Burkina Faso : à la rencontre du grand féticheur Hema Baadê


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Hema Baadê est féticheur basé au Burkina Faso. Dans cet entretien accordé Afrik.com, il nous parle de ses fétiches et de ses engagements.

Né à Niangoloko, en pays Gouin, une commune de 50 000 habitants située à 500 km de Ouagadougou, capitale politique burkinabè, Hema Baadê est féticheur. Baadê, en dialecte Gouin, veut dire « les hommes rendent le bien par le mal ». Il évoque ses fétiches et ses engagements. Interview en dioula retranscrite en français.

Afrik.com : Que représentent les fétiches pour vous ?

Hema Baadê :
Les fétiches représentent un grand honneur légué par nos grands-parents, ils nous apportent santé, bonheur, joie et solutions à nos problèmes.

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Afrik.com : Comment et quand se passe le cérémonial d’adoration ?

Hema Baadê :
Les adorations se tiennent chaque fin d’année, avant de commencer à cultiver, on les adore pour qu’ ils nous bénissent. On contracte des dettes (des engagements) pour des projets qui nous tiennent à cœur, si nous obtenons des résultats, nous revenons les remercier avec des cadeaux.

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Afrik.com : Pourquoi vous les adorez à la fin de l’année ?

Hema Baadê :
C’est ce que nos grands-parents faisaient, donc nous suivons cette logique. Par contre, on peut les adorer lorsqu’il y a des cas exceptionnels, quand le village risque de subir un malheur. On prend alors une dette tout en promettant quelque chose en retour. Si nous obtenons de bons résultats, alors on vient remettre comme promis la dette, en présence des vieillards du village.

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Afrik.com: Comment savoir qu’un malheur va frapper le village ?

Hema Baadê :
Lorsqu’un malheur doit arriver, au coucher de la nuit, un oiseau qu’on appelle Gouin-Gouin viendra m’informer. Une fois qu’il m’a informé, je sors lui assurer que j’ai bien pris note. Le matin je consulte les cauris et fétiches pour savoir de quoi il s’agit exactement. Ensuite, je fais des sacrifices.

Afrik.com : Comment parvenez-vous à déchiffrer le langage d’un oiseau ?

Hema Baadê :
Il y a un travail d’initiation à faire d’abord. Une fois initié, on te montre la voie à suivre et après cet exercice tu verras dans l’autre monde. L’ensemble des rites et des apprentissages est complexe. Le manteau rouge par exemple que je porte pour certains actes est un manteau qui confère une certaine puissance.

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Afrik.com : Vous êtes en ce moment chef dozos à Niangoloko, comment tout le village a-t-il pu faire ce choix ?

Hema Baadê :
J’ai grandi ici, j’ai vécu mon enfance ici, je me suis marié ici. Ce sont les vieux du village, après concertation, qui m’ont hissé à ce rang. C’est qu’ils m’ont donné leur confiance. Etre Dozo sous-entend que tu sois honnête. Du doit être droit comme l’intérieur du canon d’un fusil. Mais je ne dis pas que je suis droit, ce sont les vieux qui ont fait leur choix.

Afrik.com : Vous avez capturé un génie il y a quelques années, pourriez-vous nous raconter cet événement ?

