L’Espagne dresse un plan Afrique contre l’immigration illégale


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Après avoir fermé la porte nord marocaine aux migrants illégaux, le gouvernement espagnol a adopté, vendredi, un plan diplomatique visant à multiplier les accords de réadmission avec les pays ouest-africains. Une ambassade va être ouverte au Mali, au Cap-Vert et au Soudan, et six officines installées dans des pays migratoires « chauds », en relation directe avec un ambassadeur spécial établi à Dakar.

Les autorités espagnoles et marocaines avaient privilégié la manière forte, en octobre dernier, pour repousser les assauts des migrants illégaux sur les enclaves de Ceuta et Melilla. Résultat : seize morts (les ONG attendent toujours l’enquête internationale décidée par la Commission européenne) et des migrants déportés dans le désert. Pour calmer les ardeurs de ceux qui n’auraient pas compris, les deux pays ont creusé un fossé de trois mètres de profondeur à leur frontière, renforcé d’un « système de câbles et de barbelés visant à empêcher tout passage à l’aide d’échelles », explique Brigitte Espuche, chargée des relations extérieures de l’APDHA (Asociacion pro derechos humanos de Andalucia). Le bruit a couru qu’il était de plus en plus difficile de passer par le Maroc » et depuis mars dernier, c’est en pateras[[<*>Petites embarcations]], depuis la Mauritanie, voire du Sénégal, que les migrants tentent de rallier l’Europe, via les Canaries. 7 384 arrivées clandestines ont déjà été enregistrées depuis janvier, contre une « record » de 9 929, atteint en une année, en 2002, et un nombre de morts impossible à chiffrer.

Vendredi, en plus d’un renforcement de la surveillance maritime, aérienne et satellitaire au large du Sénégal et de la Mauritanie, les autorités espagnoles ont dressé un « plan Afrique » axé sur la diplomatie. Son but : multiplier les accords de réadmission avec les pays d’origine des migrants clandestins. « L’Espagne avait déjà essayé d’obtenir de tels accords lors des évènements de Ceuta et Melilla, notamment avec la Côte d’Ivoire, qui figure pourtant sur la liste des pays ‘non sûrs’ », se souvient Brigitte Espuche.

« Qu’ils me les renvoient »

Pour expulser un migrant clandestin, les autorités d’un pays doivent obligatoirement obtenir un « laissez-passer » consulaire de son pays d’origine, si tant est qu’elles le connaissent. L’enjeu donne lieu à d’intenses tractations et pressions diplomatiques. En juillet 2005, Claudia Charles, du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés, France), rappelait à Afrik que « le Conseil de l’Union européenne, réuni à Séville en juin 2002, avait proposé de sanctionner les Etats qui ne collaborent pas ». Par exemple en réduisant le nombre de visas attribués à leurs ressortissants. Le taux de reconnaissance de leurs ressortissants illégaux en France (hors Paris) par les consulats maliens est ainsi passé de moins de 20% en 2002 à 85% après la visite du ministre de l’Intérieur français à Bamako, en février 2003 », selon un employé de la Cimade (Service oecuménique d’entraide) contacté par Afrik.

Madrid dispose déjà d’accords de réadmission avec le Nigeria, le Maroc, l’Algérie ou encore la Mauritanie, indique le quotidien espagnol El Pais. Vendredi, le gouvernement espagnol a décidé en Conseil des ministres d’ouvrir une ambassade au Mali, au Cap-Vert et au Soudan, et d’envoyer un ambassadeur spécial à Dakar, Miguel Angel Mazarambroz, chargé des questions d’immigration. Il chapotera durant « trois à six mois » une mission chargée de multiplier les accords de rapatriement avec six « pays chauds » d’émigration : le Sénégal, le Niger, la Gambie, la Guinée Bissau, la Guinée Conakry et le Cap-Vert, où des officines seront installées.

« Qu’ils me les renvoient, mais qu’ils me donnent aussi des champs », a répondu le Président de la République sénégalaise dans l’hebdomadaire français le Journal du dimanche. Pour garder ses « richesses » en Afrique, Abdoulaye Wade souhaite développer l’agriculture, comme cela a été fait avec succès, selon lui, avec les migrants rapatriés du nord du Maroc au Sénégal à l’automne dernier. Selon l’idée qu’il s’en fait, il estime le prix de chaque plantation « entre 62 et 92 000 euros ». Mais « plus que de l’argent », le chef de l’Etat préfère obtenir du « matériel de seconde main de l’Union européenne ».

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