Africain, toi ? Jamais !


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Un Blanc peut-il représenter l’Afrique ? Pour bon nombre d’Africains noirs, la réponse est simple : impossible. Cette radicalisation est un douloureux vestige des années de colonisation, encore très présentes dans les esprits. De fortes tensions ont éclaté ces dernières années dans quelques pays ne supportant pas de voir leur peuple représenté, à l’échelle nationale ou internationale, par un Blanc. Exemples.

Un Africain blanc, ça n’existe pas ! C’est le sentiment qu’éprouvent bon nombre d’Africains noirs, qui estiment que la couleur de leur peau est une composante indissociable de l’africanité. Les Blancs du continent qui sont élus pour représenter leur pays lors d’une compétition peuvent être la cible d’attaques cinglantes de la part des Noirs. Ceux qui remportent une récompense de prestige ne sont pas mieux lotis. Cet état d’esprit revendicatif est principalement le fruit d’une époque coloniale honnie.

Les cicatrices de la domination blanche sont encore très vives en Afrique du Sud, qui se remet lentement de l’Apartheid qui a prévalu de 1948 à 1994. Cette ère de ségrégation raciale à l’encontre de la majorité noire par la minorité blanche reste encore très présente dans les esprits. Pour beaucoup, il y a encore deux Afrique du Sud : un blanche et une noire. Alors, quand la Sud-africaine blanche Charlize Theron a remporté, le 29 février dernier à Hollywood, le premier Oscar pour l’Afrique pour son rôle dans le film « Monster », tout le pays n’était pas en liesse, à l’image d’ailleurs du reste du continent.

L’Afrique noire reste sans Oscar

charlize.jpgMais pour le Président sud-africain l’événement méritait clairement qu’on s’y arrête. Thabo Mbeki a déclaré au nom de son peuple : « Nous sommes tous immensément fière d’elle, notre fille sud-africaine ». D’autant plus que l’actrice blonde de 28 ans est fière de ses origines, tant occidentales qu’africaines. « Je sais que tout le monde en Nouvelle-Zélande a été remercié, déclarait-elle avec émotion lors de la remise de son prix, alors je vais remercier tout le monde en Afrique du Sud, ma terre natale. »

Certains prennent toutefois avec des pincettes l’octroi du fameux prix et avancent que c’est la couleur de peau de Charlize Theron qui a été le catalyseur de la décision. Laly, qui a réagi sur l’article d’Afrik, estime que « les atouts physiques de cette femme participent beaucoup à sa réussite. Elle ressemble plus à Grace Kelly qu’à Myriam Makeba (chanteuse sud-africaine noire, ndlr). D’ailleurs, si Charlize Theron avait été noire comme elle, il est certain qu’elle n’aurait jamais été récompensée ». D’autres doutent du poids de cette victoire pour le continent. La raison invoquée est en majorité que l’Afrique ne pourra jubiler que quand « un Noir » reviendra au pays avec la statuette sous le bras.

Un Blanc reste un Blanc

Un sujet qui prête beaucoup à polémique. stefan-bon.jpg En témoigne la couverture médiatique de « l’affaire Stefan Ludik », le Namibien de 22 ans qui a participé à la dernière édition de Big Brother Africa (BBA), une émission continentale de télé-réalité. Ce blond aux yeux verts « faisait tache » parmi ses onze colocataires africains de nationalités différentes. Et son physique avantageux ne l’a pas sauvé des attaques de ses compatriotes qui lui reprochaient notamment de ne pas s’intéresser à la culture africaine. Mais le fond du problème était bel et bien qu’il faisait partie des quelque 10% de Blancs que comptent la Namibie. « Comment se fait-il que ce soit lui qui ait été choisi ? », s’indignaient certains, arguant que choisir un Noir aurait été beaucoup plus approprié et représentatif du pays.

Le quotidien The Namibian a recueilli à l’époque plusieurs témoignages faisant état de la polémique dans le pays. « C’est vraiment gênant. Même l’Afrique du Sud n’est pas représentée par un candidat blanc », ou encore « Certains Blancs sont peut-être nés ici, mais ils ne sont pas noirs. Son grand-père est probablement originaire d’Europe ». Le débat a même traversé les mers pour finir sur le chat de la chaîne américaine NBC. Malgré la forte la controverse, le jeune Namibien a reçu des messages de soutien.

« Non à la miss blanche ! »

tracey.jpgLes organisateurs du concours de beauté panafricain Face of Africa (visage d’Afrique, ndlr) ne pensaient pas créer eux aussi la polémique lors de leur édition de 1999. Et pourtant, la sélection de Tracey Maitland-Stuart pour représenter l’Afrique du Sud a provoqué un tollé général. L’un des journalistes du célèbre magazine sud-africain Tribute a d’ailleurs fortement attisé le feu en écrivant que Le visage d’Afrique devrait être « un visage africain, et non un visage blanc d’occidental », rapporte The Associated Press.

Il aurait également ajouté que « choisir une Sud-africaine blanche pour participer à Face of Africa était insultant pour les gens noirs », selon Melting Pot. Pour finir, Tribute a appelé les onze autres finalistes à boycotter la finale, qui devait se tenir en Namibie. Un appel non suivi d’effet, puisqu’aucune des femmes ne s’est retirée de la compétition. Quelques finalistes ont même accordé leur soutien à leur rivale blanche, considérant qu’elle était aussi africaine qu’elles.

Concours hypocrite ?

Un fair play que les organisateurs n’appliqueront pas. Lizy Matsena, membre de l’équipe de 1999, insistait à l’époque sur le fait qu’un visage africain est celui d’« une fille, née et élevée sur le continent africain », selon Melting Pot. Mais dans les coulisses, le discours aurait été radicalement différent. « En dehors de la sphère publique, où la race et les degrés d’africanité sont des sujets trop sensibles à aborder, les organisateurs concéderont qu’une personne ayant le teint de Maitland-Stuart n’est pas près de gagner parce que Face of Africa est réservé à récompenser ses sœurs de carnation plus foncée », explique le journal sud-africain Sunday Times. La finale de l’élection de beauté ne lui a pas donné tord : c’est la Namibienne noire Benvinda Mundenge qui a remporté le premier prix.

Les exemples de « rejet du Blanc » sont nombreux et témoignent, pour certains, d’une schizophrénie africaine. Une maladie qui pousserait les Africains à reprocher aux Occidentaux de ne les considérer que sur la couleur de leur peau. Chose qu’eux-mêmes pratiquent sur le continent. Parfois même les métisses, nés en Afrique et dont l’un des parents est africain, ne seront pas considérés comme de vrais Africains. Parce qu’à moitié noirs.

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