Le flux des réfugiés togolais recule au Bénin


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Rafik Saïdi

Le nombre de Togolais exilés au Bénin et au Ghana à cause de la crise politique avoisine respectivement 18 000 et 14 000 personnes, selon le Haut commissariat aux réfugiés (HCR). Au Bénin, leur affluence a fortement baissé, passant de 1 500 arrivées par jour « au plus fort de la crise », à une centaine avec le retour au calme. Rafik Saïdi, responsable régional du HCR pour l’Afrique de l’Ouest, dresse un bilan de la situation sur le terrain.

Le flux des réfugiés togolais baisse au Bénin et au Ghana. C’est le constat du Haut commissariat aux réfugiés (HCR). « Au plus fort de la crise » politique qui secoue le Togo depuis les élections d’avril dernier, quelque 1 500 personnes par jour arrivaient dans les camps de réfugiés béninois de l’agence humanitaire des Nations Unies, contre une centaine à l’heure actuelle. Peut-être est-ce l’effet du retour au calme relatif. Les exilés se rendent principalement au Bénin et au Ghana, où le HCR compte respectivement 18 000 et 14 000 personnes. Rafik Saïdi, responsable régional de l’agence onusienne pour l’Afrique de l’Ouest, revient sur le quotidien des hommes, femmes et enfants qui ont quitté leur pays pour se rendre au Bénin.

Afrik.com : Combien y a-t-il de réfugiés au Bénin et au Ghana ?

Rafik Saïdi :
Dimanche, nous comptions 17 817 réfugiés au Bénin et environ 14 000 au Ghana. Au Ghana, il n’y a pas encore de camp et la plupart des réfugiés sont installés dans des paroisses, des écoles, chez des amis… Au Bénin, il y a un camp à Comé qui est arrivé à saturation et où environ 1 500 personnes sont prises en charge. L’autre camp est situé à Lokossa.

Afrik.com : Avez-vous eu vent de la présence de réfugiés togolais dans d’autres pays que le Bénin et le Ghana ?

Rafik Saïdi :
Un très petit nombre de togolais se sont rendus au Burkina Faso. Mais les proportions sont vraiment infimes.

Afrik.com : Comment les gens arrivent-ils dans les camps béninois ?

Rafik Saïdi :
Les gens y arrivent après être passés par le camp de transit d’Hillacondji, où ils reçoivent les premiers soins de secours. Après cette étape, nous les acheminons vers les camps ou chez des amis ou de la famille s’ils le désirent.

Afrik.com : Donc tous ne vivent pas dans les camps ?

Rafik Saïdi :
Un peu plus de la moitié des réfugiés vivent chez des amis, de la famille ou des familles d’accueil. C’est une situation qui ressemble à celle que nous avons connue lors de la crise de 1992/1993 où 200 000 personnes avaient fui le Togo. Cela s’explique par la proximité des deux pays qui fait que les gens ont des proches d’un côté ou de l’autre de la frontière, mais aussi parce que le peuple béninois fait preuve d’une très grande hospitalité. Nous aidons d’ailleurs les familles d’accueil à gérer l’arrivée des réfugiés chez eux, car ils arrivent parfois par famille de six ou sept personnes, voire plus. Et ce n’est pas facile de les nourrir. Il faut noter aussi que certains réfugiés qui logent chez des amis ou de la famille viennent au camp pour ne pas avoir à rester trop longtemps chez leurs hôtes.

Afrik.com : Comment analyseriez-vous le flux des réfugiés depuis le début de la crise ?

Rafik Saïdi :
Depuis le début de la crise, le mouvement est allé croissant. Pour atteindre 1 500 personnes par jour au plus fort des troubles, lorsque Emmanuel Akitani Bob s’est auto-proclamé Président (en mars dernier, ndlr). Les clashs qui ont suivi cette déclaration ont en effet poussé beaucoup de Togolais à fuir. La semaine dernière, le nombre de réfugiés par jour est descendu à 150 et à 50 ce week-end. Le retour au calme peut expliquer ce mouvement de décélaration.