Hema Baadê :
Ça s’est passé en Côte d’Ivoire. Je suis chef dozos là-bas également, j’ai de la terre que je cultive avec mes frères qui y sont aussi. Avant même le début de la crise ivoirienne, un génie faisait des dégâts sur l’autoroute du nord, renversant des camions. Souvent même, il se presentait comme un gros serpent. Ce génie buvait du sang humain. J’ai alors demandé à des frères dozos d’aller sur la voirie et d’assurer la sécurité. A une heure tardive sur l’autoroute, ils contrôlaient tous les passages. Tous les passants devaient exprimer leur destination, sinon ils étaient retenus jusqu’au matin, et au matin ils reprenaient leur chemin. Un soir ils ont contrôlé un homme qui était différent des autres (notamment par sa petite taille) et aussi parce que lorsqu’ils ont éclairé son visage avec une torche pour l’identifier, toute sa peau brillait comme des jeux de lumière. Personne ne pouvait voir son visage, ni l’approcher. Ils m’ont donc fait appeler après avoir essayé tout ce qu’ils avaient comme pouvoirs mystiques eux-mêmes.
J’étais à la maison, je me suis alors levé avec un de mes frères, puis je suis rentré d’abord consulter mes fétiches comme il est de coutume. Une fois sur les lieux, j’ai demandé à mon frère de s’arrêter à côté et quand je me suis approché de lui toute la lumière que reflétait sa peau s’est affaiblie. Je l’ai alors saisi et lui enlevé tout ce qu’il avait sur lui.

Afrik.com : Quand vous vous êtes approché pour le capturer, n’a -t-il pas essayé de s’échapper ?

Hema Baadê :
Il ne pouvait pas, je ne suis pas sorti de la maison les mains « vides » … Il a essayé de se débattre, mais n’y arrivait pas. Il nous a demandé lui de ne pas lui faire de mal … Il pouvait se transformer en tout ce qu’il voulait.

Afrik.com : Quelle langue parlait-il ?

Hema Baadê :
Il parlait toutes les langues, si tu lui parlais anglais, il te répondait, en français et même en dioula. Mais nous avons parlé dioula ce jour-là. Quand je me retournais pour parler en Gouin avec mon frère, il nous répondait.

Afrik.com: Quand vous ne serez plus de ce monde, comment se fera votre succession ?

Hema Baadê :
Les fétiches vont par eux-mêmes faire leur choix.

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Afrik.com :Ont-ils des noms et que recommandent-ils lorsqu’une personne vient avec un problème?

Hema Baadê :
Ils ont des noms, mais ça reste un secret pour moi. Quand une personne se présente avec un problème, selon le rôle de chaque fétiche, j’appelle le nom du fétiche qui va se charger de la résolution du problème posé. Puis je demande s’ils pourront avoir la force nécessaire pour résoudre ce problème. Chaque fétiche à son rôle. Certains ne font que des miracles : guérisseurs de maladie, anti-sorcellerie… Lorsque la personne présente le problème, en fait ça dépend du problème, et si le problème est très difficile à résoudre, on réclame souvent un bœuf, un mouton, une chèvre ou un poulet. Certains même viennent pour demander à ce que les fétiches les aident à améliorer leurs conditions de vie…

Afrik.com : Combien de problèmes avez vous pu résoudre ?

Hema Baadê :
Si je dois citer tous ceux que j’ai pu aider… On risque de passer la nuit ici.

Afrik.com : Les gens croient-ils en ces fétiches et à leur action ?

Hema Baadê :
Tant que tu n’as pas de problème, tu ne peux pas croire en ces fétiches. Vous voyez, il y a des gens qui ne croient pas à certaines choses comme les fétiches… Mais c’est qu’il n’ont jamais eu à les solliciter. Autrement, ils n’en douteraient pas.

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Afrik.com: On a remarqué que la porte de la case des fétiches reste ouverte tout le temps, de jour comme de nuit. Pourquoi cela ?

Hema Baadê :
Ce n’est pas compliqué… Une bonne chose se présente toujours. Si tu entends dire qu’on a volé un fétiche, c’est que ce n’est pas un bon fétiche. Ce qui est ici, moi je ne peux pas l’enfermer. Celui qui en a besoin qu’il vienne chercher… Même chez moi à la maison, ma porte reste toujours ouverte.

Afrik.com: Un mot pour terminer…

Hema Baadê :
Si j’ai un message à lancer, c’est simplement de dire que celui qui a des pouvoirs doit les montrer à la face du monde. Je rends grâce à Dieu pour cette faveur. Les féticheurs sont certes nombreux, mais on se connait entre nous. Je prie pour la paix , la cohésion dans la société.

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