuis longtemps. Je ne pense pas qu’il puisse rassembler suffisamment d’hommes pour tenter un contre-coup d’Etat. S’il revient, ce serait en tant que homme politique mais pas comme putschiste. Pour ce faire, il faudra qu’il bénéficie de l’appui de ses voisins. Ce qui n’est pas le cas.

Afrik.com : Le Séléka a nommé Michel Djotodia comme président par intérim. Qui est-il ? Est-ce l’homme de la situation ? Que pensez-vous de lui ?

Lydie Boka :
C’est le chef des rebelles. Ils lui obéissent tous. On sait que c’est un ancien fonctionnaire et un ex-diplomate. Il a servi au Darfour. Il est originaire de Birao (Nord-Est), une région assez dépeuplée de la Centrafrique. Pour le moment, c’est l’homme de la situation. Il dit vouloir respecter les accords de Libreville qui prévoient notamment l’organisation des élections dans trois ans.

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