Faure Gnassingbé : pour le meilleur ou pour le pire ?


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La communauté internationale a globalement réprouvé l’investiture de Faure Gnassingbé à la tête du Togo, après le décès de son père Gnassingbé Eyadéma. Qu’en disent les Togolais, premiers concernés ? Les sentiments qui semblent dominer sont la colère et le rejet de ce chef d’Etat imposé à la suite d’un changement de dernière minute de la constitution. Les opinions recueillies par Afrik.com montrent aussi que les habitants craignent un avenir toujours aussi sombre pour le pays. Ambiance.

Quel avenir réserve l’investiture à la présidence, lundi, de Faure Gnassingbé ? Rien qui vaille, si l’on en croit une bonne partie du peuple togolais. Il place en effet peu d’espoir dans le nouveau chef de l’Etat, qui a remplacé à ce poste son père Gnassingbé Eyadéma, décédé samedi, après une modification de la constitution. Parmi les Togolais interrogés par Afrik.com, certains estiment que la situation risque de rester identique à celle qui a prévalu sous feu Eyadéma. D’aucuns prévoient même « des effusions de sang ». A l’inverse, d’autres pensent que la situation ne peut que s’améliorer.

 Armand, 23 ans, étudiant

« La lutte continue »

« A la mort de Eyadéma, je me suis dit, comme beaucoup d’autres, que les choses allaient vraiment changer. Mais vu comme le pouvoir a été légué à Faure, je pense qu’au contraire la lutte continue, comme l’a rappelé l’UFC (Union des forces du changement, opposition, ndlr) de Gilchrist Olympio. Ce matin, je devais aller en cours, mais j’ai décidé de respecter le mot d’ordre de l’opposition (qui appelle à une deux journées ‘Togo pays mort’ ces mardi et mercredi, ndlr). C’est une façon de protester contre la façon dont Faure est devenu Président. En fait, la mort de Eyadéma n’a rien changé. Et l’avenir du Togo promet d’être sombre parce que la communauté internationale dit qu’elle condamne ce qui se passe mais ne fait rien. Nous voulons du concret ! »

 Gildas, 19 ans, étudiant

« Le peuple a peur de se soulever »

« Les choses auraient pu changer si Faure avait décidé de respecter la constitution. Mais comme il a accepté le changement de la constitution qui l’a amené au pouvoir, je pense que c’est le même régime qui va recommencer. La plupart des Togolais ne sont pas d’accord avec la façon dont il a été investi, mais ils ont encore en mémoire les événements de 1993, où l’armée avait notamment tiré sur une foule de manifestants. Du coup, ils ont peur de donner leur avis et de se soulever. »

 Victor, 36 ans, enseignant

« Faure veut marcher dans les traces de son père »

« A la mort du Président, le peuple était en liesse car il a beaucoup souffert de la dictature. Cela a été une grande tristesse lorsque son fils a été nommé à la tête de l’Etat. Je ne connais pas trop le tempérament de Faure, mais je pense qu’il veut marcher dans les traces de son père. Le fait qu’il accepte la promotion de l’armée et la façon dont il a été investi le montre. Il s’est précipité sur le pouvoir qui lui était offert. J’en appelle à la communauté internationale pour qu’elle intervienne au Togo. Si elle ne le fait pas, c’est un crime ! »

 Sonia, 27 ans, analyste oculaire

« Faure a peur de diriger »

« Pour que les choses changent vraiment, il aurait fallu qu’une autre personne soit au pouvoir. Pas un Eyadéma et pas nécessairement un membre de l’opposition, mais plutôt un intellectuel. Car il faut être instruit pour diriger un pays. Faure l’est, il a fait de brillantes études, mais j’ai le sentiment qu’il n’est pas d’accord avec son investiture. C’est même comme s’il avait peur de gérer le pays. Mais s’il peut bien gérer, je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’il reste. Tout ce que je veux, c’est qu’il n’y ait plus de différence entre les Togolais du Nord (principalement d’ethnie kabyé, celle du Gnassingbé Eyadéma, ndlr), qui sont employés même s’ils n’ont pas de diplômes, et ceux du Sud, qu’on laisse au chômage même s’ils sont qualifiés. Il n’y a qu’un seul Togo. »

 Hantz, 28 ans, gérant de société

« Si la démocratie n’est pas respectée, on risque des effusions de sang »

« Il y a deux cas de figure. Dans le premier, Faure décide de respecter la constitution et laisse Fambaré Nachaba (président de l’Assemblée nationale jusqu’au changement de la constitution qui a placé Faure Eyadéma à ce poste, ndlr) devenir Président par intérim. Nous ne l’aimons pas parce que c’est le RPTiste (membre du Rassemblement du peuple togolais, ndlr) qui a toiletté la constitution pour permettre à Eyadema de briguer son dernier mandat. Mais au moins, son investiture serait légale. Et au terme de 60 jours, les Togolais décideront de s’ils veulent de Faure comme Président ou non. Les résultats ne risquent pas d’être trafiqués, car le nouveau pouvoir n’aura pas le temps de mettre en place les dispositifs pour ça, et l’opposition remportera les élections. Dans le second cas, Faure décide de persister dans la voie qu’il a prise, ce qui semble l’option choisie, puisque malgré les médiations de la communauté internationale il reste sur ses positions. Il y aura alors des effusions de sang. »

 Pascale, 43 ans, commerçante française installée au Togo

« Les choses iront mieux car Faure est jeune et modéré »

« Le Président actuel est, d’après ce que les gens en disent, quelqu’un de modéré, qui a fait de brillantes études. Je pense que la situation dans le pays ne pourra qu’aller mieux car Faure est aussi plus jeune que son père. Il est aussi très calme. Il a expliqué dans un très bon discours, très positif, qu’il poursuivrait la politique d’ouverture de son père et qu’il maintiendrait la tenue d’élections à la date prévue. Tout le monde parlait de coup d’Etat, ce qui n’est pas vrai. Les journalistes, comme souvent, ont aggravé les choses. Je trouve dommage que les gens s’affolent et se fassent peur. Certains Français installés ici ont fait partir leurs femmes et leurs enfants par crainte des violences. »

 Isabelle, 25 ans, commerçante et propriétaire de restaurant

« Heureusement que l’on a pris le fils d’Eyadéma »

« Les gens se font peur entre eux. Ils disent que ça va mal aller. Mais au contraire. Heureusement que c’est le fils qui a été choisi. A sa tête, on voit qu’il sera un bon dirigeant et qu’il nous donnera des emplois comme il l’a dit. Un autre de ses avantages est qu’il n’a pas de problèmes avec la population. Ce n’est pas comme avec (Gnassingbé, ndlr) Eyadéma dont les gens disaient du mal. C’est une bonne chose que le régime Eyadéma continue. Si quelqu’un d’autre avait été mis au pouvoir, il y aurait eu des débordements. Peut-être que l’opposition va vouloir entreprendre une action contre Faure, mais les militaires sont déployés partout pour assurer le calme. »

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