Afrik.com : Les Togolais avaient-ils déjà commencé à fuir le Togo pour le Bénin avant la proclamation de la victoire de Faure Gnassingbé ?

Rafik Saïdi :
Nous avons eu vent de personnes qui ont quitté leur pays. La situation était prévisible. Tout observateur aurait sans trop de risque joué une bonne carte. Nous-mêmes, en tant qu’agence des Nations Unies, nous nous sommes préparés au ‘Scénario’. Quand il y a eu le déferlement, nous étions préparés.

Afrik.com : Quel est le profil des réfugiés que vous accueillez ?

Rafik Saïdi :
Au début de la crise, nous avions des réfugiés « classiques », donc en grande majorité des femmes et des enfants, qui sont les premières victimes. Au fil du temps, beaucoup de jeunes gens sont arrivés. Ils sont généralement célibataires et âgés entre 18 et 28 ans. Selon ce qu’ils nous expliquent, ils ont fui le Togo parce qu’ils avaient peur pour leur sécurité, peur qu’une campagne ne soit menée contre eux. Ils craignent d’être la cible des rafles, qui se produisent la nuit par quartiers, et préfèrent prendre les devants.

Afrik.com : Avez-vous des partenaires pour accomplir votre tâche ?

Rafik Saïdi :
Nous avons tout un plan de collaboration avec le Pam (Programme alimentaire mondial, ndlr) pour l’alimentation, l’OMS (Organisation mondiale de la santé, ndlr) pour le volet sanitaire, l’Unicef pour les enfants… Au niveau de la mise en œuvre de projets, nous faisons beaucoup appel au gouvernement pour les enregistrements. Nous travaillons aussi avec la Fédération de la croix-Rouge ou encore Caritas. Chacun apporte sa pierre.

Afrik.com : L’Etat béninois vous aide-t-il financièrement ?

Rafik Saïdi :
L’aide de l’Etat n’est pas chiffrable. Il nous donne les terrains où nous installer, mais que nous devons viabiliser, c’est-à-dire que nous devons aménager un réseau électrique et d’eau potable. Le gouvernement met aussi à notre disposition, dans la mesure du possible, des hôpitaux, des centres de santé… Nous avons par ailleurs commencé ce lundi les cours pour les enfants dispensés par des Togolais. Il ne reste qu’un mois et demi d’école, cela aurait été dommage de ne pas finir l’année.

Afrik.com : Quel bilan feriez-vous de votre action ?

Rafik Saïdi :
La situation est sous contrôle, en grande partie grâce à la décélération de l’arrivée de réfugiés. Cela nous permet de réarranger la structure du camp. Car ce n’était pas facile quand 1 500 personnes arrivaient par jour. Il fallait palier au problème des femmes enceintes, du manque de personnels… Maintenant que nous avons des renforts et que les choses se tassent, nous répondons plus vite et de façon plus adaptée aux problèmes. La coordination est en marche, mais nous manquons de moyens. Nous avons d’ailleurs fait un appel d’urgence de 5,5 millions de dollars à la communauté internationale. Certaines contributions ont été faites, mais elles sont très loin de satisfaire nos besoins.

Afrik.com : A combien reviennent les dépenses pour gérer les deux camps ?

Rafik Saïdi :
C’est difficile à chiffrer, mais les dépenses s’élèvent entre 1,5 et 2 millions de dollars. Les besoins sont multiples : tentes, espace, nattes, couvertures, ustensiles de cuisine, moustiquaires, lampes, eau, latrines, écoles… Nous cherchons aussi désespérément des fonds pour acheter une ambulance. Et plus le temps va passer, et plus les besoins seront importants. D’autant plus que nous prévoyons d’agrandir le camp de Lokossa.

Afrik.com : Quand pensez-vous que les Togolais pourront rentrer chez eux ?

Rafik Saïdi :
Pour que les Togolais puissent rentrer chez eux, il faut un rétablissement de la confiance entre le peuple et le pouvoir. Cette réconciliation est indispensable.

Afrik.com : Certains Togolais sont-ils déjà rentrés dans leur pays ?

Rafik Saïdi :
Très très peu.

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